En 2013, Rogue Legacy faisait son entrée. Développé par les Canadiens de chez Cellar Door Games, il s’est très vite fait un nom parmi les amateurs de rogue-like, grâce à sa formule qui mêle habilement aux caractéristiques-clés du genre un système de progression via les héritiers des héros tombés. C’est donc sans grande surprise que le titre s’est lui-même trouvé une relève avec Rogue Legacy 2, qui vient d’ailleurs de rejoindre le catalogue PlayStation Plus.
Après un accès anticipé en août 2020, puis une sortie officielle sur PC et Xbox au printemps 2022, Rogue Legacy 2 avait continué à recevoir sa part de nouveaux contenus, jusqu’à la publication de son ultime mise à jour le 28 avril dernier, date d’anniversaire de sa sortie. Cela aurait pu être là la fin de la roadmap pour le titre, mais que nenni : avec son arrivée sur consoles PlayStation, il part désormais à la conquête d’un nouveau public. Une aubaine pour les adeptes, qui sont sûrs d’y trouver leur bonheur.
(Test de Rogue Legacy 2 sur PC réalisée via une copie commerciale du jeu)
L’histoire sans fin
Malheur, Sire Quentin II n’a pas regardé où il mettait les pieds, et s’est jeté dans une fosse pleine de piques ! Pour un algésique tel que lui, qui ne bénéficie pas d’une fenêtre d’immunité après avoir pris des dégâts, la sentence avait toutes les chances d’être fatale. Elle l’a été. Cependant, sa mort n’aura pas été vaine. Avec les précieux deniers qu’il a collectés dans son aventure, nous allons pouvoir offrir à son successeur un bonus d’armure ou une rune de vampirisme toute neuve.
Désormais, qui va prendre la suite ? Dame Jade III, ranger de son état, qui grâce à ses muscles exceptionnels peut sauter plus haut que n’importe qui ? Sire Louis IV, l’astromancien à la fibre nostalgique, qui voit le monde à travers un filtre sépia ? Dame Zoé V, la spécialiste de la boxe qui fait des crises de panique dès qu’elle est touchée ? Ou Sire Raphaël II, le cuisinier pacifiste qui se refuse à infliger des dommages à qui que ce soit ?
Telle est la boucle de gameplay de Rogue Legacy 2 : s’élancer à l’assaut de la citadelle infestée d’ennemis, aller le plus loin possible, mourir dans d’atroces souffrances, sélectionner un nouvel héritier, dépenser sa fortune dans des améliorations et repartir au combat. Ainsi, de génération en génération, les héros arrivent au front plus puissants, mieux équipés, dotés de nouvelles facultés, et donc plus à même de vaincre l’adversaire.
Apprendre de ses erreurs
Par ailleurs, les premières parties seront selon toute évidence destinées à débloquer certaines capacités, nécessaires pour progresser à travers les différents biomes (et donc à travers l’histoire), qui seront ensuite obtenues définitivement. Cela permet de fait de guider l’évolution du joueur dans un premier temps, évitant qu’il ne se retrouve tout de suite face à des monstres trop retors ou des séquences de platforming trop techniques.
Ainsi, si Rogue Legacy 2 reprend quelques éléments emblématiques du rogue-like, à commencer par sa carte générée aléatoirement à chaque run et l’importance du RNG pour déterminer les caractéristiques des personnages et des objets trouvés en jeu, cette capacité de progression (en parallèle du gain d’expérience du joueur lui-même) permet donc une approche en douceur du genre, où nulle partie n’est jamais vaine (ou presque).
En cela, le jeu reprend le moule de son prédécesseur et parvient à l’améliorer sans le dénaturer. L’exercice n’était pas facile (on pense à Risk of Rain qui, dans son deuxième opus, a proposé une bascule de la 2D vers la 3D pas inintéressante, mais changeant radicalement la nature du jeu), pourtant Rogue Legacy 2 l’a fait. Pas de compromis, pas de remise en question excessive, mais une multitude d’options supplémentaires qui ne font qu’enrichir l’expérience.
Jamais deux fois dans la même rivière
L’un des atouts du jeu est en effet de nous permettre de changer radicalement de gameplay d’une run à l’autre, grâce à un système de classes offrant désormais une grande variété de possibilités. Au nombre de quinze, les classes appellent chacune un style de jeu bien à part : si vous en avez assez du sabre du duelliste ou des balles du pistolero, pourquoi ne pas s’emparer de la lyre du barde, dont les notes font tout à la fois office de zone de dégâts sur la durée, de bouclier et de plateforme pour des coups de pied sautés ?
Une autre caractéristique propice à chambouler l’expérience tient dans les traits aléatoires des personnages. Certains sont uniquement cosmétiques (les héros d’humeur festive verront des bonnets de Noël partout), certains procurent des avantages (comme le fait de repousser les ennemis plus loin), d’autres des handicaps. Pourquoi, alors, voudrait-on jouer un chevalier fragile avec un unique point de vie ? Mais pour le bonus d’or que l’on obtient en contrepartie, proportionnel à la difficulté !
