Depuis quelques années maintenant, Nintendo semble mettre les bouchées doubles pour ajouter à son catalogue des IP originales avec de nouveaux visages. En même temps, la position de la compagnie n’est pas évidente. Si les personnages de la firme jouissent aujourd’hui d’un statut similaire à ceux de Disney (Mario, Link, Samus, Pikachu…), ces derniers prennent de l’âge et enferment Nintendo dans un rôle qu’on commençait déjà à lui reprocher à l’époque de la N64, celui de ne faire que des jeux Zelda ou Mario Bros. Naturellement, le géant de Kyoto a poursuivi ses efforts afin d’étoffer sa gamme de personnages et d’expériences, résultant en l’ajout de nouveaux visages comme les Inklings, Olimar et ses Pikmin ou vous…
Vous ? Oui. Vous souvenez-vous des Mii ? Si aujourd’hui ces personnages sont relativement anodins et n’apparaissent que de temps en temps pour vous approprier votre compte eShop ou vite fait dans Smash Bros. ou Mario Kart, il fut un temps où ces derniers étaient partout. Bien sûr, ils vous servaient d’avatar en ligne, mais vous les retrouviez dans des fêtes avec Mario, pour enchaîner des matchs de tennis ou de boxe et même stars de leurs propres jeux sur Nintendo 3DS notamment les jeux Streetpass, l’étrangissime Tomodatchi Life et, bien sûr, le sujet d’aujourd’hui : Miitopia.
Ce dernier se voit accorder une deuxième chance de briller non seulement parce que son lancement s’est vu éclipsé par celui de la Switch (oui, le titre partage son année de sortie avec la console hybride) et a la lourde tâche d’offrir aux Mii un retour sous le feu des projecteurs (juste avant la sortie de Mario Golf: Super Rush). Et pour l’occasion, Nintendo voit grand : portage HD sur la bécane ainsi que l’ajout de menues nouveautés pour rafraîchir l’ensemble. Cependant, est-ce suffisant ? Miitopia sur Switch en vaut-il l’investissement ? Les nouvelles additions offrent-elles un réel intérêt pour un joueur ayant terminé le titre sur 3DS ? Bref, devriez-vous ouvrir votre portefeuille ?
(Test de Miitopia réalisé sur Switch à partir d’une version fournie par l’éditeur)
L’histoire dont qui vous voulez est le héros… et le méchant… et les autres
Alors, autant prévenir tout de suite, si vous attendez de Miitopia une histoire riche, nous vous recommandons de revoir vos attentes à la baisse : son histoire est au mieux classique, au pire cliché. Le royaume d’Udébu et les pays voisins subissent les assauts de l’Avatar du Mal, un esprit malfaisant qui vole le visage des citoyens pour dresser des armées de monstres. Votre personnage est l’élu et donc le seul rempart qui se dresse face à ses agissements. Votre rôle, ainsi que celui de ceux qui vous accompagneront, est de le poursuivre à travers le monde, de corriger les torts qu’il aura causés avant de le corriger lui. Pas plus simple que ça.
En revanche, si vous attendez un peu de folie de votre aventure, vous êtes au bon endroit. Le scénario est en fait ici prétexte à laisser les stars du jeu s’exprimer : qui vous voulez ! Effectivement, l’intégralité du casting repose sur vous et vous servira à conter une histoire originale, une histoire qui vous est propre. Les membres de votre équipe, le vilain, les PNJ… L’apparence de chacun des personnages que vous allez suivre ou rencontrer dépendra de vos choix et libre à vous de mettre en couple Batman et Peach, de transformer votre petite sœur en vilain démon et de faire équipe avec Tanjiro pour la corriger !
Et pour bricoler ce casting, RDV dans l’Éditeur de Mii. Maintenant, ce dernier travaille en tandem avec un second éditeur permettant d’ajouter perruques et maquillages à vos persos. Et ça marche bien ! En effet, c’est même si complet qu’avec un peu d’astuce, il est possible de créer des personnages de toutes sortes comme des héros d’animés, de films et même ceux du quotidien. Pas à l’aise avec la création ? Les joueurs les plus talentueux peuvent partager leurs créations avec le commun des mortels et permettre à tous de dresser le voyage de leurs rêves. Dommage en revanche qu’il n’y ait pas d’options de recherche dans le catalogue en ligne.
Enfin, maintenant que tout le monde a un visage, il va falloir donner de la consistance à votre escouade. Si les PNJ sont déjà définis par les besoins du scénario, vos alliés, eux, vont vous réclamer une dernière attention. En effet, ces derniers n’auront pas d’incidence sur le scénario, mais sont les stars du show. Ainsi, vous allez devoir leur choisir un métier (des classiques (guerriers, mages…) et originaux (cuisinier, chat, tank…)) qui définira leur rôle en combat et leur caractère qui pèsera dans les interactions de groupe. Il ne vous restera plus qu’à observer votre casting réagir les uns avec les autres et apprécier les tranches de vie et de drama de chacun de vos héros.
