Dans une vie de joueur, il y a des jeux qui vous marquent de différentes façons, que ce soit en bien ou en mal. Odin Sphere, sorti sur PlayStation 2 en 2008 chez nous, fait partie des jeux qui m’ont marqué en bien. Histoire touchante, graphismes sublimes, le tout accompagné d’un gameplay sympathique. Il faisait partie pour moi de ces œuvres qui n’avaient pas besoin d’être retouchées, car aujourd’hui encore il est quasiment parfait.
Alors quand Vanillaware a annoncé une nouvelle version sur PlayStation 3, PlayStation 4 et Vita, je me demandais ce que cette nouvelle mouture allait bien pouvoir apporter hormis un lissage HD. Alors ai-je bien fait de tenter l’aventure de cette réédition ou bien avons-nous affaire à un portage mollasson ? Voyons ça ensemble avec mon avis sur Odin Sphere Leifthrasir version PlayStation 4.
Odin Sphere vous offre cinq contes pour le prix d’un
Odin Sphere Leifthrasir est un conte merveilleux, mais tragique. Ce conte nous est raconté à travers les lectures d’une petite fille et nous emmène dans le monde d’Erion, en pleine période de troubles. Il est même proche de la destruction suite à de nombreux conflits entre différents peuples. Dans ce terrible contexte, nous allons suivre (et diriger) cinq protagonistes qui, au premier abord, ne semblent avoir aucun lien entre eux. Mais finalement leurs différentes histoires vont s’assembler pour n’en faire plus qu’une. Leur union devra sauver Erion de l’implosion, mais pour réussir cette délicate mission, il faudra tout d’abord que nos cinq héros arrivent à dépasser leurs différends et différences.
Dans les cinq premiers livres nous contrôlerons tour à tour cinq personnages. Tout d’abord Gwendolyn, la valkyrie princesse de son royaume qui désire plus que tout prouver sa valeur à son père Odin, le roi démon. Puis Cornelius, un prince qui fut changé en une créature lapinesque et qui tente de retrouver son apparence humaine pour pouvoir vivre son histoire d’amour à la Roméo et Juliette avec Velvet. Mercedes, quant à elle, est la jeune et insouciante princesse du royaume des fées. Elle ne désire pas prendre part à la guerre qui confronte son peuple à celui d’Odin, mais suite à la mort tragique de sa mère elle devra prendre la tête de son peuple et le conduire à la victoire. Vient ensuite Oswald, le chevalier ténébreux au destin tragique, mais qui voit la lumière salvatrice en Gwendolyn. Et pour finir, Velvet, la princesse du royaume de Valentine, un ancien puissant royaume magique. Elle connaît le terrible pouvoir du chaudron, cet objet mystique que tous les peuples tentent de posséder pour gagner la guerre.
Tout au long de chacune de leurs aventures individuelles, nos différents protagonistes vont évoluer et voir le monde sous un éclairage différent. Souvent tragiques, leurs destinées les rassembleront pour des raisons bien différentes, mais en même temps vers un but semblable. Poignante, captivante, enchanteresse, l’histoire de Odin Sphere Leifthrasir vous cueillera dès les premières minutes pour ne jamais vous lâcher, et ceci jusqu’à la fin.
L’art du jonglage
Odin Sphere Leifthrasir est un RPG à l’action survitaminée digne des plus grands beat’em all 2D. Chacun de vos cinq personnages possède son propre style et demandera un temps d’apprentissage pour être maîtrisé à la perfection. Tantôt aérien, tantôt terrestre, attaquant de loin ou roi du corps à corps, vos héros ont tous des particularités. Au début de chaque aventure, la palette de possibilités de nos personnages est assez limitée, ce qui est un peu frustrant quand on passe d’un personnage boosté à fond à un nouveau quasiment nu. Mais au fur et à mesure de chaque aventure, vous débloquerez de nouvelles techniques et aptitudes qui vous permettront de prendre en main chaque protagoniste de façon optimale.
