PQube met le paquet avec Song of Memories, lui offrant localisation et même une sortie sur PlayStation 4 en boite (une version Switch avait un temps été envisagée, mais a finalement été abandonnée). Un titre pourtant de niche, du genre de ceux qui ne passent habituellement pas les frontières du Japon. Song of Memories est en effet un visual novel, genre un peu à part dans la galaxie jeu vidéo, méritant même qu’on se pose la question « est-ce vraiment un jeu ? »… Alors faut-il tenter l’aventure ?
(Test de Songs of Memories réalisé sur PlayStation 4 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Exotisme vidéoludique
Nous avons tous vécu cette frustration de voir sur les sites d’import japonais ces nombreux titres auxquels la plupart d’entre nous n’aura jamais accès pour d’évidentes raisons linguistiques. Et c’est souvent d’autant plus frustrant que les jaquettes colorées de ces jeux hors de portée mettent en général en scène des personnages de manga qui sont en eux-mêmes autant de promesses d’aventures imaginaires…
On peut même être sûr que certains d’entre nous se sont déjà jurés d’apprendre la langue d’Akira Toriyama pour pouvoir accéder à ce catalogue. Peu s’y sont toutefois tenus !
Bien heureusement, depuis quelques années, certains éditeurs se donnent pour mission de nous permettre de découvrir ce pan de culture qui nous était jusque-là interdit. C’est par exemple le travail qu’a fait PQube avec Song of Memories.
Ainsi, non seulement le jeu se voit gratifié d’une sortie occidentale, mais il se trouve en version physique en magasin, et entièrement localisé : tous les textes sont en effet traduits en français ! Et rien que pour saluer l’initiative, on souhaite que le titre rencontre son public.
La théorie du genre
Song of Memories est donc un visual novel – un roman à regarder, s’il fallait traduire l’expression – un objet hybride entre le jeu vidéo et l’album illustré. On y est moins acteur que spectateur, moins joueur que lecteur.
Bien que notre avis nous soit demandé sur certaines directions à donner à l’histoire, et malgré quelques rares phases possédant un vrai gameplay, on passera beaucoup plus de temps à admirer les illustrations s’affichant à l’écran en lisant les dialogues qu’à réellement « jouer ».
C’est le contrat du genre, et ce n’est pas ce qui en fera un bon ou un mauvais titre. On ne critique pas un roman pour son manque d’images, ou le Titanic de James Cameron pour son manque de suspens ; de la même manière, on ne pourra pas reprocher à un visual novel d’être trop peu interactif.
Ce qui fait le sel du genre, ce sont les embranchements et les fins multiples. Si le gameplay est plutôt limité, les choix que l’on fait seront néanmoins déterminants pour la suite des événements, et on sera invité à revenir sur de nombreuse scènes pour explorer d’autres facettes du scénario, en suivant d’autres personnages ou en prenant de nouvelles décisions. Et c’est à cette condition seulement qu’on pourra espérer saisir l’ensemble de l’intrigue.
What’s the story ? (morning glory)
L’intrigue justement. Qu’est-ce que ça raconte, Song of Memories ? Le joueur incarne Minato Kamishiro, un jeune lycéen qui a perdu ses parents, et vit ainsi seul avec sa jeune sœur, Fûka, dont il a la charge. Son meilleur ami, Makoto, a un peu de mal à gérer les afflux hormonaux que provoque chez lui l’adolescence, et a créé le fan club de Yuno, la jeune championne de gymnastique du lycée, dans l’unique but de pouvoir la reluquer en justaucorps pendant ses entraînements.
Parallèlement, Minato et sa sœur vont accompagner Kannon, une amie d’enfance atteinte d’une étrange maladie qui l’aura forcée à être déscolarisée. Alors que l’aventure commence, Kannon a été autorisée à retourner au lycée, et compte beaucoup sur ses amis pour la soutenir.
On le voit, le casting est très féminin, et l’ambiance générale du soft se montre de temps à autre légèrement érotisante. L’un des objectifs du jeu sera d’ailleurs, en prenant les bonnes décisions dans la trame narrative, de trouver l’amour !
Derrière ces histoires très AB Productions se trame pourtant quelque chose de plus sombre. Régulièrement à la radio, on entendra parler d’un mystérieux virus X qui semble doucement se propager. Le groupe d’amis fera d’ailleurs une rencontre glaçante, un soir, dans un parc, avec une sorte de monstrueux mutant. Si eux ne feront pas le lien avec ce virus X, le joueur, lui, comprendra vite que quelque chose de grave est sur le point de se produire.
