Initialement sorti en 1999 sur la première PlayStation, Resident Evil 3 concluait la saga sur l’ère 32 bits de la plus belle des manières, bien que nombre de fans de l’époque lui reprochent son côté paresseux au niveau de son scénario.
Il faut dire qu’initialement, ce troisième épisode ne devait en fait être qu’un spin-off censé faire patienter les joueurs jusqu’à la sortie du véritable troisième volet prévu de base sur PlayStation 2. Mais suite au report de la machine de Sony, Capcom décida alors de numéroter cette nouvelle aventure mettant en scène Jill dans une ville de Raccoon City tombée entre les mains des morts-vivants. Le jeu changea par-là même de dimension et devint celui que l’on connaît aujourd’hui.
Ce remake un peu surprise, il faut l’avouer – non pas qu’on ne le pressentait pas, mais bien parce qu’il sort seulement un an après celui de Resident Evil 2 –, se doit d’être plus dense dans ce qu’il raconte que l’original. C’est l’un des défis qu’il se doit de relever, tout comme celui lui demandant à la fois de pérenniser la formule introduite l’année dernière, sans pour autant avoir un défaut d’identité.
Ce troisième épisode est à bien des égards différent de son prédécesseur, et il faut impérativement qu’il garde ses différences pour sortir son épingle du jeu, car sans cela, il se pourrait qu’il ne reste encore une fois que l’enfant sage d’un second acte culte et intouchable.
(Test de Resident Evil 3 réalisé sur PS4 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Tout commence un 28 septembre 1998 dans la ville de Raccoon City. C’est le chaos général, les morts se relèvent et dévorent les vivants, alors que des créatures monstrueuses ont aussi pris racine dans différents secteurs de la cité américaine. Les forces de police, l’U.B.C.S. (Umbrella Biohazard Countermeasure Service), ainsi que les services de santé sont dépassés et en quelques heures seulement Raccoon City se vide de quasiment toute vie et devient le territoire des abominations créées par la société pharmaceutique Umbrella Corporation.
Jill Valentine, membre de l’unité d’élite des forces de l’ordre appelé le S.T.A.R.S. (Special Tactics And Rescue Service), est elle aussi prisonnière de ce cauchemar dont elle espère s’échapper en sauvant au passage le plus de civils possible.
Il est néanmoins clair que Jill ne va pas réussir à s’échapper seule de ce bourbier. Elle fait très vite la rencontre de Carlos, un membre de l’U.B.C.S. et de son escouade terrée dans le métro de Raccoon City. Ils s’y sont installés avec quelques civils survivants et essaient tant bien que mal de faire redémarrer les rames pour gagner la sortie de la ville. Jill va trouver en ces gens des alliés de taille pour affronter les horreurs qui l’attendent de pied ferme durant toute son aventure et voit en eux sa dernière chance de survie.
The Last Escape
Le scénario de ce remake de Resident Evil 3 ne diffère pas dans les grandes lignes de l’original. Il est toujours porté par Jill et Carlos qui, main dans la main, vont tenter de fuir une ville damnée. D’autres personnages, plus secondaires, vont aussi faire un bout de chemin à leur côté, voire plus pour certains. Et comme dans le remake de l’an dernier, celui d’aujourd’hui jouit des mêmes forces et faiblesses d’écriture.
Les forces résident en une narration fluide, sans être expéditive, mais qui va à l’essentiel sans s’embarrasser de broutilles ou de sous-intrigues à rallonge. On comprend de quoi il retourne et on en vient à se poser les mêmes questions que les protagonistes, le souci étant que la plupart ont déjà une réponse pour qui a déjà fait l’original de 1999.
Pour les autres, ils découvriront un scénario qui se laisse suivre sans déplaisir et qui se complexifie un peu plus dans ce remake, avec un nouveau personnage et des informations supplémentaires concernant la propagation de l’épidémie de virus T, ainsi que l’implication d’Umbrella dans les événements qui ont lieu. Divers journaux et documents jalonnent une nouvelle fois notre progression, ce sont là des sources d’information intéressantes et primordiales pour comprendre les tenants et aboutissants d’une histoire qui reste par la force des choses tout de même assez classique.
