Alors que la PlayStation 5 est maintenant disponible depuis le mois de novembre, il était tout de même temps que Returnal pointe le bout de son nez afin de voir arriver une « vraie » exclusivité sur cette machine, Demon’s Souls, aussi bon soit-il, restant un remake d’un titre sorti sur PS3. Mais tout vient à point à qui sait attendre et pour ce début de génération, tout comme à la sortie de la PS4, Sony a décidé de placer sa confiance dans le studio finlandais Housemarque, qui avait alors accouché de l’excellent shooter Resogun.
Huit ans plus tard et après plusieurs succès critiques, dont l’excellent Nex Machina, Housemarque remet le couvert au lancement d’une console PlayStation, et nous sert donc Returnal, un Rogue-like AAA baignant dans une ambiance SF pesante, une sorte d’OVNI que beaucoup toisaient encore il y a de ça quelques mois, mais dont pourtant aujourd’hui, tout le monde parle.
Mais alors, pourquoi ? Pourquoi toute cette agitation autour de Returnal, lui qui n’a pourtant absolument rien au départ pour attirer les foules, que ce soit son genre, son ambiance, ou encore même son exigence ? C’est justement ce que nous allons voir dans ce test, qui devrait vous permettre de savoir si ce jeu est fait pour vous, ou non.
(Test de Returnal réalisé sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Returnal réussit avec brio là où Hades avait su briller lui aussi
Ces dernières années, le Rogue-like a été l’un des genres les plus importants dans la sphère indépendante de l’industrie vidéoludique, et malgré certains gros succès comme The Binding of Isaac, fer de lance du genre depuis sa sortie en 2011, aucun éditeur n’avait jusqu’alors tenté de faire du Rogue-like AAA. Sony s’est donc engouffré dans la brèche en premier pour sortir l’exception qui confirme la règle : Returnal.
Si vous vous êtes un peu intéressé au jeu d’Housemarque ces derniers mois, celui-ci vous a peut-être paru hermétique au premier abord, et c’est vrai qu’en un sens, par ses codes, son genre, et sa narration, il l’est. Son histoire tout d’abord vous plongera dans la peau de Sélène, une astronaute venant de s’écraser sur une planète inconnue dont la particularité est de vous maintenir dans une boucle sans fin, de laquelle vous allez devoir tenter de vous sortir.
Cette histoire, à l’instar de ce que proposait Hades, permet à la fois de justifier la mécanique principale du genre, à savoir l’éternel recommencement, mais aussi d’exploiter de manière intéressante le ressenti de Sélène vis-à-vis du fait qu’on lui fasse revivre sans cesse les mêmes événements.
En arrivant sur cette planète, vous allez d’ailleurs trouver le corps d’un astronaute à la combinaison pareille à la vôtre, et vous découvrirez que cette version de vous-même, celle que vous incarnez, n’en est en fait qu’une parmi tant d’autres. À partir de là, beaucoup de questions risquent de marteler votre esprit, et si le fil rouge vous sera rapidement dévoilé, c’est avant tout en explorant votre environnement que vous apprendrez à découvrir la planète, sa civilisation que l’on croirait éteinte, mais surtout, que vous apprendrez à vous découvrir vous-même, notamment au travers d’enregistrements laissés derrière les précédentes Sélène, ainsi qu’en pénétrant dans la fameuse maison que vous avez sûrement vue dans les trailers.
Concernant l’univers, pas de place au doute, nous sommes bien dans une aventure de SF à l’ambiance travaillée, et ce ne sont pas les références artistiques qui manquent à l’appel. D’Alien au Mythe de Cthulhu en passant par certaines inspirations provenant des œuvres de Hans Ruedi Giger, Returnal a de la matière à revendre pour vous faire ressentir la tension oppressante de son univers, aussi bien au niveau physique que psychique.
