R-Type Final 2, c’est l’histoire d’un voyage dans le temps. Un retour en arrière de trente-quatre ans, un pont entre deux époques. Montons à bord de la DeLorean New Game Plus.
1987. Predator arrive au cinéma, Rick Astley détruit la musique, et Irem balance une bombe dans les salles d’arcade enfumées : R-Type. Kazuma Kujo et Atsushi Inaba s’inspirent largement du Gradius de Konami pour engendrer un shoot’em up (nous dirons shmup ici, nous sommes entre connaisseurs après tout) nerveux, coloré, à l’ambiance glauque et futuriste, aux fragrances d’Alien. Le titre s’inscrit immédiatement dans la légende et sera adapté sur toutes les plateformes possibles et imaginables.
2021. Les cinémas sont morts, Daft Punk n’est plus, et NIS America et Granzella ressuscitent R-Type avec R-Type Final 2. Le cadavre de la licence gît sous terre depuis 2009 et son oubliable opus PSP. Après une troisième (!) campagne de crowdfunding couronnée de succès en octobre 2020 avec l’aide de 11 146 backers, pas moins de 1 260 485 $ récoltés, et huit mois de retard sur la date de sortie prévue initialement, voilà enfin la bête.
Mais avons-nous affaire à un Lazare auréolé de sainteté ou à la difforme créature de Frankenstein ? Réponse dans ces lignes.
(Test de R-Type Final Type 2 sur Nintendo Switch réalisé à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
T’es mon (R-)type, mais pas vraiment mon genre
Comme expliqué dans l’introduction, R-Type est une licence culte. Le premier épisode de la saga, malgré son âge vénérable, est encore aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs shmup de tous les temps. Level design inspiré, mécaniques de gameplay innovantes, musiques inoubliables, décors et monstres aux designs audacieux. Difficile de trouver des défauts à cet illustre aïeul.
Rien d’étonnant à ce que le succès (mérité) de R-Type donne envie à Irem de lui faire faire des petits. Comptant au total neuf opus, dont cinq sont considérés comme canons, la saga est malgré tout tombée dans le vide spatial depuis ce pénible épisode PSP de 2009 sous forme de jeu de stratégie au tour par tour.
R-Type Final 2 se veut la suite du dernier épisode canonique de la saga, à savoir R-Type Final, sorti sur PlayStation 2 en 2003. Faisant fi des errances stratégiques des dernières itérations, avec NIS America à la production et Granzella au développement (studio du créateur historique de R-Type, Kazuma Kujo), rien ne pouvait mal se passer ! Ou presque…
Dès les premières minutes du jeu, aucun doute n’est permis, nous sommes bien en terrain connu. Après une courte introduction, prétexte à poser un contexte dont tout le monde se moque (ce qu’on veut, c’est faire exploser des aliens !), et la création – anecdotique – de votre personnage, nous voilà dans le feu de l’action. Scrolling horizontal, vagues d’ennemis qui foncent sur vous, musique électronique, boulettes lumineuses à éviter, tout y est, voilà bel et bien la résurrection de R-Type !
Le tout emballé dans un paquet HD lissé, avec des effets de lumière à profusion.
Du côté du gameplay, Kujo-San récite ses gammes, et vous offre un beau récital de ce que R-Type sait faire de mieux. Le Pod emblématique de la série (nommé « Force ») est de retour, et accompagne votre vaisseau. Celui-ci est un point essentiel du gameplay, car vous pourrez, en fonction de son positionnement, gérer différentes situations. Outre le fait de pouvoir le balancer dans les lignes ennemis pour faire le ménage, il peut également se fixer sur la carlingue de l’appareil.
S’il est arrimé à l’arrière de la coque, vous pourrez tirer derrière vous. Si celui-ci est fixé à l’avant de votre vaisseau, vous pourrez vous en servir comme bouclier. Il aura alors une double utilité : en absorbant les projectiles ennemis, il sauvera votre peau (vous mourrez au moindre impact reçu), et il fera grimper votre jauge de « Dose », qui une fois pleine vous donne accès à une énorme explosion qui nettoie l’écran de tous les ennemis.
Vous aurez également le choix entre plusieurs vaisseaux, chacun ayant des caractéristiques différentes. Trois vous sont proposés au départ, dont les designs ne vous seront pas inconnus si vous êtes des habitués de la saga. Vous aurez d’ailleurs la possibilité de customiser votre astronef, en choisissant la couleur de la carlingue et des vitres, et en y ajoutant des stickers.
Au rayon nouveauté, le titre vous donne la possibilité d’opter pour un niveau de difficulté entre cinq : entraînement, bambin, normal, Bydo (du nom de la race de vos ennemis), ou R-typer. De quoi vous faire progressivement la main sur les six niveaux (plus une mission finale), jusqu’à obtenir une maîtrise totale du shmup, et vous lancer dans des score-attacks impitoyables.
Un tableau idéal, n’est-ce pas ? Un licence ressuscitée avec brio dans le respect des codes du genre ? Si seulement…
On n’aime pas trop les (R-)types dans ton genre
Une fois passé l’effet grisant de retrouver dans ce R-Type Final 2 tout l’héritage de ses ancêtres, la dure réalité arrive, armée d’une batte de baseball cloutée dans chaque main.
Tout d’abord, le jeu se pare d’une 3D éculée. Certes, il s’agit d’une version HD, mais les textures sont laides et la direction artistique douteuse au niveau du choix des couleurs. Les décors sont vides et les arrière-plans d’une triste monotonie. Dans sa version Switch portable, la désagréable sensation de jouer à un jeu PS3 se fait régulièrement sentir.
