Qui n’a jamais vécu un calvaire lors d’une séance de cinéma, d’un voyage en train, ou encore d’un repas de famille, simplement à cause d’un mauvais choix de place et de voisins un peu dérangeants ? Allez, soyez honnêtes, repensez à ce mangeur de pop corn peu discret sur votre droite, ou encore à cette personne bien trop bavarde durant un covoiturage, vous empêchant de faire votre plus belle sieste. Ça y est, ça revient ?
Ces petites situations de vie inconfortables, au départ souvent fruits d’un mauvais hasard, sont le point de départ d’Is This Seat Taken?. Disponible depuis le 7 août sur Nintendo Switch et PC, le titre développé par Poti Poti Studio nous propose de prendre en main le destin de petits personnages avec un seul but : les placer au meilleur endroit dans diverses situations en respectant leurs désirs et leurs aversions les plus absurdes. Et faire plaisir à tout le monde ne sera pas si simple.
Un pitch de départ des plus simplistes qui a toutefois le mérite de l’originalité, le tout sans s’éloigner des considérations de notre vie de tous les jours. Mais un jeu ne saurait être jugé uniquement sur son idée de départ. Alors, Is This Seat Taken? peut-il justement trouver sa place dans un monde des puzzle games de plus en plus surchargé ? Notre test.
(Test d’Is This Seat Taken? réalisé sur PC à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Tout le monde veut prendre cette place
L’aventure débute à Barcelone avec un petit tutoriel. Ici, il sera simplement question de placer quelques personnes dans un taxi en tenant compte de leurs envies. Plutôt fenêtre ou centre? Plutôt solitaire ou appréciant la compagnie ? Rien de bien sorcier, mais l’occasion de découvrir les mécaniques simples du titre, à base de cliquer et glisser, et surtout d’appréhender la direction artistique prise par les développeurs. Ici, pas d’êtres humains, mais des figures géométriques personnifiées en mode cartoon du plus bel effet. Bienvenue dans un monde de carrés, de losanges, de cercles et de triangles dotés de prénoms, d’émotions et de véritables mimiques.
Barcelone, c’est aussi l’occasion de découvrir Nat. Ce petit bout de losange sera le personnage récurrent d’une aventure qui l’amènera notamment à Paris, Londres ou encore New York. Avec un objectif en tête : devenir une star du cinéma. Mais pour y parvenir, il va falloir être capable de combler chacun des personnages. Une seule personne malheureuse au fond du train, et tout est à recommencer. Lorsqu’il n’y a que quatre ou cinq personnes à placer, ça va encore. Mais lorsqu’on arrive sur des niveaux avec une quinzaine de personnes à ravir, dont certaines sont particulièrement difficiles (jusqu’à trois volontés plus ou moins raisonnables en simultané), le challenge s’avérera plus corsé.
Des figures géométriques bien obtues
Passés les premiers niveaux, on découvre rapidement de nouveaux lieux, et avec eux, de nouvelles lubies. Au cinéma, il faudra composer avec les mangeurs de pop-corn ou ceux qui regardent leur téléphone pendant le film et au stade, avec les supporters des équipes adverses qui ne souhaitent pas s’asseoir trop proches sous peine de se taper dessus. En classe, pour la bonne tenue du cours, il faudra séparer les élèves trop portés sur les bavardages ou isoler ceux qui auraient la triche un peu trop facile. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi les nombreux portraits dépeints par le titre.
Rapidement, on se rend compte que l’histoire de Nat n’est qu’un prétexte à la création de casse-têtes, mais on s’en fiche, car le gameplay se suffit à lui-même. La force du titre, c’est d’arriver tout en finesse et surtout avec humour à dépeindre les maux de notre société. La galerie de portraits du titre s’étoffe un peu plus à chaque niveau et nous remet en face du triste fait accompli : l’évolution de nos société modernes a créé un homme de plus en plus irrespectueux d’autrui. Bien évidemment, le jeu n’est jamais donneur de leçons, mais difficile de ne pas voir une critique légère de nos propres comportements derrière ce titre.
On regrettera juste le fait d’avoir choisi des villes réelles pour au final ne pas représenter des lieux emblématiques de ces villes. On aurait aimé voir la la Tour Eiffel ou encore Big Ben en toile de fond des énigmes proposées. On aurait finalement tout au aussi bien pu être dans un monde totalement imaginaire sans que le propos n’en soit différent.
Puzzle game ou cosy game ?
Au fur et à mesure de la centaine de situations puzzle proposées, Is This Sit Taken? aurait pu nous lasser. Mais fort heureusement, les développeurs ont eu la bonne idée de faire évoluer les environnements petit à petit, relançant régulièrement de nouvelles boucles de gameplay. Lorsque notre compréhension du jeu paraissait à son maximum, il y a toujours eu une petite trouvaille pour relancer une nouvelle réflexion.
Par exemple, lors d’un niveau dans le train, il sera nécessaire de jouer avec les climatiseurs pour respecter les envies de chacun d’être au chaud ou dans le frais. Au stade, il faudra ouvrir certains sièges pour les personnes souhaitant être assises et les fermer pour celles qui préfèrent rester debout. Des petits détails, mais qui au final, au moment de refermer le jeu pour la dernière fois, nous ont permis de ne jamais avoir ressenti d’ennui.
Car plus on évolue dans le jeu, plus on s’amuse. Les environnements s’enchainent avec fluidité, et avec eux, la difficulté évolue petit à petit, sans jamais être insurmontable. Tout au long de la progression, on flirte avec la frontière entre puzzle game et cosy game. Aucune pression n’est mise sur le joueur, il n’y a pas de chronomètre, pas de classements, et chaque mauvais placement est agrémenté d’une réaction pleine d’humour des personnages, permettant immédiatement de se rendre compte de ses erreurs.
À aucun moment on ne s’énerve ni ne ressent de frustration, et on retourne se creuser la tête avec plaisir. D’aucun diront que c’est là le propre des cosy games, et que forcément l’aspect puzzle et prise de tête doit en pâtir. De notre côté, nous préférons y voir un parfait mélange des deux genres, pour un bien joli résultat.
Proposé à moins de dix euros pour une quinzaine d’heures de jeu, nous ne pouvons que vous proposer de vous laisser tenter par Is This Seat Taken?. Le titre parvient à se renouveler juste assez sur la durée pour ne pas lasser et fourmille de bonnes idées.
Malgré tout, de part son rythme lent, sa direction artistique et ses challenges certes évolutifs, mais jamais très difficiles, le jeu ne sera certainement pas au goût des véritables amateurs de challenges. Pour les autres, n’hésitez pas, il y a de la place pour tout le monde.