Les faiblesses quant à elles se situent surtout au niveau de l’écriture. Cela est bien évidemment meilleur que sur la PlayStation première du nom, mais c’est encore trop nanar pour convaincre pleinement. Alors oui c’est devenu une marque de fabrique dans la licence et on l’accepte, sauf que ça vire parfois dans le too much. Les tensions sexuelles, car il faut appeler un chat un chat, entre Carlos et Jill sont presque palpables, bien plus qu’entre Ada et Leon, et dans la situation actuelle, c’est assez mal venu.
Pourtant, ces deux personnages ont beaucoup plus à offrir, surtout Jill qui est, sans trop en dire, atteinte d’une sorte de syndrome post-traumatique des suites des événements qu’elle a vécus quelques mois auparavant dans le fameux manoir niché dans les montagnes d’Arklay. Cependant, et même si les acteurs sont, peu importe la langue choisie, convaincants, le côté trop cliché et les punchlines à outrance nous sortent un peu de l’ambiance horrifique, ainsi que de la gravité de ce qui se déroule durant notre périple infernal.
On regrette aussi un découpage parfois trop abrupt et injustifié. Car si le jeu gagne en profondeur de ton et de récit tout de même, on perd de nombreuses séquences au passage, dont certaines sont cultes dans l’esprit des fans, comme celles du beffroi ou du parc.
Age of Nemesis
Pourtant, la mise en scène se veut, elle, le parfait reflet de la catastrophe qui a cours à Raccoon City. Les quinze-vingt premières minutes sont d’ailleurs exécutées avec une maestria rare et étonnante. Capcom nous prend de court et joue avec les points de vue d’une manière inattendue. Et cela commence d’ailleurs comme cela finit, c’est beaucoup plus nerveux et explosif, Jill en prend plein la tronche et s’apparente plus à une Lara Croft de 2013 qu’à son propre modèle passé. Sur sa route se dressent des monstruosités toutes plus mortelles les unes que les autres, car si les traditionnels zombies sont de la partie, qu’on note aussi le retour des Lickers et des chiens, les nouvelles têtes d’affiche n’ont pas à rougir de la comparaison.
À commencer par les deux types de Hunters, B et Y, le premier étant une forme améliorée de celui que Jill a déjà croisé par le passé et le second une sorte d’expérience amphibienne plus ou moins ratée. Ces deux saletés sont capables de littéralement nous tuer en un coup, la prudence est donc de mise. On attendait beaucoup de ces bestioles et nous ne sommes pas déçus, ils sont aussi meurtriers que leur design est classe et repoussant.
Les Deimos (ici fusion des deux types vus dans le Resident Evil 3 original) font aussi leur retour, et si visuellement ils sont franchement réussis, on ne peut pas dire qu’ils revêtent une grande importance, tant leur temps à l’écran est limité ; ils peuvent en revanche nous empoisonner et c’est bien là leur seule particularité. Aussi, on a un nouveau type de zombies créé directement par le Nemesis et qui voit remplacer sa tête par une sorte de ventouse géante de laquelle émane un tentacule. Plus impressionnants que dangereux, ils font la paire avec un autre type de zombies blancs que l’on a pu voir notamment dans les DLC de Resident Evil 2 Remake.
Mais la créature, le monstre, la chose dont tout le monde parle depuis l’annonce du jeu, est sans surprise le Nemesis. Il s’agit là d’une arme biologique de catégorie Tyran envoyée à Raccoon City pour tuer les membres des S.T.A.R.S. devenus trop dangereux pour Umbrella. Il est terriblement réussi et est l’élément numéro un de stress dans le jeu. Il intervient très vite dans l’aventure et une fois présent, nous poursuit sans nous laisser de répit. Seule solution la plupart du temps : la fuite, même si réussir à le mettre à terre sous certaines conditions peut être synonyme de bonus assez sympathiques.
Si on le compare à Mister X, il n’y a pas photo. Il est plus vif, plus violent, possède un panel de mouvements beaucoup plus étoffé, pouvant effectuer de grands bonds, nous choper avec son tentacule et nous ramener à lui ou encore courir bien plus vite que nous. C’est une arme de destruction massive qui évolue physiquement au cours du jeu et voit aussi ses armes (lance-flammes, bazooka…) changer. Pas aussi intelligent que le Xénomorph d’Alien Isolation et plus scripté, il n’en demeure pas moins l’ennemi à abattre de cet opus.
