Annoncé il y a quatre ans, Kerbal Space Program 2 atterrit en ce moment sur nos machines pour prendre la succession d’un titre tant aimé. Jeu de niche parmi les jeux de niche, Kerbal Space Program premier du nom a su trouver son public et se bâtir une solide réputation dans le petit monde des jeux de gestion. Si ce dernier était somme toute assez basique, et pas forcément beau, il avait l’immense avantage de pouvoir tourner sur de nombreuses configurations et d’occuper très peu de place sur votre disque dur. De plus, grâce au dévouement d’une solide communauté de moddeurs, le jeu a été enrichi de nombreuses fonctionnalités et d’améliorations graphiques au fil des années.
Le nouveau venu est surprenamment exigeant en se laissant approcher moyennant 50 euros pour une édition en early access. Cependant, la succession devrait être facile tant la formule de base fonctionne. Et puis, en quatre ans de développement, on voit mal comment on pourrait arriver à un jeu moins abouti que le premier. Lancement réussi ou laborieux ?
(Test de Kerbal Space Program 2 réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Après toutes ces années à étudier, je suis fièrement sorti dernier de ma promotion et nommé ingénieur en chef pour le Kerbal Space Program 2. Mes prédécesseurs ayant mystérieusement disparu lors des essais du programme précédent, je suis donc chargé de diriger le second essai de notre ambitieux programme de colonisation spatiale. Je suis discrètement soulagé de découvrir qu’on nous a donné un tutoriel assez bien fichu. Progrès notable par rapport au premier projet sur lequel mes prédécesseurs avançaient à tâtons, au gré des explosions, crashs et autres légers problèmes desquels nos scientifiques sont sortis grandis, ou assez diminués. L’empirisme scientifique me tient toujours à cœur.
Je suis ravi également de découvrir les nouveaux objets, modules et composants mis à notre disposition pour cette seconde version du programme. Honnêtement, je m’attendais à mieux et à plus, mais ça ne fait rien. Je trouverai bien un usage à ce nouveau matériel et mes confères auront à cœur de découvrir leur intérêt au gré des expériences. Enfin, au rang des nouveautés se trouve aussi un moteur de gestion de la physique. J’avais justement fait remarquer à nos leaders politiques que le premier programme souffrait d’une compréhension difficile des règles de la physique, conduisant assez souvent à la dislocation, voire à l’explosion, des fusées.
Essai n° 122
Enfin, le travail fut dur, les sacrifices conséquents, mais enfin, nous y sommes, notre fusée n’explose pas au lancement, elle est même capable de voler un peu ! Il faut dire que l’essentiel des ressources part dans la multiplication de réacteurs et réservoirs titanesques. Certes, on me reproche de négliger la survie de l’équipage en investissant peu, ou pas, dans des modules d’équipage, des générateurs d’énergie ou autres nacelles de survie. Je peine à comprendre ces reproches étant donné que, de toute façon, nos valeureux kerbonautes n’ont pas assez de carburant pour revenir sur notre planète et n’ont pas encore de matériaux de construction embarqués en soute pour construire une station spatiale. C’est vrai qu’ils ne le savent pas, mais chaque chose en son temps.
Bon, c’est vrai que je pourrais juste envoyer un seul confrère dans ces missions un peu risquée de sacrifice au nom du savoir, mais je soupçonne de nombreuses personnes dans cette base de m’en vouloir mystérieusement. Je veux dire, je préfère qu’ils soient plusieurs dans le cockpit pour analyser plus justement la situation de la fusée.
Je me dois de l’admettre : la science, c’est dur. Et nos premiers essais ont transformé nos belles fusées en missiles balistiques retombant sur le centre spatial. Pourtant, dans notre centre de contrôle, nous avons accès à de nombreux paramètres. Mais que c’est mal expliqué, que c’est confus… Masse ? Delta-V ? Rapport poussée-poids ? Des prototypes qui s’effondrent sous leur propre poids sur la rampe de lancement ? Comment suis-je supposé connaître tout ça, moi qui ne suis qu’un modeste scientifique et ingénieur spatial ?
