N’en déplaise aux Nintendo-maniacs, la stratégie sur console n’appartient pas à Fire Emblem ou Advance Wars. Si aujourd’hui on peut penser sans sourciller à des titres comme X-COM dont le reboot a permis la résurrection ou même à Wargroove et Into The Breach, deux excellents jeux indépendants de stratégie, par le passé, il y avait déjà les Final Fantasy Tactics ou même Shining Force (deux licences qui partagent d’ailleurs un point commun, le fait d’avoir été oubliées par leurs créateurs…).
Mais même avant tout cela, alors que l’illustre série de Nintendo mettant en scène des nobles aux cheveux bleus n’accueillait qu’un épisode, la MegaDrive (éternelle rivale des consoles les plus anciennes de Big N) accueillait Langrisser, une série qui aurait dû s’opposer à Fire Emblem. Cependant, restée coincée aux USA avant de ne plus sortir qu’au Japon et enchaînant les titres dont la qualité se réduisait d’un épisode au suivant, la licence n’a jamais pu s’imposer.
Bref, aujourd’hui, le soft s’essaie à l’exercice délicat de la résurrection et revient à sa base dans une compilation réunissant ses deux premiers volets avec un nombre conséquent d’améliorations, histoire de moderniser l’ensemble. Alors, la sauce va-t-elle prendre ? Langrisser I & II (du joli petit nom de sa compilation) a-t-il ce qu’il faut aujourd’hui pour faire trembler le géant ?
(Test de Langrisser I & II sur Switch réalisé grâce à un code fourni par l’éditeur)
L’histoire dont vous êtes (à peu près) le héros
Langrisser I & II nous propose de découvrir deux histoires qui tournent autour d’un élément central au scénario : le Langrisser (la ?), une épée magique surpuissante capable de terrasser les forces du mal. Ces scénarios se concluant différemment selon votre manière de jouer, permettez-nous de les évoquer sommairement. Dans Langrisser, vous suivez le voyage de Ledin, un jeune prince chassé de son royaume lors d’une attaque et qui se voit contraint de former une équipe de soldats dans le but de reprendre son royaume, son père (le roi) ayant péri à la suite de l’attaque précédemment évoquée.
Seulement, il découvre que les assaillants en avaient après le Langrisser, relique que sa famille protégeait et qui est la clé permettant de libérer un mage maléfique, le puissant Boser. Dans Langrisser II, on parcourt à nouveau les mêmes terres, mais un millénaire plus tard aux côtés d’Elwin, un guerrier en quête de vengeance après la mort de son mentor. Accompagnée par un apprenti mage dénommé Hein, son équipe va se retrouver prise entre deux empires en guerre, les deux convoitant la relique que le titre évoque.
On va pas se mentir, ça sent le réchauffé. Ceci dit, si aujourd’hui les guerres médiévales d’inspiration européenne sont loin d’être inédites, à l’époque, il n’y avait pas eu 14 Fire Emblem (sans compter spin-off et remakes). D’autant que, première différence avec le titre de Nintendo, si Langrisser I & II nous offre d’affronter des armées du mal avec des zombies et autres monstres aux côtés de chevaliers pégases et autres cavaliers dragons, il nous propose également plusieurs dénouements pour chacun de ces voyages. Effectivement, les histoires de Ledin et d’Elwin changent selon vos résultats obtenus aux combats dans diverses batailles clés. Du fait, c’est près de 11 fins différentes qui peuvent être débloquées pour chaque scénario (6 fins environ pour chaque épisode).
Cependant, ce n’est pas réellement le premier élément par lequel se démarque cette série. Dès lors que vous démarrez une partie, vous êtes accueilli par une prêtresse qui vous pose quelques questions. Selon vos réponses, les jeux modifieront le héros de l’histoire de sorte à refléter vos choix, apportant par conséquent de nous investir un peu plus personnellement dans notre personnage. Si cela ne modifie en rien, ni votre personnage dans les cutscenes, ni même le scénario, ça reste une attention louable d’autant que ça influe sur les statistiques, mais aussi les classes accessibles par votre personnage. Bien entendu, si vous n’êtes pas satisfait des résultats, vous pouvez toujours reprendre le test à zéro.
Fire Fantasy Tactics
Côté gameplay, les habitués des jeux de stratégie au tour par tour s’y retrouveront instantanément. Effectivement, dans Langrisser I & II, comme pour bien d’autres softs de ce genre, vos héros évoluent sur un damier posé sur le décor. Vous pouvez y gérer vos déplacements et y définir vos stratégies tout en prenant compte du triangle d’armes propre à ce type de jeu, ainsi qu’aux avantages liés au terrain. Attention cependant, si vous avez dosé la série de tactical de Nintendo, un certain nombre d’éléments sont à revoir. Ici, les lanciers sont pris en défaut par les épéistes alors qu’ils sont efficaces sur les cavaliers, vous êtes prévenu. Une fois encore, la série se démarque à nouveau de celle à laquelle nous l’opposons car, à la différence de nombreux concurrents, ici, vous allez devoir compter sur d’autres alliés.