Chaque rencontre et affrontement avec lui est un grand moment. Il transpire de ce Resident Evil 3 un souffle épique de ces combats de gladiateurs livrés jusqu’à la mort. Dès nos premiers regards échangés, on sait que ce sera lui ou nous et que peu importe quand, l’un finira forcément par tuer l’autre. Alors, c’est aussi un peu David contre Goliath, puisqu’il a l’avantage de la force et de la vitesse, mais nous possédons, nous, d’innombrables pétoires en tous genres pour lui nuire, ainsi que notre intelligence tactique nous permettant de tirer parti des lieux dans lesquels on l’affronte. Sur le toit d’un immeuble, dans une cour, alors qu’il change, qu’il évolue et que nous nous fatiguons, pourtant toujours debout l’arme chargée.
Les combats de boss sont bien plus intéressants d’ailleurs ici, leur rythme est intense et il nous faut enregistrer les patterns de notre vis-à-vis pour ainsi esquiver au bon moment et le contrer avec des balles bien placées par la suite. Un petit côté Dark Souls bienvenu et que l’on n’attendait pas vraiment.
Ce Nemesis est une grande satisfaction, il est terrifiant, avec sa gueule déformée paraissant continuellement en souffrance et ses habits « sacs poubelles » nous rappelant sans cesse qu’il est une expérience, une création meurtrière qui ne s’arrêtera pas tant que sa mission ne sera pas accomplie. La mise en scène l’accompagnant est d’ailleurs très explicite sur ce point, il est présenté comme l’un de ces titans du cinéma de genre horrifique, tout droit sorti du slasher, puisque tels Jason ou Michael Myers, il avance et tue, obsédé par son désir de punir. Son côté increvable nous renvoie aussi directement aux figures de ce type de long-métrage.
Il nous fascine et nous terrorise, il est l’incarnation du tueur froid et monstrueux, un Terminator sans scrupule programmé pour annihiler l’espoir de ses proies, et pourtant l’on se dresse toujours debout face à lui, car il n’y a de terreur que celle des lâches.
La règle de non-retour
Resident Evil 3 n’est rien d’autre finalement qu’une fuite en avant dans laquelle on lutte à chaque instant pour notre survie. Et c’est là un point de discussion que l’on peut avoir si on le compare à ses deux prédécesseurs. Car si les premier et deuxième jeux de la franchise nous demandaient aussi de nous échapper d’un lieu donné pour survivre aux atrocités qui y ont élu domicile, la notion même de fuite en avant n’y était que peu présente. On y était confiné dans des environnements clos dans lesquels il nous fallait tourner de longues heures et chercher des objets pour finalement réussir à trouver une issue.
Alors si Resident Evil 3 reprendra ce principe de temps en temps, ne vous attendez nullement à retrouver cette notion de game design stricto sensu. Le tout est beaucoup plus linéaire et la notion de backtracking est certes présente, mais bien moins que par le passé.
Certains aimeront, d’autres non. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas trouvé la chose si choquante, d’autant plus que cela répond à l’urgence de la situation et que c’est finalement cohérent avec le propos du jeu. Ce qui nous a en revanche beaucoup plus dérangés, c’est la sous-exploitation des rues de la ville de Raccoon City. Là où l’original nous permettait de nous y promener assez longuement, reprenant et adaptant à son concept plus open-field le côté metroidvania de la saga, ce remake ne le fait que très peu.
On est trop rarement livré à soi-même en pleine ville et pour tout vous dire, cela n’arrive réellement qu’une seule fois, le temps d’un petit acte qui reste l’un des plus longs du titre. On est finalement assez peu amené à brûler nos semelles en extérieur, et il en découle une frustration énorme, une impression de gâchis immense au vu du potentiel inexploité de Raccoon City.