Et même si l’interface de notre système de contrôle est propre, épurée ; il faut bien dire que tout est superficiellement expliqué. Je plains mes confrères qui n’ont pas le même esprit et bagage scientifique que le mien. Quant à la caméra dans l’aire d’assemblage, il me faut dénoncer sa pauvre maniabilité qui rend compliquée la conception de matériel spatial sophistiqué qui exige une rigueur sans faille.
Essai n° 256
Le 210e prototype était justement prêt à être lancé quand il a explosé mystérieusement entre la base d’assemblage et la rampe de lancement. Je découvre alors avec horreur que les moyens pour le Kerbal Space Program 2 ne sont pas tout à fait à la hauteur et que nos systèmes de contrôles sont truffés de bugs. On me fera remarquer avec justesse que l’explosion de nombreux prototypes découlent peut-être, éventuellement, possiblement, de manque de discernement de ma part, mais ici, ce n’était pas le cas. Étrangement, la physique semble parfois se jouer des règles les plus élémentaires et provoque des explosions subites. C’était pourtant la critique principale envers le premier programme.
Victoire ! Notre 256e prototype de fusée a réussi à quitter l’atmosphère et à se mettre en orbite ! Et en un seul morceau s’il vous plaît. Que c’était simple. Ah ! Ils ont l’air ridicule ceux qui doutaient de moi et m’accusaient de gâcher des ressources et des équipages pour rien. La preuve de mon succès est sous leurs yeux, juste à côté des épaves des 189e, 201e, 202e et 207e prototypes qui errent glorieusement dans le vide cosmique. Mais quel plaisir de voir l’évolution de nos fusées, analogie splendide de l’évolution de notre savoir.
Essai n° 302
À présent, il va falloir passer à la troisième phase du programme : bâtir une station spatiale. Étape incontournable pour nos ambitions spatiales et pour acheminer ultérieurement du matériel et des rovers sur les planètes voisines.
Mais hélas, les écrans du centre se mettent à crasher. Pire, certaines sauvegardes ne sont bizarrement pas accessibles, réduisant à néant mon travail de conception, mais aussi le sacrifice de braves kerbonautes. Quelle tristesse qu’un programme aussi ambitieux soit curieusement bâclé sur des points essentiels. Nos ordinateurs subissent de violentes chutes de FPS rendant l’expérience peu agréable. Certes, le programme a le statut d’accès anticipé et doit recevoir des ajustements au fil du temps, mais je peine à voir une grosse différence avec le premier projet, du moins pas à la hauteur de l’argent dépensé, si ce n’est un centre spatial et des vaisseaux plus beaux, au prix de fonctionnalités par ailleurs présentes sur le premier programme et mystérieusement absentes ici.
Et pourtant, le scientifique enthousiaste en moi doit le reconnaître : notre programme spatial possède un énorme potentiel, et en ce sens la roadmap donnée par notre gouvernent me réconforte. Mais quel dommage d’avoir organisé un lancement aussi fragile et instable. Néanmoins, je le jure : sous ma direction avisée, nous atteindrons Mun et Minmus, et nous étendrons notre influence dans le système, puis les autres, puis les galaxies, aussi, et ce ne sera qu’un début pour les Kerbal. Je m’emporte… l’émotion des génies, vous le savez.
Note confidentielle – Compte-rendu au gouvernement de Kerbal
Kerbal Space Program 2 a de très bonnes bases pour être un excellent jeu. Les graphismes ont été substantiellement améliorés, les tutoriels sont bienvenus et les nouveaux sons ajoutent beaucoup à l’immersion. Hélas, des défaillances ruinent considérablement l’expérience, et plus particulièrement l’optimisation qui est une catastrophe au moment où ces lignes sont rédigées. La gestion de la physique est parfois étrange, détruisant subitement des fusées (et accessoirement leur équipage) alors même que les engins quittent le laboratoire pour la rampe de lancement ou sont déjà en orbite. Enfin, de nombreux bugs ont rendu le travail de notre équipe plus compliqué et chronophage qu’il devrait l’être.
Je recommande à mes confrères d’attendre avant de payer pour rejoindre le programme. La roadmap est prometteuse, mais on n’achète pas des promesses.