River City Girls 2 fait face à un défi de taille : offrir une suite à un jeu qui était déjà lui-même un hommage, un gros clin d’œil. Le premier jeu s’inscrit en effet de façon maligne dans la droite lignée des pères du genre beat’em all, en mettant en scène – en détournant presque – les héros des jeux mythiques de la licence Kunio Kun. Comment alors proposer un nouvel épisode sans faire de redite, sans tourner en rond ? La réponse de WayForward est simple : en faisant plus, plus grand, et mieux.
(Test de River City Girls 2 sur Xbox Series X réalisée à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
On prend les mêmes…
En ayant déjà joué à River City Girls, on ne sera pas surpris au lancement de ce second épisode. On retrouve Kyoko et Misako qui n’ont pas changé d’un pixel en trois ans (il faut dire que River City Girls 2 se déroule quelques minutes après la fin du premier jeu), des décors qui nous sont familiers, et même des ennemis qu’on connaît bien : de nombreux sprites sont ainsi passés du premier au deuxième épisode.
Le gameplay n’a pas tellement bougé non plus (malgré de nombreuses améliorations qu’on détaillera plus bas). Il s’agit essentiellement d’un beat’em all inspiré des classiques du genre des générations 8 et 16 bits. Doit-on rappeler que la licence est un spin-off/hommage à la série des Kunio Kun, ancêtre de Double Dragon ? Le jeu bénéficie néanmoins de composantes qu’on trouve habituellement plutôt dans les RPG, comme l’équipement, qui vient modifier les stats du personnage, ou des quêtes secondaires facultatives. Autant d’atouts qui cassent la linéarité habituelle du genre.
L’équipe aux manettes est elle aussi de retour sur ce second épisode, avec toujours l’excellent studio WayForward au développement, la géniale Megan McDuffee à la B.O., et la magique Cristina Vee à la direction d’acteurs, qui ont tous repris leur rôle du premier jeu. De façon générale, une bonne partie de notre critique de River City Girls, premier du nom, pourrait s’appliquer à cette suite. Ainsi, nous écrivions en 2019 :
« Les mécaniques de combat tiennent surtout à maîtriser le timing et les déplacements dans les quatre directions, et il faudra savoir repérer les animations de chaque adversaire, annonciatrices de leurs différentes attaques (high kick imparable, jump kick, boule de feu…). Évidemment, on joue de préférence à la croix directionnelle, pour une plongée plus immersive dans le gameplay rétro. Et à vrai dire, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu cette petite douleur au bout des pouces, signe de parties intenses, équivalent vidéoludique des courbatures du sportif. »
Ce qui reste d’actualité pour River City Girls 2 !
River City Girls 2, lave plus blanc !
Un peu comme ces shampoings ou autres crèmes hydratantes qu’on voit dans les pubs, River City Girls 2 est un jeu « à la formule enrichie ». Enfin, là où pour le shampoing, on a quand même de gros doutes, dans le cas du jeu, c’est véritablement ça. Nous disions ci-dessus comment on retrouve tout ce qui a fait le succès du premier jeu, mais cette suite ne s’arrête pas à faire de la redite, et propose des nouveaux éléments qui rafraîchissent et améliorent la recette du premier opus.
Ainsi, la carte est beaucoup plus vaste. Si on retrouve certaines zones qui nous sembleront familières, de nombreux nouveaux environnements attendent d’être découverts, en raison de la map suffisamment grande pour qu’on s’y perde un peu, et on voit que les promesses de progression non-linéaire sont respectées. D’ailleurs, les quêtes secondaires apportent une variété bienvenue dans le gameplay, certaines prenant la forme de mini-jeux, comme un jeu de rythme ou une balle au prisonnier.
Les quelques (tout petits) défauts qu’on avait déplorés sur le premier jeu, notamment au niveau des commandes, ont été en grande partie corrigés. Ainsi, nous regrettions que la touche d’attaque était aussi celle qui permettait de passer d’un écran à l’autre, source de problèmes quand les ennemis étaient trop près du bord de l’écran. C’est désormais réglé, puisqu’il faut maintenant maintenir l’appui pour changer de zone.
Et puis, les deux garçons qu’on a libérés à la fin du premier jeu sont désormais à nos côtés, et le pool de personnages jouables s’est agrandi. Outre Kyoko et Misako, on peut ainsi aussi jouer avec Kunio et Riki, ainsi qu’avec deux nouveaux personnages qu’on rencontrera au cours de l’aventure, chacun apportant des nuances dans le gameplay (force brute, rapidité…).
Néo rétro, toujours d’actualité (hélas)
Voilà ce qu’on écrivait sur le premier jeu, il y a trois ans :
« Si cette inversion des rôles, où la princesse en danger devient l’héroïne badass, permet bien entendu de rafraîchir un peu la licence, il ne s’agit pas que de cela. On le sait, le milieu du jeu vidéo est loin d’être exemplaire en ce qui concerne l’égalité filles-garçons, et les événements du gamergate (2014) ont mis un gros coup de projecteur sur le problème. Malheureusement, depuis, rien n’a vraiment évolué, et ces dernières semaines ont vu défiler de tristes illustrations du problème, avec les accusations de harcèlement sexuel qui se sont multipliées dans différents studios, aboutissant notamment au suicide de l’un des accusés.
Bien sûr, les jeux vidéo nous ont déjà offert à de nombreuses reprises des figures de femmes fortes et indépendantes, de Lara Croft à Chun Li, en passant par Samus ou Shantae. Mais plus rarement ces filles prennent réellement la place qui échoit traditionnellement aux hommes. Leur indépendance leur permet de s’affranchir de la présence des garçons, plus difficilement de s’imposer à leur place. C’est le tour de force du scénario de River City Girls, aussi simpliste qu’il est rare. »
Et force est de constater que malgré une médiatisation importante de ces sujets, rien n’a vraiment changé depuis. Alors, River City Girls enfonce encore un peu le clou, et s’attaque directement au patriarcat. Le grand méchant de l’histoire n’est en effet rien de moins que le père de Sabuko, la boss finale du premier opus, qui se range, elle, du côté de Kyoko et Misako contre son propre père. On ne pouvait pas faire plus clair…
Et comme on l’écrivait déjà à l’époque, ne limitons pas pour autant ce River City Girls 2 à cet aspect politique. Le jeu est avant tout super fun. La direction artistique est remarquable, il y a toujours quelque chose à regarder, à découvrir, dans les décors. Les dialogues sonnent juste et sont vraiment drôles, bénéficiant de plus d’un doublage aux petits oignons par des acteurs talentueux, et la B.O., qui reprend par moment des morceaux entendus dans le premier jeu, est elle aussi une vraie réussite. Carton plein, quoi.
Alors oui, de façon trop peu modeste, on aura beaucoup cité notre propre article. Mais pour faire la critique d’un jeu qui se construit sur l’hommage et la citation, on ne pouvait pas faire moins ! River City Girls 2 est ainsi une sorte d’aboutissement de la formule beat’em all telle qu’on la connaît depuis le milieu des années 80.
Une formule qui n’est ici pas forcément modernisée, mais polie, peaufinée. C’est très beau, très fun, loin d’être stupide, et réalisé avec soin par des équipes qu’on imagine sans peine passionnées. C’est simplement un très bon jeu, et ce n’est déjà pas rien !