Et vous le verrez en y jouant Returnal a cette propension à toujours vous garder dans les cordes, que ce soit par la génération procédurale de ses « pièces » vous demandant d’être constamment alerte face au danger, par sa richesse visuelle, la pression mise par les ennemis, mais aussi la qualité de sa bande-son. Alors qu’on soit d’accord, ce n’est probablement pas une OST que vous écouterez avec plaisir pour vous remémorer les bons moments passés sur le jeu, mais par contre, on ne pouvait certainement pas rêver mieux comme accompagnement de cette aventure.
Composée par Bobby Krlic, que vous connaissez déjà sans le savoir si vous avez vu le film Midsommar, cette bande-son accentue à la perfection chaque minute que vous passerez sur le jeu, que ce soit pour mettre en valeur le côté angoissant des environnements ou pour décupler la tension lors des affrontements. Son plus grand atout n’est donc pas de nous ravir de mélodies clinquantes, mais bien de favoriser l’immersion au maximum, quitte à parfois s’effacer légèrement afin de ne faire plus qu’un avec tout le côté organique du jeu.
Visuellement, ce n’est ici clairement pas la claque next-gen au sens où on pourrait l’entendre. Les textures ne sont pas incroyables dans bien des cas, tout ce qui n’est pas amené à être approché de près peut paraître un peu cheap parfois, mais pour autant, la direction artistique rattrape allègrement tout ça, les différentes références dont nous avons parlé plus haut étant parfaitement mises en scène. Ne nous faites cependant pas dire ce que nous n’avons pas dit, le jeu est globalement vraiment très beau, on en prend plein les yeux au niveau des FX lors des combats, et le bestiaire est sublime. Seulement, quelques concessions ont naturellement dû être faites pour que le gameplay de Returnal puisse déployer ses ailes au maximum.
Un Rogue-like classique dans la conception, mais sublimé par la patte Housemarque
Et en ce qui concerne le gameplay, Housemarque est un studio qui sait très bien faire les choses. Resogun avait déjà un très bon feeling pour un shooter horizontal, mais c’est avec Nex Machina qu’ils ont atteint le sommet de leur maîtrise de l’arcade. Cette sensation inimitable, ce sentiment que la manette n’est plus qu’un prolongement du corps, voilà de quoi est capable ce studio, et c’est justement cela que l’on espérait pouvoir retrouver dans Returnal, mais que l’on avait peur de perdre à cause du passage à la 3D. Le résultat est-il à la hauteur de nos attentes ? Eh bien, sans exagérer, pour leur premier titre 3D justement, le résultat est même au-delà des attentes que l’on pouvait avoir.
Alors même que le studio était très conscient que l’arcade était un genre en voie d’extinction, ce qu’ils ont pu constater avec le four Nex Machina, ils ont tout de même choisi de nager à contre-courant, et nous ne remercierons jamais assez Sony de leur avoir permis de réaliser Returnal, car sans ça, il s’agit certainement d’un titre qui n’aurait jamais pu voir le jour. Il en résulte alors un jeu qui ne fait aucun compromis dans sa démarche artistique, mais surtout dans sa démarche ludique, nous offrant un feeling et une réactivité exemplaires.
Pour résumer brièvement les choses, Returnal est donc un TPS Rogue-like, ce qui veut dire que vous jouez à la troisième personne, et que évoluez dans un monde où vous devez reprendre au début du jeu après chacune de vos morts, sachant qu’à chaque nouvelle partie l’agencement des niveaux est réorganisée de manière complètement aléatoire. Vous commencez votre aventure dans un environnement qui est le premier niveau du jeu, à la fin de ce dernier vous combattez un boss, et si vous le battez, vous pouvez passer au niveau suivant et ainsi de suite.
Dans un Rogue-like traditionnel, chaque mort est synonyme de retour au point de départ, mais dans Returnal chaque fois que vous vainquez un boss, vous n’avez pas obligatoirement à réitérer cela en cas de mort. Les boss sont ici des sortes de « milestone », afin d’avancer par étape. Ce système permet notamment de pallier le manque de sauvegarde en cours de partie. Au moins ici, vous savez que pour parcourir l’entièreté d’un niveau, vous en avez pour plus ou moins trente à quarante minutes et que votre partie pourra s’arrêter là au besoin. À l’inverse, si à chaque nouvelle partie, vous souhaitez refaire tous les niveaux dans l’ordre ainsi que les boss associés, rien ne vous en empêche.
