«C’est pas l’homme qui prend la mer / C’est la mer qui prend l’homme / Moi la mer elle m’a pris / Je m’souviens un mardi… » chantait Renaud dans Dès que le Vent Soufflera. Et justement, FAR: Changing Tides a débarqué (pour un jeu de bateau…) un mardi, le 1er mars. Une coïncidence (mais en est-ce vraiment une ?) trop belle pour ne pas placer cette critique sous le signe de la variet’ !
En pleine tempête Elden Ring, la coquille de noix des studios Okomotive, formés d’un petit équipage de seulement neuf membres, réussira-t-elle à trouver son chemin au milieu des éléments déchaînés de l’industrie ?
(Test de FAR: Changing Tides réalisée sur Xbox Series X via une copie commerciale du jeu)
Ohé, ohé, Capitaine Abandonné…
Si FAR: Changing Tides est bien un jeu de bateau. C’est aux commandes d’un pâle freluquet à pied et sur la terre ferme qu’on débute l’aventure. Ferme, mais pas en très bon état, la Terre, a priori. Le contexte du jeu fait, très rapidement, écho à des inquiétudes actuelles quant à la santé de la planète.
Notre petit personnage se retrouve ainsi dans un environnement aux accents post-apo prononcés, et puisque plus rien ne semble le retenir là où l’aventure débute, il va prendre la mer. « Vers quel océan secret / Ouh, ouh, ouh… / Le vent les a emportés ? / Ils ont retrouvé la lumière / Ouuuuuh… La liberté ! » chantait Gold dans Capitaine Abandonné.
Comme dans la chanson, le vent va nous emporter dans un océan là aussi secret vers un objectif très incertain. Tout ce qu’il nous reste, nous aussi Capitaine Abandonné et solitaire, c’est la liberté. En tout cas celle d’aller sur la droite. Le jeu est en effet réalisé en 2,5D – avec des modèles en 3D, mais qui ne se contrôlent qu’en 2D, ce qui peut parfois interroger en termes de cohérence. Comme le corbeau de Death’s Door qui ne pouvait pas voler (??!), le rafiot de FAR n’est pas en mesure de contourner un piquet qui lui « barre » la route. C’est un menu détail dans l’aventure, mais sur le coup, un peu horripilant.
Et puisqu’on en est aux défauts, il faut aussi signaler que « chill » et « chiant » partagent les mêmes premières lettres, et qu’il est aisé de passer de l’un à l’autre sans trop s’en rendre compte. Le jeu nous fera ainsi parfois traverser des distances un peu trop longues sans nous proposer grand-chose à faire ni à voir. Encore une fois, pas de quoi véritablement gâcher l’expérience, mais ce sont des petites fautes de rythme qui pèsent un peu sur le jeu.
Oh mon bateau…
La chanson d’Eric Morena raconte à merveille les débuts de FAR: Changing Tides : « Loin du monde et des problèmes / Je fuis (il fuit) / Comme la gazelle aimable / Aux grands cils de velours / Je bondis de vague en vague / Les mouettes me crient leur bonjour ». On part ainsi à l’aventure pour essayer de s’arracher au déluge qui aura tiré la chasse sur une bonne partie de la civilisation industrielle, dont des souvenirs hantent encore les décors du jeu.
La suite de la chanson est une ode au navire de l’interprète : « Oh mon bateau / Tu es le plus beau des bateaux… ». Ce qui n’est pas exactement vrai pour le véhicule sur lequel on embarque au début de l’aventure. Cependant, et c’est une part importante du jeu, notre bateau évoluera au fur et à mesure du voyage, et gagnera à chaque fois de nouvelles fonctionnalités : un treuil, pour remonter des coffres échoués dans les profondeurs ou écarter de notre route des débris encombrants, un turbo, une fonction submersible, pour faire du bateau un sous-marin, et d’autres choses encore…
« Maman, les petits bateaux qui vont sur l’eau, ont-ils des jambes ? » demande la comptine. Et plutôt que le lapidaire « Mais non mon gros béta », dans FAR: Changing Tides, on est tenté de répondre « Pas encore, mais peut-être au niveau suivant… ».
