Société de production prolifique dans le monde de la fiction horrifique sur grand écran, Blumhouse Productions s’essaie depuis 2023 aux jeux vidéo avec une branche dédiée : Blumhouse Games. Après deux essais corrects avec Fear the Spotlight et Eyes of Hellfire, le studio revient avec une proposition un peu plus ambitieuse. Avec Sleep Awake, le studio de Jason Blum et le développeur EYES OUT tentent de nous faire frémir avec un thriller psychologique et horrifique teinté de science-fiction et de dystopie.
Jeu narratif avec des éléments d’infiltration et de résolution d’énigmes, Sleep Awake semble vouloir se rapprocher d’une expérience purement cinématographique avec une histoire à tiroirs et aux multiples rebondissements. Mais aux vues de la qualité des multiples productions Blumhouse est-ce vraiment le cœur du jeu qui nous a fait frémir ? Ou sa qualité globale ?
(Test de Sleep Awake sur PS5 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Le futur s’endort
Dans un futur plus ou moins lointain, il ne reste plus qu’une ville sur Terre. Le reste de l’humanité a disparu lors d’un phénomène géologique et surnaturel sans précédent, et avec ce phénomène le Silence est apparu. Les rares personnes cédant à l’appel du sommeil sont alors emportées par le Silence et leur corps, comme leur esprit, s’évanouissent dans un monde psychédélique quelque part entre le royaume des songes et la mort.
C’est dans cet étrange futur que vous incarnez Katja, une jeune femme faisant le deuil de sa famille disparue et luttant contre le sommeil. Pour pallier cette situation d’endormissement, Katja a mis au point une drogue permettant de repousser le sommeil, mais une étrange société privée traque les laissés pour compte et autres rebelles du sommeil dans les rues de la ville qui ne dort (presque) jamais. À la recherche de son amie Amma, Katja va donc devoir éviter les patrouilles de mercenaires, les groupes sectaires et les hallucinations psychédéliques pour mener à bien sa mission et peut-être se réveiller de ce cauchemar éveillé.
Sleep Awake essaie d’être un jeu horrifique mais manque le coche presque à chaque fois. Les situations censées être perturbantes et/ou effrayantes sont constamment amorcées par un jump scare relativement pauvre, les balades psychédéliques dans le Silence donnent l’impression de se balader dans un morceau non codé du jeu et chaque situation est en permanence commentée par notre héroïne, notre implication en tant que spectateur et l’effort immersif qui découle de la scène en est ainsi amoindri. Les seuls passages côtoyant l’horreur qui ont pu faire mouche sont les rencontres avec les différents cultes cachés en ville qui prônent la douleur pour rester réveillé. Un petit côté Hellraiser qui nous a plu sans toutefois nous faire bondir de nos fauteuils.
Une boucle de gameplay simple et soporifique
Dans Sleep Awake pas question de se battre, de courir dans tous les sens ou même de faire du parkour. Katja peut simplement avancer, s’accroupir, déplacer quelques objets et pousser la chansonnette à certains endroits. Le gros de la boucle de gameplay consiste à avancer tout droit le long d’un chemin balisé par des marques jaunes et à se dissimuler lors de l’arrivée des mercenaires. L’IA ne faisant pas preuve d’une intelligence mirobolante, il vous sera très aisé d’échapper à la vigilance des gardes et autres sectaires.
Parfois, des énigmes basées sur des associations d’objets à trouver ou sur une déambulation psychédélique viendront ponctuer votre odyssée, mais encore une fois rien qui ne pimente le challenge déjà bien simplifié de Sleep Awake. Lesdites énigmes ne demandent pas un long temps de réflexion et aucune subtilité n’est à déclarer : pas d’associations tarabiscotées à la manière d’un Resident Evil ou Tormented Souls, pas d’aller-retours stressants à la Silent Hill et pas, ou peu, d’actions à faire en un temps limité avant d’être découvert et pris comme dans Outlast.
Sleep Awake veut et s’inspire d’autres grands noms du survival horror sans en emprunter ce qui en fait la force : le stress provoqué par nos actions et les moments de réflexion qui y sont inhérents. Si le jeu de Blumhouse Games n’avait pas tenté à tout prix de se coller une étiquette de jeu d’horreur, Sleep Awake aurait pu être un sympathique jeu narratif au mieux.
Les lacunes de deux mondes
Sleep Awake partait sur de bonnes bases avec un scénario qui se voulait original et une boucle de gameplay simple mais ayant déjà fait ses preuves avec des cadors du genre comme Outlast. Malheureusement, le jeu de EYES OUT et de Blumhouse Games se contente d’enchaîner les poncifs et les clins d’œil à des œuvres déjà bien ancrées dans l’imaginaire horrifique et psychédélique. Au fur et à mesure de votre avancée, vous serez parfois assaillis par des visions entièrement en FMV qui ne sont pas sans rappeler les surimpressions en prise de vues réelles d’Alan Wake 2, et le gros des images déployées pendant ces séquences hallucinatoires possèdent une touche très Lynchienne.
Mais ces effets de mise en scène et d’effroi sont assez symptomatiques des productions Blumhouse en règle générale. L’horreur est bien trop grand public et est exécutée avec de trop grosses ficelles. En soi, ces points peuvent ne pas être des défauts lorsqu’ils desservent un scénario simple et qui prend au corps. Dans Sleep Awake, la faute à un scénario faussement complexe, les points précédemment cités sonnent plus comme des clichés que comme des gimmicks bien mis en place.
Le même constat se poursuit sur le plan du gameplay, en voulant plaire au plus grand nombre et en singeant les productions horrifiques actuelles, Sleep Awake est en fin de compte une belle coquille vide qui peut tout de même compter sur son moteur graphique plutôt efficace et sur certains effets sympathiques à l’œil.
Si vous n’êtes pas familier d’expériences horrifiques, Sleep Awake pourrait éventuellement vous faire passer un bon moment. Eventuellement, car le scénario faussement alambiqué pourrait en faire décrocher plus d’un. Pour le reste, la troisième proposition de Blumhouse Games est à l’image de ce que le studio propose la plupart du temps sur grand écran : trop simple, basé sur des ficelles trop grosses et sans grandes ambitions si ce n’est emporter avec lui un vaste public grâce à son nom.