Un jeu vidéo dit Rogue-like (ou Rogue-lite), ça veut dire quoi ? »]Chaque boss est synonyme de découverte d’une nouvelle technologie proposant d’exploiter une nouvelle mécanique de jeu. Par exemple après avoir vaincu le second boss, vous apprendrez à utiliser un grappin grâce auquel vous pourrez notamment explorer beaucoup plus rapidement les zones antérieures, et qui vous permettra de mieux exploiter la verticalité des environnements. Le fait que toutes les subtilités de gameplay ne soient pas livrées d’un seul coup permet bien entendu de renouveler en permanence l’intérêt du jeu, et de stimuler continuellement la curiosité du joueur, mais aussi sa créativité face aux menaces. D’ailleurs beaucoup d’éléments, que ce soit des objets ou des coffres, ne sont atteignables dans les tous premiers niveaux qu’une fois que vous avez réussi à débloquer la technologie adéquate.
Comme tout Rogue-like qui se respecte, Returnal va se révéler particulièrement savoureux dans la construction de ses « builds ». Il s’agit là en fait de la somme de tout ce que vous allez ramasser au cours de votre exploration avant d’arriver au boss. Dans l’idéal, même si tout est bien entendu proposé de manière aléatoire, il vous faut essayer de définir votre style de jeu, et de vous orienter vers un équipement et des bonus cohérents, qui se complètent, afin d’obtenir une certaine synergie. Par exemple, vous n’allez pas maximiser votre force de frappe au corps à corps si vous avez un style de jeu à distance, cela n’aura logiquement aucun intérêt.
Vous le verrez, évoluer dans cet univers pourra vous sembler abrupt au départ, car en effet, il y a beaucoup de choses à appréhender et cela demande un temps d’adaptation. Pour autant, le jeu sait se montrer bien plus clément qu’on ne l’imagine au départ. Il n’y a donc pas de gestion de la difficulté par niveau (facile, moyen, difficile), mais vous trouverez dans cet univers tout un tas d’astuces pour vous faciliter la vie, vous offrir des secondes chances, voire même des troisièmes chances face à un boss sans avoir à repartir de zéro. Comme tout Rogue-like, Returnal est donc exigeant, certes, mais nous avons surtout trouvé que la fluctuation de sa difficulté était parfaitement gérée pour ne jamais rendre le jeu frustrant, d’autant plus que son gameplay est d’une précision chirurgicale.
La DualSense poussée à son maximum
Et pour revenir justement sur le cœur du gameplay, vous le verrez, cela reste très classique au niveau des commandes : courir, sauter, dasher, tirer. Mais en plus du très haut niveau atteint par le ressenti de chaque action, ce qui va créer une réelle différence ici, c’est l’exploitation des capacités de la manette, mais aussi de l’audio 3D, un élément intimement lié au gameplay dans Returnal. Tout d’abord, la DualSense a subi un calibrage d’une finesse incroyable, au point que même Astro’s Playroom, qui était la démo technique dans ce domaine, ne tient ici pas la comparaison.
Returnal vous fera ressentir l’immersion comme jamais auparavant, et surtout vous apportera, lié à l’audio 3D, des informations capitales sur les actions à effectuer. Comme vous l’avez sûrement remarqué, nous sommes dans un jeu qui n’hésite pas à nous balancer sans cesse des tas de projectiles à éviter, et les vibrations dans un premier temps vous indiqueront la provenance de la menace, et la spatialisation du son viendra appuyer encore un peu plus cet aspect, de sorte qu’à la longue, vous vous surprendrez à non plus éviter une menace car vous l’aurez visuellement repérée, mais car vous l’aurez sentie arriver. De plus, l’audio 3D vous permettra de mieux repérer certains éléments des environnements, de manière très précise, notamment en ce qui concerne la découverte de certains secrets cachés.
