No Straight Roads signifie « pas de route droite », comme « pas de voie toute tracée ». Une espèce d’ode à la liberté, donc. « Chacun sa route, chacun son chemin » aurait dit Tonton David, en restant sur la métaphore goudronnée. De liberté, il en sera question dans le jeu, où les héros lutteront contre une société fascisante. Mais ce titre peut aussi s’entendre comme un signe avant-coureur d’un destin contrarié, d’un jeu qui ne va pas dans la direction où on l’attendait. À notre grand regret.
(Test de No Straight Roads réalisé sur PlayStation 4 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Punk’s not dead (quoique)
Vinyl City est géré par NSR, No Straight Roads, un label D’EDM (Electronic Dance Music, soit de l’electro, ou ce qu’on appelait dans les 90s de la dance) avec à sa tête Tatiana, qui gère sa compagnie et sa ville d’une main de fer. Elle ne sera d’ailleurs pas sans rappeler une certaine Cruella Denfer…
À Vinyl City, MayDay et Zuke forment le duo Bunk Bed Junction, et ont bien l’intention de faire revenir le bon vieux rock’n’roll dans la cité dominée par l’EDM. Pour ce faire, ils participent à une audition annuelle menée par le label NSR. Cette dernière se passe façon télé-crochet, avec buzzers et croix rouges pour les jurés les moins convaincus.
Bien entendu, l’audition ne se passera pas comme le duo l’espérait. Non seulement ils récoltent six croix rouges (sur six !), mais suite à leur prestation, Tatiana décide de purement et simplement bannir le rock de la cité. En punks épris de libertés, Bunk Bed Junction décide alors de se battre contre ce fascisme musical, de rendre au rock la place qui lui revient de droit, et, au passage, d’accéder à la gloire…
Une histoire somme toute classique, peut-être un peu grossière à certains moments (le twist sur la véritable identité de Tatiana est grillé dès la douzième minute de jeu…), mais on ne vient pas jouer à No Straight Roads pour son scénario.
« Cette bande de racailles ? On va vous en débarrasser ! »
Le combat pour la liberté des guitares de MayDay et Zuke consistera à regagner la rue, quartier par quartier. Chaque quartier de Vinyl City est en effet tenu par l’un des sbires de Tatiana, ceux-là même qui ont buzzé et éliminé Bunk Bed Junction pendant l’audition.
Et c’est la première (mauvaise) surprise du jeu : ce dernier est en effet un boss rush. C’est-à-dire que son gameplay se résume aux combats contre les boss en question. Rien de déshonorant pour un jeu d’appartenir à ce genre, mais ce n’est pas ce qui nous était vendu. Alors avant d’y arriver, il y a bien des phases façon 3D platformer, mais qui tiennent plus de l’habillage que du véritable jeu.
On traverse ainsi les rues de la ville en récoltant des capsules d’énergie de façon à rétablir le courant dans les rues (une très dispensable surcouche d’histoire, l’électricité produite par la transformation de la musique par NSR qui ne serait pas distribuée équitablement…), jusqu’à atteindre le boss et lancer le combat. Des phases sans enjeu qui auront surtout servi aux bandes-annonces et nous auront induits en erreur quant à la véritable nature du titre.
Et même, ces séquences de pur remplissage sont elles aussi remplies avec du vide : on interagit avec des objets décoratifs sans intérêt de gameplay, on cherche des autocollants qui fourniront de vagues bonus à nos personnages (pitié, ne parlez pas de « composante RPG » !) et on rencontre des personnages avec lesquels se lancent des lignes de dialogues complètement superflues.
Boss, boss, boss, I’m looking for a good time
Une fois ces couloirs facultatifs mais obligatoires (oui, c’est paradoxal) franchis, on arrive au cœur du jeu, le boss fight. Chacun des boss arrive avec un univers musical qui lui est propre, et le rythme aura une fonction primordiale dans le combat.
Les ennemis attaquent en effet en rythme, et il faudra maîtriser le tempo pour en venir à bout. Enfin, sur le papier. Car en vérité, et c’est la deuxième grosse déception du jeu, la composante musicale est loin d’être essentielle.
Certes, les ennemis attaquent en rythme, mais la musique ne nous donnera qu’une indication sur la prochaine attaque, indication qu’on peut également recevoir simplement en regardant le jeu, comme dans n’importe quel autre platformer 3D.
Les mouvements de MayDay et Zuke ne se calent absolument pas sur la musique, ni sur leurs attaques. Ainsi, le rythme des assauts ennemis n’est qu’une indication sur le moment où il faudra esquiver (sauter ou rouler), mais dans leur ensemble, les combats ne se déroulent absolument pas en phase avec la musique.
En gros, pour chaque boss, on casse des trucs via les armes de corps-à-corps, puis on récupère des notes qui servent de munitions à envoyer à la face du boss. Deux types d’attaques qu’on rush comme on peut entre deux actions du boss à esquiver, et qui ne sont donc absolument pas exécutées en rythme.
Certaines scènes viennent tenter d’ajouter un peu de variété à cette routine, comme le « clash » contre DK West où il s’agira de faire preuve d’une bonne coordination pouce gauche/pouce droit. Amusant, mais peut-être pas suffisant.
99 problems
On l’aura compris, entre un contenu cache-misère et un game-system pas toujours bien pensé, le jeu semble cassé. Pourtant, on n’arrive pas à voir ce qui n’a pas fonctionné ? Avec au développement une équipe de vétérans constituée d’anciens des équipes de développement de Final Fantasy XV et Street Fighter V, ce genre de défauts imputables à un premier jeu aurait dû être évité.
D’autant que le jeu n’a ni manqué de temps, puisque repoussé à plusieurs reprises, ni, à son niveau, de moyens. Sans être au top de la génération graphiquement, sa direction artistique originale et colorée rend le tout plutôt agréable. Et son doublage est plutôt luxueux !
Aux côtés des rôles principaux, l’omniprésent Donald Reignoux (Peter Parker dans le Marvel’s Spider-Man PS4) et Kelly Marot (Kingdom Hearts, Death Stranding, The Last Of Us Part II… Elle est surtout la doubleuse régulière de Jennifer Lawrence au cinéma !), on retrouve les voix d’Anaïs Delva (Elsa dans la Reine des Neiges, également interprète de l’entêtante chanson…), de Patrick Borg (voix de Son Goku…), de Françoise Cadol (Lara Croft) ou Céline Monserrat (doubleuse régulière de Julia Roberts).
Plus étonnant, et très probablement dans l’optique de parler aux plus jeunes, quelques voix connues notamment sur YouTube ont été invitées à participer au doublage du jeu. C’est le cas des YouTubers Julien Chieze et Sora, mais aussi de la championne de versus fighting Kayane.
Le jeu aura d’ailleurs été l’investissement le plus important de son éditeur, l’anglais Sold Out. Malheureusement, force est de constater que les crédits n’ont pas été accordés aux dépenses prioritaires…
No Straight Roads était sûrement bon sur le papier. De probables contraintes de studio (Temps ? Budget ? Points de vue différents au sein de l’équipe ?) en ont fait un jeu qui ne semble qu’à moitié fini.
Si la direction artistique est bien en place, le gameplay n’exploite pas exactement l’idée de départ (le mix de platformer et de rhythm-game), et pire, avoir déguisé un jeu de type boss rush (Furi…) en classique jeu de plateforme 3D crée de la frustration chez le joueur, et le sentiment de s’être fait flouer. Et à ce niveau, pas sûr que l’astuce marketing basée sur des starlettes 2.0 puisse rattraper le coup….