Si, en l’absence criante de Silksong, vous recherchez un Metroidvania joli mais dépressif, mignon mais monochrome, et doté d’une carte aux dimensions relativement étendue, Hauntii est peut-être le jeu qu’il vous faut. Jeu indépendant développé par le jeune studio MoonLoop, dont c’est le premier titre, Hauntii mixe les genres et les enrobe dans un style graphique si ce n’est unique, au moins remarquable. De quoi en faire un jeu convainquant ?
(Test de Hauntii réalisé sur PC via une copie commerciale du jeu)
Une affaire de style
Pour se déguiser en fantôme, rien de plus simple : un vieux drap blanc dans lequel on aura découpé deux trous pour les yeux, et le tour est joué. Un costume simpliste qui a eu son heure de gloire dans les carnavals et autres soirées halloween au milieu des années 80, quand la licence Ghostbusters était au top de sa popularité. Au même moment, rien n’était plus important pour le jeu vidéo que les graphismes. Les tests dans les premiers Joystick (le magazine) étaient basés sur trois notes : graphismes, animations, et sons. Rien concernant le scénario ou le gameplay… Il suffisait presque qu’un jeu soit beau pour qu’il soit bon.
Hauntii assume en quelques sortes une part d’héritage de ces préoccupations 80’s. Sa direction artistique est à la fois minimaliste et extrêmement marquante. On pense à ces illustrations pointillistes que des dessinateurs talentueux rendent avec un simple stylo bic. Les tableaux sont monochromes, et les différentes parties du monde sont identifiées par une tonalité pastelle, qu’on peut généralement qualifier par un nom de couleur en -âtre (verdâtre, jaunâtre…) et qui leur est propre.
Des univers magnifiquement tristes, peuplés de créatures aussi effrayantes que mignonnes, pas toujours amicales, même si on trouvera aussi quelques alliés, mais rarement vraiment dangereuses. Cet univers étrangement beau et dérangeant, dont certains décors labyrinthiques et enchevêtrés ne seraient pas reniés par H.P. Lovecraft, sera la « feature » principale d’Hauntii.
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En accord avec son scénario, le jeu nous propose d’errer dans cet univers inconnu. Nous incarnons (enfin, non, du coup…) un petit fantôme, tout juste passé de vie à trépas, pas tout à fait conscient de ce qui lui arrive, ni de où il se trouve. Nous explorerons donc avec lui cet « afterworld » à la recherche de sens, mais aussi de nos souvenirs.
Le jeu se présente comme un Metroidvania light, en fausse 2D isométrique avec une apparence d’aplat. Il faudra explorer la carte et ouvrir de nouveaux chemins pour accéder à de nouvelles zones et continuer à progresser. Les embuches qui se présentent devant nous sont de deux natures : des ennemis à vaincre, et des puzzles à résoudre.
La partie combat prend la forme d’un twin stick shooter, avec cette originalité que nos munitions permettent à la fois de se débarrasser d’ennemis et d’hanter certains objets et créatures, et donc d’en prendre le contrôle. On pourra ainsi contrôler un monstre plus puissant pour venir à bout d’autres ennemis, hanter une créature aux sauts dévastateurs pour écraser les hostiles…
Une mécanique qui fonctionne aussi pour les puzzles qu’il s’agit de résoudre. Si certains sont particulièrement évidents (réunir un certain nombre de fragments disséminés sur la carte…), d’autre sont presque dissimulés. Nous avons ainsi arpenté un niveau dont les décors comprenaient des sortes de gros bouchons de lièges à demi enfoncés dans le sol.
C’est dans ce même niveau que nous avons rencontré ces créatures évoquées un peu au-dessus, dont la caractéristique est de sauter pour écraser ce sur quoi elles atterrissent. Le lien entre les deux sera ici vite fait : hanter l’un des « sauteurs » pour essayer d’enfoncer les bouchons dans le sol… Et c’était en effet le puzzle à résoudre dans ce niveau. Rien ne l’indiquait a priori, il a fallu imaginer cette mécanique et la tester, ce qui représente bien l’esprit du jeu.
Dark Tourism
Hauntii est surtout un jeu d’exploration, et est designé comme tel avec beaucoup de talent. On s’y perd, souvent, mais ces moments d’errance sont autant d’occasions de découvrir d’autres parties du monde, d’autres énigmes à résoudre, d’autres souvenirs à collectionner.
Il invite aussi à essayer, à explorer, et à jouer avec ses propres limites. Les zones sombres, en dehors des routes bien tracées, sont dangereuses, et on ne peut s’y aventurer qu’un temps limité (une mécanique très proche de celle de Dredge, la nuit, en mer, s’y déploie). Cependant le jeu nous donne aussi, sans en avoir l’air, des moyens pour y survivre un peu plus longtemps que prévu, et atteindre des endroits que l’on pensait d’abord hors de portée. Le jeu revêt alors un petit côté bac à sable, permettant au joueur d’élaborer ses propres stratégies pour progresser, et offrant un vrai sentiment de satisfaction quand les stratégies en question fonctionnent.
Cependant, certains aspects peuvent aussi être parfois frustrants. Le jeu n’affiche qu’une carte très générale, et il est ainsi assez compliqué de s’y retrouver quand on souhaite rejoindre un endroit en particulier (et cela sera parfois nécessaire), de même que l’effet 2D rendu dans un jeu pourtant exécuté en 3D rend la lecture de certaines distances et perspectives assez ardues, jouant alors un peu contre nous. Il a pu nous arriver d’abandonner derrière nous quelques collectibles dont nous avions du mal à comprendre la situation bien que ceux-ci étaient clairement présents à l’écran…
Hauntii vient grossir la liste déjà beaucoup trop longue des jeux qui évoquent le deuil, ce qui aurait pu être retenu contre lui. Il s’impose aussi, à l’image de Gris (un autre jeu qui traite du deuil) comme un jeu qui se fera d’abord remarquer pour sa D.A. (même si on se dit qu’on a déjà vu des choses ressemblantes, notamment dans How to Say Goodbye, encore un autre jeu sur le deuil…).
Néanmoins, son approche faussement libre de l’exploration (« faussement libre », parce que ce n’est, en fait, que du très bon level design) et son cocktail étonnant des genres, mais surtout son ambiance particulière, à la fois glauque et mignonne, mélancolique et fun, rendent l’expérience très originale et font du jeu une excellente surprise de cet été. Il faut noter que de plus, le jeu est au catalogue du Game Pass, raison supplémentaire pour ne pas passer à côté.