La dernière fois qu’on a vu le studio Flying Wild Hog à l’affiche, c’était pour la sortie du minutieux Trek to Yomi, osant emmener les joueurs au pays du Soleil-Levant, sans couleurs. Mais après avoir exploré par deux fois les terres nippones cette année, notamment avec le troisième opus de Shadow Warrior, le studio polonais décide de changer de destination en optant pour le Far-West. Et c’est avec un pari osé que les équipes se lancent sur les devants de la scène en ce mois de novembre, pour la sortie d’Evil West. Autant vous avertir d’emblée, car on s’y attendait : c’est une véritable boucherie.
(Test d’Evil West sur PS5 réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Y a un vampire de trop dans ce Far-West
Mélanger deux univers n’est pas toujours chose aisée. Pourtant, c’est la direction qu’a voulu emprunter le studio en cette fin d’année, en faisant le choix de mélanger l’univers des cowboys à celui des vampires. Et c’est avec surprise que l’on peut affirmer que le pari lancé par les équipes de Flying Wild Hog a été amplement remporté. En effet, l’histoire nous plonge dans la peau du chasseur de monstres Jesse Rentier, qui n’a pour seul objectif que de restaurer la gloire de l’Institut Rentier, une entreprise créée par son père pour venir à bout des vampires, seuls et uniques auteurs de la destruction de ce fameux institut. Et il ne nous a fallu que dix bonnes minutes de jeu pour nous rendre compte de l’univers sombre et sanglant dans lequel les développeurs ont voulu nous plonger. Pourtant, « sombre » et « sanglant » ne sont pas les adjectifs les plus utilisés habituellement pour parler de l’univers des cow-boys, mais la recette est là, et elle marche.
Le plus étonnant dans ce choix à risques, c’est que ce mélange ne nous a même pas choqués. D’ailleurs, même le titre Evil West tient à mélanger les deux univers. On nous prévient d’avance, l’ouest est « mauvais », et le jeu prend incessamment plaisir à nous le rappeler : on est chez les vampires. Car oui, même si le jeu tente de laisser la place aux cowboys autant qu’il ne la laisse aux vampires, le Far-West ne se retrouve finalement que dans les décors, où canyons et villages fantômes essaient de faire vivre tant bien que mal un esprit de duelliste. Et ce n’est pas les quelques tirs échangés entre cowboys dans les débuts du jeu qui nous feront changer d’avis. Ils sont trop peu présents pour prendre le dessus. Alors, malgré un mélange globalement réussi, ce sont les vampires qui ont envahi l’Amérique.
Un monde sanglant, mais beau
Dans Evil West, nous sommes plongés dans l’Amérique du 19e siècle, à l’époque où les cow-boys et les indiens se faisaient la guerre. Mais dans cette Amérique-là, ce ne sont plus les indiens dont il est question. Car dans cette aventure, l’univers tout entier est transformé par les vampires, antagonistes principaux de ce périple. Du canyon à la jungle en passant par la toundra, rien n’a échappé au sang et au feu, le tout dans un monde sans cesse plongé dans la solitude ou dans la nuit. Et malgré cet univers abandonné aux mains du chaos, on s’avoue vaincus face à la beauté incontestable des paysages. Le jeu est beau, et les décors sont assez variés dans l’ensemble.
Cependant, nous noterons quand même une exploration assez limitée, réduite à un chemin défini persistant à poursuivre la quête principale. Et malgré une tentative de mettre de la poudre aux yeux aux joueurs en leur laissant la possibilité de trouver de l’argent ou des objets en passant par des petits chemins annexes, nous sommes au regret d’affirmer que l’exploration n’est pas le point fort de ce jeu. Peut-être aurait-on aimé voir quelques quêtes secondaires venant combler l’amertume laissée par la campagne principale, qui s’avère être assez courte.
Un défouloir absolu
Là où le jeu parvient à se démarquer, c’est dans son gameplay plus que rafraîchissant. Bien qu’empruntant certains de ses aspects à la licence God of War, Jesse Rentier reste tout de même loin du dieu de la guerre. Tout d’abord, le jeu propose un arsenal varié. Du poing électrique au marteau en passant par le lance-flammes et le six-coups, notre cowboy est verni. D’autant que ces armes permettent de déboucher sur des compétences les concernant, afin de toujours gagner en puissance.
