Que la rentrée 2025 est chargée ! Entre le mastodonte nommé Hollow Knight: Silksong, le déjanté Borderlands 4 et l’intriguant Cronos: The New Dawn, difficile d’exister et de capter l’attention des joueurs. Pourtant, dans ce contexte à la concurrence plus que féroce, Hell is Us se lance dans la bataille, armé d’une noble intention, celle de porter un univers riche dans lequel il conviendra de trouver son chemin tout seul, sans aucune aide ou accompagnement. De par cette proposition, les développeurs de chez Rogue Factor souhaitent avant tout souligner l’importance de l’exploration et de prendre à contre-pied les dérives des jeux à monde ouvert fourmillant de points d’intérêt. Remettre la découverte au centre de l’expérience, sans autre artifice que la curiosité du joueur.
Il est à préciser qu’Hell is Us a tout du projet AA. À comprendre que, malgré une sérieuse structure de développement, le jeu ne dispose pas d’un budget colossal (contrairement à un Borderlands 4 mentionné plus tôt). En résultent des limitations budgétaires qui imposent des choix tout au long du processus, de sa création à sa distribution. Oui, le jeu vidéo est (surtout) une affaire de gros sous. Un fait à prendre en compte dans notre manière d’appréhender le titre, mais qui ne justifie en rien ses faiblesses et autres maladresses. Maintenant que toutes ces données sont en tête, procédons, voulez-vous ?
(Test d’Hell is Us réalisé sur PlayStation 5 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Sans carte ni boussole
Hell is Us a de l’ambition et le montre d’entrée de jeu. Ce dernier s’inspire des codes cinématographiques pour tisser son récit. L’introduction met en scène un interrogatoire musclé et revient sur des événements passés pour faire avancer son histoire. Concrétement, nous jouons dans les flashbacks (qu servent ici de chapitrage) mentionnés au fil de l’échange jusqu’au dénouement final qui prendra bien place dans le présent, un procédé habile qui a pour mérite d’immerger rapidement le joueur au milieu du sanglant conflit. Car oui, le pays fictif dans lequel nous évoluons, Hadea de son nom, est en guerre. La plupart des régions sont à feu et à sang, l’humanité semble avoir déserté ces terres. Et le sombre tableau peint est d’une profondeur et d’une justesse impressionnantes.
Sans rentrer dans les détails (et il y a de quoi faire un roman tant ces derniers sont légion), le pays est en proie à une guerre civile entre les factions religieuses palomistes et sabiniennes, le fameux conflit palomo-sabinien qui réflète tristement notre réalité. De surcroît, d’étranges créatures nommées entités lymbiques ont fait leur apparition, recluant davantage les habitants sur eux-mêmes. Mais au cœur de cette barbarie, un secret pourrait tout changer. Inutile d’en dire plus, le ton est donné. Le scénario d’Hell is Us fait indéniablement partie de ses points forts, sur le fond comme sur la forme. Selon Jacques-Belletête, directeur artistique de chez Rogue Factor, il serait inspiré par le film Annihilation de 2018 et la saga du Rempart Sud signé Jeff VanderMeer.
Ne vous attendez pas à une voix off expliquant toutes les informations à savoir. Il faudra se montrer curieux et prendre le temps de lire les documents récupérés au fil de vos explorations pour comprendre pleinement les tenants et les aboutissants de cette guerre meurtrière. Là où Hell is Us fait mouche, c’est dans son soin de placer systématiquement le civil au centre des préoccupations. Le titre du jeu est loin d’être anodin, la mort et la barbarie seront majoritairement vos compagnons de route. Se promener en ces territoires désolés nous dicte une chose : il n’y a rien de plus cruel que l’Homme.
Hell is Us est un jeu d’aventure à la troisième personne avec une particularité de taille : pas de carte sous la main. Pas de flèche vous indiquant la direction à prendre, vous êtes seul avec un mystère à percer. Néanmoins, pas d’inquiétude à avoir, même si le jeu ne vous prend pas par la main, il se montre moins avare ou cryptique qu’un Dark Souls (d’ailleurs, évacuons ça dès maintenant : le jeu n’a rien d’un Souls-like). De plus, nous avons affaire à un semi-monde ouvert, à comprendre qu’il s’organise en zones délimitées.
L’enfer est parsemé d’énigmes
Votre aventure sera parsemée d’énigmes prenant la forme de codes (d’ordinateur ou de coffre) à craquer. Si la plupart est assez facile à deviner en consultant simplement les derniers fichiers stockés depuis l’inventaire, ce dernier devient rapidement un joyeux bordel tant il y a d’éléments. Tout se mélange et on perd vite le fil. De plus, certains codes sont abusés de difficulté, il faudra par moment adopter une logique discutable pour dénicher la solution. Et, pour terminer sur cet aspect, il y en a tout bonnement trop. Trop d’énigmes tuent l’énigme, ce constat peut légèrement briser l’immersion, sortant le joueur de l’intrigue bloqué devant un code farfelu. On finit par souffler du nez devant cette montagne de codes, surtout sur la fin où tous les documents sont mélangés.
Se balader, explorer les environs, ouvrir les coffres, c’est bien beau mais qu’en est-il des combats ? Car oui, ces mystérieuses entités mentionnées plus tôt ne nous veulent pas du bien et attaqueront à vue. Faciles d’accès, les affrontements en temps réel sont des plus basiques. Choissisez l’arme qui vous correspond le mieux (épée à une main, masse, faux…) et partez au combat. Chaque arme adopte un style différent (rapide, lourd…) et seules les armes accumulent de l’expérience (augmentant leurs dégâts). Des compétences liées à l’arme et au drone seront utiles pour venir à bout des ennemis les plus redoutables. Vous pourrez par exemple foncer tel un bélier sur votre adversaire grâce au drone pour le déstabiliser.
Malheureusement, le système de combat est bien trop creux pour marquer. Sur le papier, tout est là, mais dans les faits, c’est bien trop surfacique. Déjà, le bestiaire est d’une navrante pauvreté, comptez moins d’une dizaine de type d’ennemis, comment ne pas ressentir une redondance pesante avec toujours les mêmes ennemis à affronter encore et encore ?
Ensuite, un système de « magie » lié à des émotions est proposé (sous la forme de glyphes à incorporer à votre arme) : Rage, Terreur, Extase, Chagrin et Neutre. Chaque émotion dispose d’effets spécifiques mais on s’aperçoit vite que ça ne sert strictement à rien. On peut très bien rouler sur le jeu sans se soucier une seule seconde de ces pouvoirs. Le jeu ne nous pousse pas assez à les utiliser intelligement et la difficulté (même au plus élevé) nous oblige en aucun cas à peaufiner notre arsenal. Un système de combat qui s’apparente davantage à un rendez-vous manqué. Et c’est précisément là qu’Hell is Us manque (de peu) sa cible car sinon il a tout pour plaire !
Notre escapade en terre d’Hadea arrive à son terme. Nous en ressortons un poil frustré, non pas que le jeu soit mauvais (loin de là !), mais de ce qu’il aurait pu être. Éternelle malédiction des jeux AA, Hell is Us est un très bon jeu mais il aurait pu être excellent, voire incontournable, avec quelques faiblesses raccomodées, à commencer par ses combats jugés trop basiques.
Hell is Us brille surtout de par son univers riche et construit, son récit poignant et son immersion exemplaire, une immersion sublimée par sa bande originale (du compositeur Stéphane Primeau), certes discrète dans l’ensemble mais efficace. On espère sincérement qu’il marque le début d’une saga car il reste tant à raconter. L’enfer est malheureusement vaste.