Attention, on ne dit pas que c’est bâclé, loin de là, le plaisir de jeu est immense et notre visite des différents secteurs donne lieu à quelques péripéties qui resteront dans les mémoires. L’hôpital par exemple est flippant et tout à fait dans le ton de la série, un peu labyrinthique, nous demandant de rechercher quelques objets pour avancer, tout en affrontant quelques Hunters au passage. Comprenez que ce Resident Evil 3 comporte presque uniquement des passages d’anthologies qui en plus diffèrent souvent de ce que l’on avait eu à jouer dans l’original, se permettant même au passage de rendre sa dernière partie bien plus pertinente que par le passé. Alors oui, on revisite certains lieux déjà vus du remake de Resident Evil 2 comme une partie du commissariat ou encore la boutique d’armes de Kendo, mais la plupart des environnements sont inédits, même si forcément, les égouts, ça parlera aussi aux joueurs de la licence.
La chose étant qu’ici le jeu est découpé en actes et qu’une fois une zone accomplie, on ne peut tout simplement pas y retourner. Un point de rupture avec les deux premiers épisodes qui était aussi présent auparavant, mais arrivait bien plus tardivement. Alors oui, on est déçu de n’avoir pu nous promener un peu plus dans Raccoon City, ses ruelles peu accueillantes nous faisaient de l’œil et on a l’impression de nous être fait avoir et qu’il manque bien une à deux heures de jeu se déroulant dans la bourgade de 100 000 habitants.
Qu’il y ait des coupes et des variations, on le comprend, mais ce remake ne dure que 6 à 7 petites heures maximum, ce qui est peu et on se dit qu’il manque quelque chose, un acte en plus qui nous aurait permis de crapahuter encore un peu dans les rues chaotiques de la ville, ce qui était une force en 1999 et ne l’est plus ici. D’autant plus que bien souvent, en extérieur, le Nemesis nous colle aux baskets, ce qui réduit fortement toute forme d’exploration. Capcom a préféré miser sur le rythme, l’aventure ne connaît aucun temps mort et nous balade de lieu en lieu en ne faisant que de très courtes pauses parfois. Si cela se révèle efficace, on ne peut le nier, on perd ce petit côté Resident Evilesque de la progression, même si cela se calme en fin de jeu. Un choix qui a de bons et de mauvais côtés, comme tant d’autres.
Brain control
Cependant, tout n’est pas noir non plus, car ce qu’il nous est donné de jouer n’est forcément pas étonnant, car cela reprend pas mal du remake de Resident Evil 2, mais c’est aussi très bon. Les bases de gameplay sont les mêmes, de la visée à la gestion de l’inventaire en passant par la fabrication de munitions et la consommation d’herbes ou de spray pour se refaire une santé. L’armement est aussi plus ou moins similaire, rien de bien neuf de ce côté-ci non plus. L’apport de l’esquive est par contre un ajout notable qui se doit d’être vite maîtrisé pour contrer le danger et éviter de se faire croquer trop souvent. Elle sert aussi énormément durant les combats de boss, donc contre le Nemesis, et permet même, si effectuée parfaitement, d’ouvrir une petite fenêtre de ralenti type bullet time permettant de tirer plus adroitement et rapidement sur l’ennemi évité.
Cette manœuvre d’évasion est d’autant plus utile que les lieux dans lesquels on évolue, qu’ils soient en extérieurs ou en intérieurs, sont plutôt étroits et souvent envahis de zombies et autres créations malsaines d’Umbrella. Il est donc impératif de la prendre en main au moins correctement, surtout que les armes d’autodéfense ont aussi disparu. Si les grenades explosives et flash ou encore le couteau (incassable) sont de retour, ils s’équipent maintenant comme une arme lambda et ne sont plus utiles pour repousser l’étreinte d’un zombie lorsqu’il nous choppe pour l’empêcher de nous infliger quelques dégâts. Cette option de deuxième chance a donc disparu et est remplacée par l’esquive.
De manière globale, ce Resident Evil 3 est d’ailleurs plus difficile que l’entrée remake précédente de la saga. D’une part parce que les ennemis sont bien plus en nombre, mais alors vraiment, et d’autre part parce qu’ils sont plus résistants et ont plus de mordant. Ils vont demander plus de balles, et surtout une science du placement et du mouvement autre. En effet, dès que l’on rencontre un petit groupe de zombies, il aura tendance à essayer de nous enfermer dans un cul-de-sac, comme dicté par un instinct de horde.