On notera aussi le travail effectué sur les gâchettes adaptatives, permettant au joueur de faire encore un peu plus corps avec la manette. Tir principal et secondaire sont ici placés sur la même gâchette, donc lorsque vous arrivez à mi-course, vous ressentez une certaine résistance, au-delà de laquelle sera activé le tir secondaire. Cette façon de jouer demande un vrai temps d’adaptation, mais une fois maîtrisée, elle offre une réactivité dans l’exécution qui est juste bluffante, surtout dans un jeu très arcade où tout va toujours très vite.
Pour finir, nous allons évoquer le gros point noir actuel du jeu, son end game. Une fois l’aventure terminée, vous n’aurez finalement plus grand-chose à faire excepté les challenges hebdomadaires. Ces derniers vous proposent alors de vous battre au score chaque semaine contre les autres joueurs du monde entier, dans des parties avec certains bonus/malus prédéfinis. C’est sympa, pas de souci, mais c’est surtout très léger comparé aux différents modes de jeux que nous pouvions avoir dans un Resogun ou un Nex Machina par le passé. Notre espoir, c’est ici que le jeu fonctionne suffisamment pour que le studio puisse greffer quelques mises à jour bien senties dans le futur.
Aussi, à l’instar de Hades par exemple, nous aurions beaucoup apprécié de pouvoir moduler la difficulté vers le haut de manière drastique, afin qu’une fois le jeu maîtrisé à la perfection, nous puissions nous challenger nous-même. Encore une fois, il n’est pas exclu que cela arrive par la suite, mais pour le moment, c’est un manque certain à déplorer.
Et enfin, si nous devions pinailler, lorsque vous faites une chute dans un ravin, le jeu vous ramène à la surface amputé d’un pourcentage de votre vie. Jusque-là rien d’anormal, mais ce qui est plus dérangeant, c’est que nous sommes replacés au plus près du bord de la surface, face au vide, ce qui a souvent occasionné une seconde chute à cause de l’urgence du moment.
Avec Returnal, Housemarque aurait pu complètement rater son entrée dans le monde du jeu à gros budget, et pourtant, c’est avec brio qu’ils ont su relever le défi afin de nous proposer une expérience incroyable. On retrouve alors toute l’exigence relative aux Rogue-like, combinée à un gameplay sans faille au feeling incomparable.
Mais la qualité du gameplay faisant office de marque de fabrique du studio n’est ici pas la seule composante à avoir reçu une attention toute particulière. Avec Returnal, le studio a enfin pu se lâcher sur le développement d’un univers, et nous avons été surpris par la richesse et la cohérence de tout ce qui a été entrepris afin de nous plonger dans une aventure SF vraiment inspirée.
Et pour nous immerger pleinement dans cette ambiance, toutes les nouvelles capacités de l’écosystème PS5 ont été exploitées. Il en résulte une spatialisation du son absolument bluffante, ainsi que des sensations manette en main que nous n’avions jusqu’à lors jamais ressenties, surtout en ce qui concerne la finesse et la justesse des informations transmises par les vibrations.
Malgré tout, ne voyez pas en Returnal une grande révolution. Il s’agit d’un Rogue-like finalement assez classique dans ses mécaniques et dans sa boucle de gameplay, donc si vous n’étiez pas fan de la redondance et de l’exigence du genre par le passé, vous n’en serez pas plus fan à présent. Par contre, si vous êtes amateur de la chose, le titre sera une expérience à toute épreuve qui vous apportera un vent de fraîcheur incroyable, une très belle réalisation, et une immersion vraiment unique à ce jour.
On regrettera son petit manque de contenu une fois l’aventure clôturée, mais ce petit désagrément ne saurait ternir l’incroyable expérience que nous venons de vivre.