Et puis, il y a les capacités, les sorts, les armes secondaires à débloquer pour chaque classe, les reliques à accumuler… Les combinaisons sont sans nombre, amenées à évoluer en cours de partie, et inciteront parfois à se fixer des objectifs différents pour chaque run : dans celui-ci, accumuler un maximum d’or à léguer au suivant ; pour celui-là, essayer d’atteindre le téléporteur tout en haut de la tour ; cette fois, aller combattre ce boss en particulier…
La mort en héritage
Alors, pour peu que l’on soit suffisamment persistant, arrive immanquablement le moment où l’aventure s’achève. Le boss final plie les genoux, s’effondre. Le succès correspondant se débloque, les personnages secondaires nous couvrent de félicitations. Est-ce vraiment la fin ? Mais non, bien sûr, car vient l’heure du new game + ! Et à ce titre aussi, le jeu s’est doté de possibilités qui proposent une réelle rejouabilité.
Ainsi, le new game + de Rogue Legacy 2 a plus à offrir que les mêmes ennemis avec plus de points de vie. En effet, pour pouvoir passer à un niveau supérieur, il faut en contrepartie accepter des « fardeaux ». Si certains affectent simplement un multiplicateur, d’autres proposent de nouveaux défis corsés : des versions des boss avec des capacités supplémentaires ou des biomes plus dangereux, en raison des créatures plus féroces qui les peuplent ou des aléas climatiques.
Un autre système de progression s’enclenche alors puisque, au-delà de l’or que le joueur peut continuer à accumuler (et à dépenser), il peut débloquer de nouvelles pièces d’équipements, de nouvelles runes, ainsi que récolter des pierres d’âmes qui se monnaient contre des options fort pratiques comme celle de pouvoir verrouiller une classe dans la sélection de personnage. Sans compter que pour obtenir la véritable fin, il faut compléter le NG+ dans certaines conditions…
Sévère, mais juste
Tout cela, bien sûr, n’a d’attrait que parce que ces éléments de design peuvent s’appuyer sur un gameplay extrêmement fluide et intuitif. Manette ou souris en main, on prend rapidement ses marques, et on n’est jamais décontenancé par une hitbox douteuse ou une séquence de platforming mal ajustée. On aura peut-être plus ses aises avec certaines armes qu’avec d’autres, mais l’expérience n’est jamais frustrante en elle-même.
Par ailleurs, au-delà de la diversité induite par le RNG, il y a tout simplement beaucoup de variété dans le bestiaire et les capacités des ennemis. On aura tôt fait de trouver son némésis personnel parmi les mages qui nous lancent des boules de feu, les loups qui se ruent sur nous, les tableaux hantés qui se dissimulent dans le décor ou les écus volants qui tournoient à toute vitesse, et chaque biome a ses dangers bien à lui.
Enfin, outre le ton léger qui dédramatise, le jeu ne paraît jamais injuste. Si la citadelle a son lot de pièges qui peuvent se dissimuler derrière un saut trop aventureux, on a tôt fait d’apprendre à déceler les situations à risque et à y réagir pour en ressortir en un morceau et avec son butin. Surtout, on n’est jamais mis face à une impasse, et jusqu’à ce que sonne le glas, on a toujours la possibilité de retourner la partie en sa faveur… moyennant une prise de risque.
Le grand pari
C’est en effet sur cet aspect que Rogue Legacy 2 parvient tout particulièrement à briller. L’équilibre habile qu’il parvient à construire entre impact de l’aléatoire et progression au fil des parties donne une toute autre saveur aux décisions du joueur, qui peuvent non seulement impacter sa run en cours, mais également les ressources dont il disposera dans la suivante, ou les objectifs qu’il aura débloqués pour celle-ci.
Bien sûr, tout rogue-lite repose au moins en partie sur la prise de risque. Souvent, il s’agit de décider si l’on souhaite explorer un niveau de fond en comble en espérant y dénicher de puissants objets, en sachant qu’on peut tout autant croiser la route d’adversaires coriaces. Dans d’autres cas, on s’interroge sur le meilleur investissement dans une boutique. Ces aspects existent aussi dans Rogue Legacy 2, mais la diversité des objectifs y ajoute une nouvelle dimension.
En effet, là où la plupart des rogue-lites ont pour unique but d’aller le plus loin possible et vers le boss final, on voudra peut-être ici ajuster sa stratégie après avoir trouvé un objet redoutable contre un boss spécifique, ou une capacité utile pour résoudre certaines énigmes. Savoir changer son fusil d’épaule en fonction des cartes qui nous sont données est ainsi l’un des grands moteurs de tension, de variété et donc de rejouabilité.
En somme, Rogue Legacy 2 a su réaliser l’exploit de rester fidèle à ce qui avait fait le succès du premier opus, tout en proposant un contenu à la fois élargi et raffiné. La conséquence, c’est une durée de vie allongée, puisque non seulement le titre propose des façons de jouer plus diversifiées, mais il y a aussi une véritable incitation à enchaîner les NG+ pour expérimenter avec les différents fardeaux possibles. Et c’est sans compter les nombreux secrets à découvrir au détour des parties…
Là où Rogue Legacy incarnait à une échelle relativement modeste une idée savamment exécutée, Rogue Legacy 2 fait ainsi figure d’œuvre complète, qui a pu explorer jusqu’au bout son concept et en tirer tous les bénéfices. On y retrouve ainsi tout ce qu’on peut attendre d’un rogue-lite moderne, servi par un gameplay fluide, une direction artistique simple mais attrayante, et un brin d’humour et d’autodérision.
Avec l’arrivée du jeu sur PlayStation, il n’y a donc plus d’excuses pour ne pas aller à sa découverte et se préparer à mourir encore et encore avec un enthousiasme toujours renouvelé.