« J’aurais mieux fait d’rester au lit, c’donjon il est pourri… »
Miitopia est un jeu de rôle et repose donc sur une boucle de gameplay partagée entre exploration et combat, les deux étant ici plus que superflus. Si les divers environnements ne décevront pas, notamment grâce au travail fait sur la présentation, celui fait pour investir le joueur est insuffisant. En effet, la simplicité du scénario noie tout perspective d’un voyage excitant qui repose sur une boucle dénuée de choix. Ces niveaux ne sont que des lignes droites, ponctuées de one-liners et de combats (un autre point qui ne brille pas) et, de temps en temps, une intersection qui vous indique qu’il vous faudra refaire ce niveau pour découvrir tous les chemins ou secrets. Le niveau se termine dans une auberge et la boucle se répète un niveau après l’autre.
Peu engageant donc, et les combats ne sont pas mieux. Ces derniers se déroulent comme dans un RPG au tour par tour sauf que vous ne contrôlez qu’un personnage. Tous les autres agissent librement afin de laisser la place aux mécanismes de soutien et de support qui symbolisent les liens d’amitié entre les membres de votre équipe. Chacun a d’ailleurs un inventaire propre et en utilisera le contenu en cas de pépin. Enfin, vous pouvez aussi figer le temps et saupoudrer vos personnages épuisés de points de vie ou de magie s’ils sont à court ou les sortir du combat temporairement pour une meilleure récupération, mais ça s’arrête là et vous aurez vite fait de passer même le seul personnage contrôlable en auto, ça vous fera gagner du temps…
Ironiquement, le plus gros de l’action et des décisions, c’est à l’auberge que ça se passe. En effet, l’auberge n’est pas qu’une étape, mais le lien où tout a lieu. Vous pourrez y équiper vos personnages, les nourrir pour booster leurs statistiques et consolider leurs liens (par le biais de sorties et en leur faisant partager des chambres). Ces moments sont également ponctués de saynètes renforçant plus encore leurs relations. Anodines en apparence, toutes ces options apportent un plus en combat puisque deux aMii (lol) se soutiendront, boostant les dégâts infligés ou réduisant les dégâts reçus en cas d’attaque. Ceci dit, ça aussi, ça se répète…
Le Jour de la Marmotte
Et ce qui n’arrange pas le problème des répétitions, c’est la manière dont l’histoire se déroule. En effet, si Miitopia nous offre de franchir une aventure linéaire, le jeu n’a rien trouvé de mieux pour prolonger le plaisir que de vous contraindre à redémarrer de zéro à plusieurs reprises pendant votre périple. Opportunité d’ajouter de nouveaux visages à votre team ? De s’essayer aux métiers inédits qui apparaissent à chaque fois ? Certainement un peu des deux, mais surtout l’effacement de tous vos progrès sur des heures de jeu et un sentiment de frustration certain que vous rappelleront la répétitivité des combats, la répétitivité des dialogues et des blagues pas toujours très subtiles, la répétitivité des scènes de dispute et de réconciliation…
Bon, on a beaucoup râlé, mais il faut soulever un certain point : le titre n’est pas dénué de charme et pourrait toujours vous convaincre. En effet, l’humour un peu potache, l’ambiance générale et absurde du titre… Ces éléments, couplés aux graphismes colorés et doux à l’œil travaillent de concert pour faire de Miitopia une expérience étrange et attachante, un voyage gourmand et mémorable. Naturellement, le charme est une notion relative et tout le monde n’y répondra pas de la même manière, mais il est probable que si vous trouvez l’excentricité amusante, vous trouviez dans ce jeu un compagnon agréable et léger, voire même un peu de profondeur.
Parce qu’au-delà des vannes et de l’humour potache, le titre recèle quelques idées de gameplay bien pensées et qui mériteraient une place dans des jeux plus complets. Nous pensons notamment à la manière dont vous pouvez dispenser les soins en combat (soin direct avec des salières ou les tours de repos avec vos personnages hors combat) ou la manière d’offrir des points de statistiques bonus à vos protagonistes en les nourrissant à l’auberge (un système simple qui vous incite à expérimenter et découvrir ce que vos Mii aiment pour de meilleurs résultats). Des mécaniques qu’il vous faudra d’ailleurs maîtriser si vous poussez l’aventure au bout.
À notre grand regret, Miitopia n’est guère plus qu’un RPG glorifié. S’il jouit d’un charme indéniable notamment lors des premières heures et en particulier grâce à son concept (qui n’a de limite que votre créativité), son manque d’enjeux et de challenges, sa nature répétitive et la faiblesse de son gameplay (un peu trop automatisé) empêcheront le joueur désireux de s’impliquer au maximum.
Ajoutons alors à la recette des blagues qui finissent par se répéter et des pirouettes scénaristiques qui vous forcent à repartir de zéro à plusieurs reprises au cours de votre aventure et on est plus proche d' »Une Journée sans Fin » sans le charme de Bill Murray, une version du film qui offrirait d’ailleurs la vedette aux défauts mentionnés plus haut. Des défauts que les différents ajouts comme le mode accéléré peinent à adoucir.
Ceci dit, le titre n’est pas mauvais en tout et devrait trouver un public. Si nous ne le recommandons pas aux joueurs ayant déjà traversé le jeu sur 3DS (sauf s’ils y tiennent), Miitopia pourrait faire la joie d’un gamer en culotte courte ou même d’un joueur à la recherche d’une aventure plutôt contemplative et légère à dévorer tranquillement entre deux grosses sessions sur des jeux plus gourmands. Ce dernier pourra éventuellement trouver le repos qu’il recherche voire même quelques blagues ou situations absurdes à son goût.