Chaque histoire se divise en différents chapitres et sous-chapitres. Les parties histoire sont bien séparées des parties combat, ce qui donne au jeu un double rythme très agréable. Au premier abord les combats d’Odin Sphere Leifthrasir peuvent sembler n’être que du simple et bête bourrinage de touches pour occire les flots d’ennemis qui vous tombent dessus. Mais rapidement vous vous rendrez compte qu’il vous faudra maîtriser à la perfection le passage entre les attaques basiques, les techniques spéciales et les objets pour pouvoir survivre. Par rapport à sa version PlayStation 2 le jeu a gagné en rapidité, ce qui donne des combats largement plus nerveux, haletants, mais qui vous obligent à avoir une attention de chaque instant sur l’écran pour suivre l’action et ainsi pouvoir switcher en un quart de seconde d’une technique de combat à une autre. Si les combats contre les simples petits ennemis basiques sont rapidement une partie de plaisir, les rencontres contre les demi-boss et les boss seront une toute autre paire de manches. Il vous faudra rapidement analyser les différents mouvements de vos adversaires pour pouvoir bloquer leurs attaques, car foncer tête baissée face aux plus puissants des ennemis n’est pas la meilleure des solutions. Jouer au bourrin ça peut passer si votre personnage a subi de longues séances de level up, mais vous y perdrez en route une partie du plaisir de jeu, la gestion des malus.
Comme on vous le disait, dans Odin Sphere Leifthrasir l’analyse en combat est primordiale. Vous pourrez ainsi rapidement voir à quoi votre adversaire est sensible et donc lui faire subir des malus qui l’affaibliront un bon moment, voir l’assommeront. Envoyer pendant quelques instants les boss dans les choux vous donnera une ouverture, ce qui vous permettra (la plupart du temps) de détruire l’une de ses nombreuses barres de vie. Si vous parvenez à voir en un clin d’œil le début d’une puissante technique de votre adversaire, passer de votre simple attaque à l’envoi d’une fiole du soleil qui le rend KO, pour ensuite le finir par un pouvoir magique et revenir le matraquer de petites attaques, vous aurez obtenu la clé du succès. En gros il faut savoir jongler très rapidement et vous pourrez alors même venir à bout des puissants ennemis optionnels qui se cachent dans de nombreuses zones tout au long du jeu et qui vous donnent de grandes récompenses si vous arrivez à les envoyer rejoindre leurs ancêtres.
Dans Odin Sphere Leifthrasir vous allez passer du temps dans les menus. Le jeu fourmille de petites choses à faire entre faire pousser des fruits, créer des potions, booster vos capacités et en découvrir de nouvelles, apprendre de nouvelles recettes alchimiques et de cuisine… Vous aurez de quoi faire entre chaque combat.
Tout au long de l’aventure vous obtiendrez régulièrement différents éléments que vous pourrez combiner pour créer des fioles aux pouvoirs dévastateurs ou salvateurs. Vous pourrez mettre en bouteille le feu, le soleil ou des puissants poisons. Vous obtiendrez également des plantes qu’il vous faudra faire pousser à l’aide de Phozons (la source de magie d’Erion que vous gagnez en combat). Ces plantes produisent de la nourriture qui vous servira en alchimie, mais également pour vous soigner et vous faire gagner de l’expérience. Oui, vous pourrez gagner de l’expérience rien qu’en mangeant, que ce soit votre propre nourriture ou bien celle de restaurants. Vous empiffrer vous fera gagner des niveaux et fera grandir votre barre de vie. La nourriture est un élément capital dans le jeu et il vous faudra savoir la gérer convenablement entre l’alchimie, manger direct aliment par aliment ou les garder pour qu’un cuisinier vous mitonne un bon petit plat dans les aires de repos. Cette maîtrise de vos vivres sera également un élément qui fera preuve de votre toute-puissance dans la maîtrise du jeu.
Les Phozons ne serviront pas seulement à jouer au petit jardinier, mais cette « monnaie » permettra aussi de booster vos différentes techniques de combat. Il vous faudra donc choisir judicieusement où placer vos ressources qui sont limitées. Et il n’y a pas que vos techniques qui seront à gérer : à chaque niveau vous gagnerez des points de compétence qui pourront vous donner accès à de précieux alliés passifs tels qu’« attaque +10% », « défense face au froid +50% »… Oui, vous allez passer du temps, beaucoup de temps dans les différents menus du jeu à faire de la gestion. Mais tout est tellement bien fait, simple et rapide que ce n’est pas gênant du tout. Bien au contraire, on tire une grande satisfaction à avoir fabriqué les parfaites potions qui vont pouvoir bloquer le boss suivant.
Vanillaware, le Ghibli de la 2D
Que dire d’Odin Sphere Leifthrasir niveau graphisme ? Chaque lieu est un véritable tableau. Chaque personnage est une œuvre d’art. Il suffit de voir le géant Odin au début du jeu pour comprendre tout le talent et la maîtrise de Vanillaware pour la 2D. On pourrait passer des heures et des heures à vous décrire le jeu, mais on va simplement dire que c’est un émerveillement pour les yeux et vous laisser le plaisir de la découverte. Sachez juste que si vous tombez sous le charme de la patte si particulière du studio, vous aurez envie de découvrir chacun de leurs titres qui offrent le même plaisir des yeux. Tout comme un film de Ghibli, on reconnaît en un instant un jeu de Vanillaware.
