Depuis l’immense succès de Persona 5, puis de sa version dite « Royal », la licence a acquis un nouveau statut de « valeur sûre du JRPG ». On ressort alors de vieux épisodes rhabillés pour les consoles modernes (Persona 3, bientôt Persona 4), la licence originelle, Shin Megami Tensei, autrefois de niche, a le droit a son coup de projecteur, et on adapte la formule à de nouveaux univers (Metaphor : Refantazio).
Restait à conquérir le mobile… Ou pas, puisque si Persona 5: The Phantom X, ou P5X, vient d’arriver chez nous, il est sorti au printemps 2024 en Chine. Et si l’on a droit à une sortie occidentale, c’est probablement que le jeu a su trouver son public. Alors succès garanti ou promesse de déception ?
(Test de Persona 5: The Phantom X réalisé sur mobile Android via une copie commerciale du jeu)
P5R : Persona 5 Royal Redite
Persona 5: The Phantom X est d’abord un Persona 5. On y retrouve la mise en place classique de tous les Persona, mais aussi (et surtout) pas mal de codes propres à Persona 5.
Ainsi dès les écrans qui tournent pendant le téléchargement (préparez-vous à recevoir 6 go dès le lancement de l’application, puis quelques gigas par-ci, par-là, assez régulièrement, au gré de l’aventure – après quelques heures de jeu, notre application pesait déjà pas loin de 20 go) on retrouvera Joker ou Panther, bien connus des joueurs de P5. Les menus respecteront également la charte graphique très réussie du jeu de 2017.
Mais surtout, le jeu repose sur essentiellement les même ressorts scénaristiques et mécaniques. Après tout, il s’appelle toujours Persona 5. Ainsi, on est toujours guidé par une mascotte anthropomorphe (ici, une chouette) qui se transforme en véhicule (?!), et il faudra à nouveau explorer des Palais Mentaux pour lutter contre le côté sombre de chaque ennemi que l’on rencontre au cours de l’aventure. Il n’est plus question ici de « voler des cœurs » pour provoquer un « change of heart », mais de se battre contre le sentiment de vanité qui fait que certains abandonnent leurs rêves. Bon OK, c’est la même chose.
Côté gameplay aussi, c’est la même chose : essentiellement du tour par tour pour le cœur du jeu, avec des alliés équipés de Personas permettant d’accéder à différents types d’attaque. Et donc, Persona 5: The Phantom X serait, en gros, un Persona 5 qui tient dans un mobile ? En effet, et c’est en même temps génial, mais aussi exactement le problème.
Persona 5 Royal Gacha
Persona 5 dans son mobile, ce ne serait ni plus, ni moins que l’un des tous meilleurs jeux de 2017 (et ce fut une année assez folle, avec Zelda BOTW, super Mario Odyssey, NieR: Automata, Hollow Knight, Cuphead, Yakuza 0, Doki Doki Littérature Club… ) qui tient dans la poche. Inimaginable pour les joueurs sur PS4 de l’époque.
C’est aussi un couple (P5 et le smartphone) qui coule de source. Avec le côté « life sim » de Persona, son calendrier comme mécanique de jeu importante, le fait de l’avoir dans un outil qui nous accompagne au quotidien peut renforcer l’immersion. D’autant plus que les héros du jeu accèdent au « métaverse » (pas le même…) via une appli mystérieuse sur leur propre téléphone, rendant cet accessoire à la fois intra et extra diégétique.
Mais accueillir le jeu sur smartphone, c’est aussi le forcer à s’inscrire dans un genre qui n’est pas le sien. Et cette dichotomie va s’observer dès les premières minutes de jeu. On rejoue en effet, comme un clin d’œil très appuyé la scène d’exposition de Persona 5, quand les Phantom Thieves s’infiltrent dans le casino. Et si du point de vue des performances, on est agréablement surpris (la qualité graphique est un peu dégradée, mais sur le petit écran de notre téléphone, cela fait illusion), la maniabilité est, elle, complètement à la ramasse. On n’a en effet pas encore fait pire contrôleur que le joystick émulé sur l’écran du téléphone ! Et si le jeu admet les contrôleurs physiques (type Razer Kishi), toutes les commandes ne sont pas disponibles sur la manette, nous obligeant à naviguer entre commandes physique et commande sur l’écran tactile. On aura difficilement vu moins intuitif…
Et surtout, là où le mobile vient gâcher l’expérience Persona 5, c’est en y imposant son modèle économique. Pourtant, cela pouvait faire sens. On obtient déjà nos Personas dans le jeu originel de manière aléatoire, de même qu’on n’a pas exactement le contrôle sur les résultats des fusions de Personas (des mécaniques de jeu qui restent présentes dans P5X). Alors imaginer un système de gacha autour de l’obtention des Personas semblait tout à fait possible, en respectant à la fois l’univers et le système de jeu de Persona 5.