Certaines petites astuces que l’on apprend sur le tard permettent de contrer ce phénomène d’enfermement, comme tirer sur les bidons explosifs ou les dispositifs électriques disséminés ici et là. Apprendre à brain les zombies devient très vite une nécessité, tout comme s’accommoder de leur grand nombre. C’est une chose valable même pour les autres créatures que l’on rencontre, chacune a un point faible qu’il faut exploiter et forcément trouver au préalable.
Jill est aussi un peu plus rapide et agile que ne l’étaient Claire et Leon, Carlos aussi d’ailleurs, même s’il fait plus office de tank, pouvant se prendre quelques morsures en plus que la demoiselle. Car oui, on peut jouer avec Carlos à deux reprises et c’est étonnamment bon. Il ne dispose pas des mêmes armes que Jill – dites bonjour au fusil mitrailleur – et sa capacité d’esquive diffère. Là où elle fait une roulade pour mieux abattre son ennemi direct, notre brésilien à la grosse tignasse va, lui, le renverser avec un grand coup de coude. Plus bourrin, et équipé pour. On l’a dit, le jeu est beaucoup plus tourné vers l’action et cela se traduit par un armement massif et des munitions en nombre, si bien que l’on n’est jamais véritablement en rade de rien, les soins pullulent et l’absence des herbes bleues ne fait alors pas grand bruit.
Cela se traduit aussi par moins de puzzles, forcément, vu que l’exploration est souvent relayée au second plan, et les énigmes sont presque inexistantes. On retrouve bien quelques coffres-forts à ouvrir, la quête d’objets clés à trouver, mais tout est ici fait pour ne pas casser le rythme du jeu. Généralement, les objets demandés ne sont pas bien loin de la porte à ouvrir et si on affronte parfois quelques légers labyrinthes, on est à des années-lumière de ce à quoi nous avait habitués la saga.
Et encore une fois, on le comprend, mais n’oublions pas que les énigmes dans Resident Evil sont aussi là pour nous faire perdre du temps et ralentir notre progression, histoire que l’on ne voie pas le bout trop vite. Et c’est donc un choix à double tranchant, d’autant plus que les trois parties qui se rapprochent le plus du format classique sont les meilleures, à savoir notre première sortie réelle dans les rues de la ville, l’hôpital et le lieu qui suit que nous gardons sciemment secret.
Douce nuit, rouge nuit
Des lieux d’ailleurs incroyables de réalisme. Le RE Engine en a véritablement sous le capot, même s’il montre toujours ses limites en ce qui concerne son moteur physique, puisque encore une fois, les interactions avec le décor sont quasiment inexistantes. Reste que c’est affreusement beau et que ça pète la rétine à chaque coin de rue. La ville transpire le chaos et la souffrance, les lieux clos que l’on visite sont tous plongés dans la même atmosphère de mort et il ne s’en dégage que l’odeur putride des cadavres en décomposition. Bien que baignée dans l’action, l’ambiance horrifique est une franche réussite, que ce soit visuellement – l’hôpital est franchement flippant – ou par l’habillage sonore qui fait merveille. Que ce soient les thèmes d’ambiance ou l’enrobage de détails sonores créant un bruit de fond toujours inquiétant, on ne peut qu’être happé par cette atmosphère suffisamment anxiogène pour briser toute impression de sécurité.
La ville est un amoncellement de barricades de fortune détruites, de carcasses de voitures accidentées, de cadavres qui jonchent le sol et de morts en stand-by cherchant inlassablement à plonger leurs crocs dans de la chair encore fraîche. Raccoon City n’a jamais semblé si vivante et pourtant, c’est une ville déchue, tombée sous le joug infernal des créatures d’Umbrella qui lui donnent un second souffle vital glauque et résolument apocalyptique. Quel plaisir de traverser les différents environnements, de mettre les mains dans le cambouis et de parcourir en long en large et en travers ce qui nous est proposé. Techniquement, c’est en plus incroyable et d’une fluidité exemplaire. Les effets de lumières, de reflets et spéciaux sont encore montés d’un cran et impressionnent parfois jusqu’à la contemplation.