Mobilis in mobile
À chaque évolution du vaisseau, le gameplay se verra lui aussi légèrement modifié. D’abord tranquille plaisancier, on se contente de garder la grand-voile dans la direction du vent. Le pouce sur le stick gauche, animé de mouvements courts et réguliers pour garder le cap, mime ainsi assez bien la position du barreur par mer d’huile, assis tranquillement à l’arrière du navire, pas exactement sans rien faire, mais chargé d’une tâche somme toute reposante. On veillera toutefois à garder un œil sur l’horizon pour pouvoir baisser le mât en cas de passage sous un pont.
Puis obtenant de nouvelles fonctions pour notre bateau, on se trouvera rapidement très occupé à courir après les urgences : le carburant à fournir au four, le moteur en surchauffe à refroidir, la vitesse de croisière à adapter, ou la profondeur à régler quand on contrôle le sous-marin… « Mobilis in mobile », comme le chantait l’Affaire Louis Trio, reprenant la devise du Capitaine Nemo qui signifie « en mouvement dans le mouvement ».
Le bateau filant obstinément vers la droite, notre personnage court, lui, dans les phases de jeu les plus agitées, dans tous les sens et à tous les étages du navire, affiché en vue de coupe pour nous permettre d’accéder à tous ses appareillages. Mais on ne court pas seulement à bord de l’embarcation.
Quelques obstacles industriels, scories du temps révolu où l’homme pensait pouvoir soumettre la nature, viendront stopper notre progression et seront l’occasion de quelques énigmes, jamais bien difficiles, qu’on se devra de résoudre à pied dans des phases plutôt platformer. Des passages qui donnent un peu de variété à l’expérience, et qui permettent à chaque fois de repartir de plus belle, satisfait et remotivé !
The Tide is High…
Notre personnage essuiera quelques tempêtes dans le jeu. Mais le titre, lui, c’est la tempête Elden Ring à laquelle il doit faire face, prenant toute la place dans l’actualité des jeux vidéo. On aurait d’ailleurs aimé pouvoir placer la chanson popularisée par Blondie (que les moins boomers d’entre nous ont peut-être connue interprétée par Atomic Kitten), et qui dit : « The Tide is high / But I’m holding on / I’m gonna be your number one / ‘Cause I’m not the kinda girl who gives up just like that… ».
D’autant que le lien entre les titres de FAR: Changing Tides et de la chanson de Blondie était vite fait… Mais le texte du morceau (« je tiens le coup », « je ne suis pas du genre à abandonner si facilement »…) collerait bien plus à Elden Ring, dont FAR serait une sorte d’antithèse. Dans un monde dévasté et raconté par petites touches de narration environnementale (des points communs aux deux jeux), dans FAR, on file tout droit en se laissant porter par les flots. Rien n’est difficile, et l’expérience est reposante. Idéal entre deux sessions du jeu de FromSoftware pour éviter de balancer sa manette contre le mur…
Pour essayer d’exister un peu face à Elden Ring, FAR: Changing Tides peut compter sur le vaisseau amiral Game Pass, qui l’a accueilli dès sa sortie. Le jeu est en effet une expérience idéale pour le service par abonnement de Microsoft. Comme The Gunk ou Gorogoa avant lui, c’est un jeu qu’on hésiterait peut-être à aller acheter, mais qu’on prend plaisir à lancer dans le cadre du Game Pass.
Le titre réussit ainsi à nous faire nous attacher à cette embarcation de fortune, dont on prendra soin au cours des quelques heures que dure la balade. Comme dans tous les voyages au long cours, quelques passages un peu longuets apparaissent ici et là, mais les puzzles qui tiennent lieu d’étapes rythment la croisière. Une traversée des mers qui ne sera pas inoubliable, mais sur laquelle on se laissera gentiment bercer, comme ces chansons de variété qu’on n’aime pas vraiment, mais qu’on a dans la tête et chantonne pourtant !