On retrouve alors une réelle satisfaction en combat, avec une foultitude de possibilités pour venir à bout des suceurs de sang. C’est un défouloir total, et malgré quelques soucis de framerate, le gameplay propose tout de même une fluidité plus que bienvenue. Mais après avoir fait le tour des différentes compétences et aptitudes, difficile de s’y retrouver. Attention alors à ne pas se perdre dans les touches lorsqu’une horde de vampires se rapproche de vous, car le jeu ne vous fera pas de cadeau ; la vie se récupère facilement, mais après une bonne séance de poireautage en attendant que la jauge de soins monte.
En parlant des vampires, d’ailleurs, on retrouve en jeu une quantité appréciable de créatures différentes. Nous sommes malgré tout déçus de devoir dire que ces créatures reviennent souvent, peut-être trop souvent. Dans les premières quêtes, on croirait voir des boss, qui ne sont en fait que des créatures plus puissantes que les vampires classiques, créatures que l’on verra revenir plusieurs fois, désacralisant leur puissance par la même occasion. Ce n’est en effet qu’au bout de sept bonnes heures de jeu que l’on verra apparaître le premier vrai boss de l’histoire. Et les boss d’Evil West vous demanderont une réelle concentration. Car dans ces affrontements où le tacticien sera supérieur au bourrin, le moindre faux mouvement peut vous coûter la vie.
Quelquefois dans l’aventure (peut-être pas assez), le jeu propose aussi de prendre part à des casse-têtes, ou bien à quelques interactions avec le décor. Mais ces interactions sont trop peu présentes et restent assez superficielles. Déplacer des caisses pour pouvoir passer, actionner des leviers afin d’ouvrir des portes, réduire en cendres des arbres morts pour se frayer un chemin, ou tirer sur des objets pour poursuivre notre route. Et même, quelques animations présentes s’avèrent être assez inutiles, comme celle nous permettant de sauter d’un point à un autre. Là où Jesse prend son élan, une séquence ridiculement chronophage, que l’on aurait voulu pouvoir éviter à l’aide d’une simple touche…
Histoire de ne pas comprendre
C’est avec déception qu’on vous l’annonce. Malgré un gameplay totalement réussi, provoquant une satisfaction sans pareille, le scénario est plat, accompagné d’un contexte maladroitement instauré. En effet, notre cowboy se met au service de quêtes répétitives, où combats et recherches d’objets deviennent les seuls intérêts de l’histoire. Dans Evil West, on a du mal à savoir qui est qui, et le scénario devient sec, à tel point qu’il ne se réduit finalement qu’à de pauvres allers-retours pour aller de la zone où les vampires se trouvent avant de revenir à Calico, la nouvelle base des chasseurs de monstres après la destruction de l’Institut Rentier par les vampires.
Les personnages présents dans le jeu, dont on a même oublié les noms tellement aucun de ces derniers ne nous a marqués, sont trop peu mis en avant. Même le héros Jesse s’oublie facilement, et sa place dans l’histoire vient même égaler celle de certains autres personnages, dont le charisme est parfois plus présent que chez le protagoniste principal. Décevant de voir un héros s’avérant être un personnage « comme les autres ».
Les paramètres proposent des fiches personnages afin de savoir quel rôle joue chacun dans l’histoire, mais on aurait aimé ne pas devoir aller se renseigner dans les options pour savoir qui était qui. Même l’antagoniste principal joue un rôle effacé. Son nombre d’apparitions dans l’aventure se compte sur les doigts de la main. Au final, on arrive à peine à savoir de qui il s’agit (pour changer…) et sa figure de « boss final » n’est pas du tout crédible au vu du rôle quasi-inexistant que le personnage joue au cours de l’histoire.
Evil West a su réinventer le western en mettant en lumière un mariage osé, et pourtant réussi, en mélangeant l’univers des cowboys à celui des vampires. On prend plaisir à se fondre dans la peau du héros Jesse Rentier, en explorant les paysages réussis et variés de l’Amérique. Prendre part aux combats est un vrai régal, le jeu est un réel défouloir duquel on ressort incontestablement satisfait. Malheureusement, la fluidité du gameplay qui fait plaisir à voir viendra écraser le scénario, qui se retrouvera alors sans contexte, bourré de maladresse et d’incompréhension.
Hormis quelques défauts notables, Evil West reste tout de même un très bon jeu. Ce serait mentir d’affirmer que les aventures de Jesse plairont à tout le monde, mais l’on peut tout de même dire que si vous aimez l’action, les RPG et le système de combat à la sauce God of War, vous serez servis ! Reste à savoir si le studio polonais compte prolonger le périple du cowboy en dégainant un second opus (ou un DLC). Qui sait ?