Il en va de même pour les modèles de personnages, car que l’on aime ou pas leurs nouvelles gueules, on ne peut objectivement pas affirmer que c’est raté. C’est même plus travaillé et réaliste que ce à quoi nous avons eu droit dans Resident Evil 2 Remake. Les différentes armes biologiques d’Umbrella sont quant à elles tellement convaincantes qu’on craint à chaque fois de les voir sortir de notre écran pour nous becter. Une exagération qui en dit long sur ce que l’on en pense, car ce moteur fait merveille et bluffe toujours autant.
Enfin, âmes sensibles s’abstenir, le jeu est toujours aussi gore, peut-être moins exagéré sur ce point que son prédécesseur, mais n’est toujours pas à mettre dans un berceau. L’imagerie est violente et puissante et il en ressort parfois une impression de malaise et dégoût nauséeux. On pense par exemple aux Deimos qui, lorsqu’ils nous chopent, nous inséminent à la manière d’un Face Hugger de joyeuses petites larves dans notre gosier. Ambiance.
Course contre la montre
Enfin, on l’a dit, le jeu est court et surtout ne propose pas différents scénarios comme c’était le cas dans Resident Evil 2 Remake. On a certes des défis à remplir, ce qui nous permet de débloquer via achats dans une boutique par des points glanés en jeu quelques objets et améliorations utiles pour nos prochains runs. Comme le bazooka, des munitions infinies, un costume pour Jill ou encore même un couteau un peu spécial, mais cela ne parlera finalement qu’aux fans de la saga, ceux qui ne cherchent qu’à constamment s’améliorer et qui ne jurent que par le mode hardcore de retour. Il y a bien aussi les poupées à trouver et détruire en jeu, mais là encore, ce n’est qu’un à-côté lambda.
Par contre, la vraie plus-value, c’est Resident Evil Resistance. Un mode multijoueur asymétrique se déroulant dans l’univers de la saga et demandant à quatre survivants de s’extirper de différents endroits infestés de créatures. Un Maître du Jeu, incarné aussi par un joueur, a pour but d’empêcher cela d’arriver en plaçant pièges et monstres sur le chemin des survivants.
Ces derniers doivent bien souvent trouver des objets pour avancer et finir une des trois zones qui composent un niveau. Sans rentrer plus que cela dans le détail, puisque ce mode multijoueur aura son test prochainement dans nos colonnes, s’il est un complément intéressant, il n’est pour le moment pas au point. Mal équilibré, blindé de petits problèmes techniques, il ne nous a pour le moment pas plus convaincus que cela. Mais tout ceci sera développé en temps voulu et avec bien plus de temps de jeu, car soyons honnêtes, nous n’avons pas pu y jouer dans des conditions optimales.
Sans que l’on soit totalement déçu du résultat, on pouvait clairement s’attendre à mieux. Resident Evil 3 est un très bon jeu qui souffre néanmoins de ses choix de game design. Se voulant plus rythmé et baigné dans l’action que son prédécesseur, il propose une aventure grisante et explosive qui maintient constamment en haleine. Sa figure maligne qu’est le Nemesis est une entité violente et redoutable qui donnera du fil à retordre même aux joueurs les plus aguerris. Il est une réussite indéniable qui justifie à lui seul l’achat du jeu. Le reste oscille entre les bonnes idées, de gameplay notamment, et le moins bon.
Si Raccoon City est une place de choix pour notre échappée belle, on regrette que la ville soit finalement sous-exploitée au profit d’environnements clos, certes réussis, mais moins emballants en termes de level design. Le découpage du jeu, ainsi que la notion de metroidvania effacée au profit d’une linéarité prédominante, ne nous ont pas totalement convaincus non plus. Il manque un peu de justesse à la formule, deux bonnes heures de jeu et la rejouabilité du titre est limitée aux défis à relever, chose qui ne parlera pas à tout le monde.
Cependant, et malgré un scénario toujours cliché, on ne peut pas dire que notre épopée en territoire mort-vivant nous ait déplu, loin de là même. Resident Evil 3 est un de ces jeux à double tranchant, que l’on déteste et que l’on aime à la fois, puisqu’il nous procure un plaisir immense, tout en nous rappelant constamment ce qu’il aurait pu être. Il va diviser, il va faire parler, mais ne laissera personne indifférent.