Le concept P.T. (démo de feu Silent Hills) a été repris maintes et maintes fois depuis sa sortie par bon nombre de petits jeux d’horreur indépendants, dont certains ont d’ailleurs su s’émanciper pour devenir de vrais bons jeux. On pense alors à Visage ou encore Infliction, qui exploitent le concept de la maison hantée classique, tout en y apportant leurs propres particularités. Alors, qu’en est-il du jeu qui nous intéresse ici, Evil Inside ?
Développé par Jandusoft, dont le meilleur fait d’armes est l’édition du sympathique Sword of the Necromancer, Evil Inside reprend le plus strictement possible le principe de P.T sans jamais s’en écarter. Est-ce alors suffisant pour en faire un bon jeu et surtout une alternative plaisante dans le genre de l’horreur ? Eh bien, la réponse est non.
(Test de Evil Inside réalisé sur PC à partir d’une version commerciale du jeu)
Evil Inside nous demande d’incarner un certain Mark qui, après le décès de sa mère, décide d’essayer de rentrer en contact dans l’au-delà avec cette dernière. Pour ce faire, il fait appel à un ami à lui et utilise une planche Ouija, mais tout ne va pas se passer comme prévu et notre héros du jour se retrouve malgré lui pris dans une boucle spatiale l’empêchant de quitter sa maison.
Il va devoir faire la lumière sur cet événement paranormal, tout en découvrant la vérité sur la mort de sa mère, alors que son environnement n’est pas aussi paisible qu’il le pense.
Le néant narratif
Evil Inside ne s’embête pas. Non, il ne s’embête pas avec de quelconques véhémences d’écriture et base entièrement son récit sur la recherche d’indices lors des boucles que l’on traverse avec Mark. Il y a bien parfois de courtes, très courtes cut-scenes nous montrant ou nous racontant quelque chose, mais rien qui rehausse l’intérêt que l’on a pour cette histoire prévisible, mal racontée et terriblement ennuyeuse. Et la narration visuelle si intelligente de P.T ? Laissez tomber…
Seule l’ambiance est plutôt réussie, avec quelques jeux de lumière intéressants et deux, trois effets à l’écran qui font mouche, mais là encore, rien de transcendant et d’inédit. On traverse les boucles sans réellement avoir peur et il fallait bien nous balancer à la tronche des tonnes de jumpscares pour changer cet état de fait. Et il sera dur d’en trouver des plus putassiers que ces derniers, surtout que certains n’ont strictement aucun sens et sont là encore trop prévisibles.
Alors, que reste-t-il ? Deux ou trois séquences de frousse réussies et une bande sonore correcte, il est vrai. Peut-être aussi une tentative de pousser le concept P.T au bout du bout, mais est-ce que cela méritait un jeu complet ? Si c’est le cas, pas celui-ci.
Gameplay, es-tu là ?
Parce qu’en plus, ce n’est pas le gameplay qui va arranger les choses. Il ne propose rien de bien excitant, se contentant du strict minimum, c’est-à-dire ne pouvoir que bouger ou interagir avec ce qui peut l’être au moment opportun et uniquement à ce moment-là. N’essayez alors pas d’ouvrir un tiroir quand vous le désirez, cela vous sera impossible. Il n’y a rien à observer, rien à faire autre que ce qui est prévu par le script.
Cela peut se comprendre, vu le principe de jeu, mais même ce qui nous est demandé n’est en rien palpitant. Les casse-têtes sont du niveau de la maternelle et ce sont pourtant les seules entraves à notre progression, si on met de côté les quelques poltergeist qu’il nous faut subir. Il n’y a pas d’inventaire, pas de journal, on trouve bien une lampe-torche et un appareil photo, mais leur utilisation est lambda, surtout pour le second.
Evil Inside souffre d’un grand manque d’idées et là où une simple démo parvenait à nous mettre mal à l’aise, nous effrayer de par une ambiance et des idées de mise en scène ou de gameplay, lui n’arrive à rien et finit par créer en nous un réel sentiment de rejet.
En reprenant le principe de P.T et certains autres détails, comme le couloir principal qui lui est similaire ou encore certaines idées visuelles, il ne fait que de nous rappeler à quel point la démonstration de Kojima était un objet vidéoludique génial et inachevé.
La question du plagiat
En parlant de P.T et pour conclure, doit-on crier au plagiat ici, sachant que le projet a toujours été annoncé comme un hommage avant tout ?
Car très franchement, beaucoup de choses sont reprises de cette démo, à commencer par le scénario assez similaire ou encore ce long couloir que l’on traverse et certaines idées de gameplay. Là où d’autres s’inspirent en y apportant leur touche personnelle et en allant surtout beaucoup plus loin que la simple boucle qui se répète, Evil Inside, lui, peine à se trouver une identité.
Comprenez par là énormément de choses. On parle ici de certains assets sonores et visuels, comme les passages dans lesquels le couloir est baigné d’une lumière rouge, un autre nous présentant des yeux sortant des murs ou encore une certaine séquence dans la salle de bain, jusqu’au fantôme lui-même. Au niveau des sons, qui a dit pleurs de bébés et autres lustres qui se balancent devant la porte d’entrée en faisant un boucan en tout point similaire à son modèle ? Et encore, la liste est bien plus longue…
Alors plagiat ou non, on vous laisse seul juge, surtout que P.T n’est au final qu’une démonstration et n’est donc pas un jeu à part entière. Cependant, Evil Inside aurait pu au moins avoir le bon goût de copier correctement, parce que l’impression de se retrouver devant une version cheap de l’œuvre du père de Metal Gear est omniprésente tout du long, aussi bien techniquement que dans tout le reste d’ailleurs.
Evil Inside est, disons-le sans mâcher nos mots, une nullité absolue. Vendu au prix d’environ 13 euros, il dure moins d’une heure et ne propose rien d’original ou de palpitant. Que ce soit de par son récit, son gameplay ou ses mécaniques de peur, il n’a rien à offrir ou à dire et ne marquera pas l’histoire du jeu vidéo, si ce n’est en étant l’une des premières vraies grosses escroqueries de 2021.
Si vous êtes friand du genre, foncez plutôt sur des titres comme Visage, Infliction, le dernier Amnesia ou penchez-vous sur le travail de Bloober Team à qui l’on doit la duologie Layers of Fear, The Medium et le chef-d’œuvre Observer. On ne saurait que trop vous conseiller de passer votre chemin ici et de ne jamais, au grand jamais payer pour jouer à cette chose difforme et sans intérêt vendue à un prix exorbitant.