Mais le jeu mobile est un ogre jamais rassasié, et il a besoin que tout soit monétisable. Ainsi, à chaque menu de Persona 5: The Phantom X ses « currencies ». Il y en a tellement qu’on a eu du mal à comprendre laquelle servait à quoi ! On pourra entraîner ses personnages (contre de la monnaie in-game), les relooker (contre de la monnaie in-game), les armer (contre de la monnaie in-game), changer les membres de l’équipes (contre de la monnaie in-game), changer les Personas qu’on utilise en jeu (contre de la monnaie in-game) entraîner ses Personas (contre de la monnaie in-game).
On a même accès à un petit Palais Mental personnel qu’il s’agira d’équiper (contre de la monnaie in-game) et de décorer (contre de la monnaie in-game). Et quasiment chacune de ces mécaniques réclame sa propre monnaie…
Les vieux briscards de Genshin Impact ou autre Zenless Zone Zero, plus habitués à ces mécaniques, s’y retrouveront peut-être facilement, mais celui qui voulait simplement jouer à un jeu Persona sur mobile va grincer des dents.
Persona 5 Royal Gratos
Si le format gacha et free-to-play a objectivement des gros points noirs, il possède aussi quelques caractéristiques non négligeables, la première étant bien entendu la gratuité.
La complexité du modèle Persona 5: The Phantom X et ses 368 « currencies » différentes font qu’un tuto extensif est nécessaire. Tout le premier arc, qui nous verra découvrir le métavers avec le nouveau protagoniste (Wonder) et lutter contre un métro-pusher (dont les crimes sont édulcorés, probablement pour rendre le jeu plus grand public) est ainsi une sorte de très gros tutoriel, qui représente quand même plusieurs heures de jeu, et qu’on peut aborder sans crainte d’être appeler à mettre la main au porte-monnaie.
De façon générale, et après plusieurs heures de jeu, nous n’avons pas encore rencontré de situation où il devenait nécessaire de payer pour rendre nos personnages plus forts face à un mur de difficulté, par exemple. Il est peu probable que cela n’arrive pas du tout, mais le jeu offre quand même une belle période de jeu sans exiger aucun paiement. C’est aussi la stratégie de ce genre de titre : nous permettre de nous y plonger suffisamment profondément pour qu’on n’ait pas envie d’en sortir une fois venue l’heure de passer à la caisse…
Difficile de recommander Persona 5: The Phantom X tant les mécaniques de monétisation vampirisent le jeu. Non pas qu’on est opposé à dépenser de l’argent pour jouer, au contraire, mais on voudrait au moins savoir ce qu’on achète. Pour 4,49€, on peut s’offrir la « Marthym’s Rewards Card » qui contient entre autres 300 Cognition Crystals et 100 Meta Jewels. Pour le même prix, on peut aussi choisir le Milicoin Set, contenant 10 Platinum Milicoin, 10 morceaux d’or, et 10 000 Konpaku Gem. D’autres formules contiennent aussi des Ticket Platines, des Tickets Dorés ou des P Medals. À quoi servent tous ces jetons ? Le jeu ne se montre pas très clair sur sa monétisation (Les Cognition Crystals et les Meta Jewels semblent avoir la même utilité, selon leur description respective).
Le système est beaucoup trop complexe pour son propre bien, peut-être volontairement (l’une des stratégie du free-to-play est de faire perdre à l’acheteur la notion de valeur réelle, d’où la passage par des monnaies in-game plutôt qu’en monnaie réelle), mettant le véritable gameplay en arrière plan. Comble du cynisme, les combats, au cœur de l’expérience Persona, peuvent être réglés en automatique. C’est certes habituel sur mobile, mais ça n’en n’est pas moins aberrant…
Cela dit, difficile de ne pas recommander Persona 5: Phantom X tant c’est aussi un vrai Persona sur mobile, avec tout ce qu’on aime de cette série : des menus aux musiques, en passant par le chara design, la stratégie des combats au tour par tour et les séquences animées… Ce sera la sensibilité de chacun aux « gacha games » qui fera pencher la balance.