Après le plaisir des yeux, on va rester sur le registre élogieux pour le plaisir des oreilles. Le compositeur Hitoshi Sakimoto nous fournit ici des compositions féeriques qui collent parfaitement au jeu mais qui seront également un véritable plaisir à écouter en dehors. Certains thèmes nous rappelleront son travail sur Final Fantasy XII. Autre plaisir de l’ouïe, le doublage. Vous aurez le choix entre les voix anglaises et japonaises, avec à chaque fois un excellent travail. Il y a quand même une intensité plus profonde et des grains de voix qui collent mieux du côté japonais. Pour les personnes ne comprenant pas ces deux langues, pas d’inquiétude. Le jeu propose les sous-titres français.
Jusqu’à maintenant nous avons peu parlé des différences entre l’ancienne version PlayStation 2 et cette nouvelle. Odin Sphere Leifthrasir a bien sûr droit à un lifting HD pour parfaire le rendu graphique du jeu, mais Vanillaware ne s’est pas contenté de ça pour ce portage. Les menus bien trop nombreux et fouillis de l’ère PlayStation 2 font place à quelques tableaux bien mieux organisés et faciles d’accès, beaucoup plus agréables esthétiquement. Mais le gros changement vient des combats. On vous l’a déjà dit, le jeu a gagné en rapidité. Les combos s’enchaînent à grande vitesse avec une prise en mains calibrée comme jamais. À aucun moment, si une erreur est commise, vous ne pourrez rejeter la faute sur le jeu. L’ergonomie est parfaite et à aucun moment il n’est nécessaire de chercher ses touches. Tout est bien pensé et surtout facile d’utilisation.
Cette nouvelle version nous donne également la possibilité de rejouer à la version PlayStation 2 dans son jus d’époque tout juste remis en HD. Vous aurez la possibilité d’activer différentes petites options techniques ou/et esthétiques pour rendre plus agréable l’expérience. Mais une fois qu’on a goûté à la nouvelle énergie des combats de Leifthrasir, il est très dur de revenir à l’ancien système qui nous semble alors assez rigide et lent. Odin Sphere Leifthrasir est donc une version sublimée qui ne s’est pas contenté d’une simple remasterisation. On aurait quand même aimé avoir du nouveau contenu, un nouveau style ou peut-être un nouveau donjon. Le rêve aurait été de pouvoir diriger un nouveau personnage avec un scénario qui lui est propre. Pourquoi pas jouer Odin par exemple ! Cela aurait été un véritable plaisir qu’il faudra malheureusement placer du côté des rêves. À noter tout de même que le jeu propose une option cross-save qui vous permet de récupérer votre sauvegarde entre les trois plateformes. Par contre pas de cross-buy. Il faudra acheter chaque version si vous désirez en profiter sur les différentes consoles. Autre bon point : Vanillaware, avec l’aide de NIS America et Koch Media, propose une sublime édition collector que vous pouvez découvrir ici : Unboxing Odin Sphere Leifthrasir Storybook Edition, photos et vidéo.
Le jeu ne comporte quasiment pas de défaut. Oui, on aurait bien voulu une grosse nouveauté, mais hormis ça pas de véritable point noir. On pourra quand même dire que le jeu peut être répétitif à la longue, mais il est tellement envoûtant que la lassitude ne nous a gagné à aucun moment. Cependant les personnes qui n’aiment pas passer du temps dans les menus pour faire de la gestion/préparation pourront trouver ces moments très frustrants, car nombreux et nécessaires pour bien avancer.
Déjà excellent sur PlayStation 2, Vanillaware à réussi à sublimer son Odin Sphere. On a affaire à une histoire envoûtante qui vous prendra régulièrement aux tripes, sublimée par des graphismes somptueux qui montrent la maîtrise quasiment parfaite du studio pour la 2D. Tout cela est allié à un gameplay revu et corrigé qui touche la perfection en termes de nervosité et de gestion des différentes possibilités.
Les cinq personnages jouables ont des styles bien différents et des destins poignants. Odin Sphere Leifthrasir est une perle sublimée (on ne le répétera jamais assez) dans cette nouvelle version qui vous tiendra en haleine durant plus de 30h et qui vous procurera un plaisir immense si vous arrivez à faire fi de ses petites longueurs de gestion en menus.