C’est pas du jeu !
Le joueur sera plutôt passif dans Song of Memories, et l’essentiel de son activité sera centré sur le bouton Croix, qui lui permettra de passer au dialogue suivant… Les dialogues, justement, intégralement traduits en français, sont assez soignés, et si on repère une ou deux coquilles, qui seront probablement corrigées dans une prochaine mise à jour, elles sont sans réelle conséquence et on les pardonne de toute façon très vite.
On notera, toujours au sujet des sous-titres, qu’une simple pression du bouton Rond permet de les faire disparaître pour apprécier les illustrations en plein écran. Un détail appréciable, signe du soin général apporté au titre.
Plus gênante est l’absence de vie de dans les phases narratives. On aurait aimé plus d’animations. Si les personnages ne sont pas tout à fait statiques, leur animation est réduite au minimum – sauf au niveau des poitrines des personnages féminins, seul élément à l’écran réellement doté de mouvements (le jeu tournerait-il sur le moteur 3d Nichons Engine ?!)… On regrette aussi l’absence totale de cutscene animée. Par contre, l’intégralité des textes est doublée, comblant en partie par l’audio ce qui manque en termes d’effets visuels. D’autant que les voix japonaises renforcent l’immersion dans cette œuvre typiquement nippone.
En tant qu’objet également littéraire, le titre se lit surtout, mais il se joue aussi. Les phases intégrant des éléments de gameplay interviennent à deux occasions. La première, c’est face aux mutants. Si ces derniers se font très discrets lors du premier run, explorer plus en profondeur le titre nous amènera à les rencontrer de plus en plus souvent.
Heureusement, Minato sera secondé face aux monstres par les Dream 4 U, groupe de créatures virtuelles à mi-chemin entre un groupe d’idols comme les Momoiro Clover Z, girl band très populaire au Japon, et les magical girls façon Sailor Moon. Le groupe de cinq filles est une sorte d’intelligence artificielle que Minato découvre dans un smartphone un peu étrange qui lui arrive entre les mains.
Ce sont les filles des Dream 4 U (abrégé D4U) qui combattront les mutants, tirant leur puissance de leur musique ; les combats se passent via un rhythm game semblable à ce que peut proposer un Project Diva, par exemple. Une vingtaine de chansons originales constitue la tracklist de ce jeu de rythme, chansons auxquels il faut ajouter les deux openings et six morceaux pour les différentes fins.
Le deuxième élément de gameplay concerne le scénario et la narration. On l’a vu, pour vraiment profiter du jeu, il faudra y revenir plusieurs fois. Le premier run ne nous donne en effet qu’un aperçu superficiel de l’intrigue, le générique de fin arrive d’ailleurs comme par surprise la première fois. On a vraiment l’impression d’être passé à côté de l’histoire. Et c’est à la condition de revenir fouiller le scénario et ses différents embranchements qu’on pourra en saisir tous les tenants et aboutissants.
Pour nous y aider, le jeu dispose du mode Graphique, un tableau présentant les scènes débloquées/déjà lues et les autres, et permettant de reprendre l’histoire à n’importe quel nœud pour pouvoir choisir tel ou tel embranchement. Ainsi, on ne replonge pas dans l’histoire une 3ème ou 4ème fois « à l’aveugle », mais on sait exactement où on en est à chaque instant, sans avoir besoin de repasser par la lecture de l’intégralité des scènes à chaque fois.
Song of Memories est un visual novel très réussi, nous offrant tout ce qu’on attend du genre, avec ce gros plus indispensable qu’est la traduction française. Certes, le scénario et la présentation sont plutôt convenus, mais le système de navigation dans la narration est pratique et efficace, et le jeu de rythme qui gère les combats apporte un gameplay bienvenu. Les amateurs du genre peuvent y aller les yeux fermés, mais ne doivent pas s’attendre non plus à trop de surprises. Les autres verront en Song of Memories une jolie porte d’entrée sur un genre sous-représenté. Cependant, le jeu est peut-être un peu cher pour s’y essayer par curiosité. A presque 50€, il vaut surement mieux attendre un peu et espérer une promo ou une baisse de prix.
On espère toutefois que le jeu convaincra suffisamment de monde pour donner envie à PQube et à d’autres éditeurs de continuer à nous proposer des titres pas forcément grand public.