Autour de vos héros, des mercenaires, que vous achetez en début de combat lors des préparatifs de missions. Ces unités sont liées à votre héros et doivent, pour profiter d’avantages, se battre aux côtés de leurs commandants. Trop éloignés, ils prennent un malus en attaque et en défense ce qui les mènera très souvent à leur perte. Notons que la classe de ces derniers dépend également de leur commandant et évolue à mesure qu’il prend en grade. Ainsi, à force de prendre des niveaux et de gagner des points de compétence, les héros pourront prendre de nouvelles classes et profiter de compétences plus puissantes ainsi que de meilleures unités de soutien. Néanmoins, si vous jouissez d’alliés apportant du poids à votre escouade, c’est aussi le cas des ennemis, humains comme monstres, qui reposent sur les mêmes tactiques.
Par conséquent, comme pour une armée standard, combattre tous les ennemis d’une escouade n’est pas l’unique clé de la victoire puisque ordonner une frappe ciblée sur un leader de groupe fera intégralement disparaître ses soldats. Ainsi, libre à vous d’analyser le comportement de vos ennemis et de punir tout excès de zèle. Enfin, notons que la mise en déroute d’un de vos personnages ne signifie pas nécessairement la mort puisqu’il n’y a aucune (ou peu) mort permanente. La défaite n’est donc pas aussi punitive puisqu’elle n’attaque que vos finances.
Ajoutons que la magie existe également dans cette série, mais qu’elle n’est propre qu’aux héros. Forcément, tous les parfums classiques sont disponibles tels que sorts de buff et debuffs, compétences offensives ou de soin. Pour l’utiliser, vous devez sacrifier un tour de déplacement, ce qui rend son usage délicat en position offensive, mais se montre particulièrement efficace lors de stratégies défensives.
Enfin, ça, c’est à la condition que vous assumiez le choc des attaques ennemies ! Du coup, afin de mieux amortir les coups, pensez à bien vous équiper. Le hub par lequel vous accédez aux missions vous offre, en plus de l’onglet pour gérer vos héros, une section boutique dans laquelle dépenser vos deniers durement acquis. Chaque héros peut s’équiper d’une arme, une pièce d’armure et un accessoire, bref, de quoi maximiser vos chances de survie.
Back to the Future
Enfin, difficile de parler d’un remake sans le comparer à sa formule initiale et force est de constater que les équipes en charge de la résurrection de Langrisser ont fait du bon boulot, même s’il est relativement imparfait. En vrai, notre seul reproche repose sur les scènes d’illustration des combats. Même si elles sont très jolies avec leurs personnages en chibi, elles manquent de clarté et illustrent difficilement les dégâts infligés à moins de les regarder sur la longueur… Le problème, c’est qu’elles sont très longues et ruinent le rythme des affrontements sur le plan stratégique. Un point négatif que nous relevons, mais que vous ne partagerez peut-être pas.
Autour de ça, rien à redire. Les personnages sont joliment remodelés même si nombre d’entre eux semblent tout droit sortis de n’importe quel anime actuel, les musiques sont de sympathiques réorchestrations des thèmes d’antan et les décors, sans être trop détaillés, sont fidèles à ceux que nous pouvions découvrir à l’époque sur MegaDrive ou PC Engine.
Comment le savons-nous ? Tout simplement parce que le jeu vous offre le choix de modifier de nombreux éléments du jeu selon votre niveau de nostalgie. Vous préférez les animes rétro ? Boum, un tour dans les options et vos personnages adorés arborent un look tout autre ! Vous adorez les gros pixels ? Libre à vous de changer le look de vos cartes !
Vous vouez un culte à l’air des musiques de jeu composées de bips sur des pistes en midi ? Elles sont aussi sur la galette. Et quels que soient vos choix, vous pourrez apprécier d’entendre vos héros discuter dans les cutscenes grâce aux doublages japonais et anglais tout en découvrant des images d’illustration très belles avec vos héros, quel que soit le look que vous leur préférez. Vraiment sympa !
En somme, Langrisser I & II est une belle résurrection. Cette compilation est autant un plaisir pour les anciens (qui auront découvert la série avec l’émulation ou sur mobile) que pour les néophytes et se permet même le luxe d’être accessible pour un joueur qui s’essaie à la stratégie.
De plus, en impliquant son personnage aussi bien lors du questionnaire que sur le champ de bataille, avec ses deux histoires assez longues (une bonne vingtaine d’heures chacune), ses personnages attachants et son fan-service qui touche même ceux qui n’ont pas connu les jeux originaux (par le biais des choix esthétiques), il constitue un investissement solide pour tout fan d’anime, de jeux de stratégie ou, simplement, n’importe quel joueur curieux.