On pourrait être tenté de se dire « qu’importe la 3D et les graphismes, tant que les sensations sont là ! ». Votre serviteur ne saurait qu’acquiescer. Cependant, les sensations ne sont pas au rendez-vous. Votre vaisseau, si rapide et agile dans ses versions arcade, Super NES, et même PS2, donne ici l’impression de traîner comme un paquebot. Il existe bien sûr la possibilité d’augmenter la vitesse de votre engin spatial d’une simple pression de gâchette. Mais il s’agit là d’une feature ridicule, puisque le jeu ne devient jouable qu’avec votre vaisseau poussé à sa vitesse maximale.
Et ce n’est pas tout. À cela s’ajoutent des hitboxes approximatives, voire douteuses, qui vous feront parfois ouvrir des yeux grands comme des œufs aux plats. Un fait totalement impardonnable pour un jeu estampillé R-Type.
Pour compléter le tableau, le level design est paresseux, prévisible et sans surprise (de nombreux segments sont honteusement pompés sur les épisodes canoniques – et non, ce n’est pas un hommage, mais juste de la facilité), et les musiques sont tout bonnement insupportables, avec une électro cheap digne des pires compilations Techno-EBM 2000.
Passons enfin sur les monstres, car passée la surprise de croiser des têtes déjà connues des habitués, les nouveaux venus ne vont ni vous faire sourire, ni vous faire peur. Pour exemple, le monde 5 vous opposera des ballons de baudruches multicolores rebondissants. Littéralement.
Soulignons enfin lourdement le manque de challenge du soft, hormis dans ses modes « Bydo » ou « R-typer ». En-dehors de ces modes de difficulté, il vous faudra moins de trente minutes pour terminer le jeu, sans la moindre difficulté.
Les promesses n’engagent que ceux qui y croient
Revenons un peu sur l’histoire du développement de ce R-Type Final 2. Le projet avait été lancé en 2018, et avait fait rêver nombre de joueurs. Après deux campagnes Kickstarter en 2019 (qui avaient réussi à lever pas moins de 900 000 dollars) et une sortie prévue en 2020, une troisième campagne fut lancée en 2020, récoltant de nouveau 400 000 $ supplémentaires. Se transformant en arlésienne, le jeu était de nouveau décalé, cette fois-ci à mai 2021.
Un peu plus de trois années d’attente. Une longue période de développement, trois crowdfundings, des fans donnant des sommes folles. Tout cela pour qu’une fois le jeu terminé, on n’éprouve qu’amertume et douleur. Amertume d’avoir ainsi gâché une licence légendaire, douleur à mesure que défilent les noms des contributeurs au cours des crédits de fin, qui doivent regretter le moindre dollar donné.
Les trailers étaient prometteurs, les screenshots qui circulaient (issus de versions PC master race à n’en pas douter) faisaient rêver les amateurs de shoots spatiaux. Et rien de tout cela à l’arrivée. Restent uniquement des interrogations : le jeu était-il vraiment fini à sa sortie ? Où est passé l’argent des donateurs ? Dans cette galerie d’images déblocables ? Dans ces quelques vaisseaux exclusifs aux backers ? Dans la possibilité de modifier le nom du jeu à l’écran titre ? Dans ce pathétique défilement de noms de fans lors du générique de fin ?
C’est avec une immense tristesse qu’il faut constater que nombre de jeux gratuits sur itch.io sont bien plus fournis, mieux conçus et plus funs que ce R-Type Final 2. De petits noms comme Xydonia ou Death Strike sont de bien meilleurs héritiers de la licence d’Irem que ne l’est ce titre de Granzella.
Pour ceux qui vont avancer l’argument du « oui, mais c’est un jeu à petit budget », Hollow Knight s’est chiffré à 57 000 $ en coût de développement, avec une équipe de base de quatre personnes, et est devenu l’un des plus grands metroidvania de l’histoire du jeu vidéo. Pour rester dans la 3D, Outlast a coûté presque 1,4 millions de dollars (à peu près le même budget que RTFinal 2), et comparons un peu la différence de degré de finition entre Outlast et ce R-Type Final 2 : alors qu’Outlast date de 2013, il tient la dragée haute au shoot’em up.
La réussite d’un jeu n’est pas qu’une affaire de budget. C’est aussi une affaire de passion, d’envie, d’idées, de créativité. Hélas, trois fois hélas ! dirait Ronsard, rien de tout cela ne se trouve ici.
Les reboots/remakes/remasters (rayez la mention inutile) et suites réussis de licences tombées dans l’oubli ne manquent pas actuellement. Wonder Boy: The Dragon’s Trap, Streets of Rage 4, NieR Replicant Ver.1.22, et même l’imparfait Ghosts’n Goblins Resurrection (qui n’était pas exempts de qualités) sont là pour en témoigner. Mais ce R-Type Final 2 est un parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire.
Impossible de ne pas se sentir floué lorsque l’on joue à ce titre alors que l’on a connu les grandes heures de la licence d’Irem. Et il est également impossible de trouver un quelconque intérêt à ce titre si on est un nouveau joueur. Alors, à qui s’adresse-t-il ?
Vendre un jeu si attendu, arrivé dans un tel état, à près de 50 € ne peut être qualifié autrement que comme un véritable abus. Nous aurions tant voulu pouvoir aimer ce jeu, qui aurait pu être l’acte de renaissance d’une immense licence. Mais malheureusement, il ne nous restera que la tristesse et la déception d’avoir affronté une créature mal finie, qui aura réussi à faire rimer nostalgie et escroquerie.