Si vous n’avez jamais vu la trilogie Evil Dead de Sam Raimi, et si vous appréciez le gore kitch qui n’a pas besoin de faire peur pour être savoureux, sachez qu’il n’est pas trop tard tant ces trois films sont intemporels. Ces œuvres, devenues cultes, ont une aura indéniable qui aura amené à la création d’une série télévisée en 2015, et à Evil Dead: The Game, sorti le mois dernier.
Profitant d’un regain d’intérêt pour les jeux d’horreur à gameplay asymétrique, confirmé par le récent Back 4 Blood ou l’indémodable Dead by Daylight, certains studios ont eu la bonne idée de transposer des licences cinématographiques célèbres en jeux vidéo (Aliens Vs. Predator, Friday the 13th: The Game). Avant Massacre à la tronçonneuse et Ghostbusters: Spirits Unleashed, c’est donc Evil Dead qui lance les hostilités cette année. Et le résultat fait peur, mais pas de la bonne façon.
(Test d’Evil Dead: The Game sur Playstation 5 réalisée via une copie commerciale du jeu)
Un jeu sans proposition, ni transition
Sur le papier, l’aspect asymétrique du jeu correspond parfaitement au contexte des films, opposant un groupe d’étudiants aux forces du mal. Dans les parties en ligne, qui constituent le cœur du jeu et se déroulent sur trente minutes, un joueur va contrôler le Démon Kandarian et tenter d’empêcher une équipe (constituée de quatre survivants) de récupérer des artefacts légendaires qui pourraient le détruire.
Malheureusement, ces parties s’avèrent rapidement déséquilibrées et répétitives : autant le début de celles-ci sera à l’avantage du démon, autant s’il n’arrive pas à trouver les survivants rapidement, il aura énormément de difficultés à gagner par la suite. Du côté des survivants, les objectifs seront toujours les mêmes, à savoir récupérer deux artefacts, puis détruire le Nécronomicon (le livre des morts) pour faire disparaître le démon.
Au niveau des mécaniques, on retrouve dans Evil Dead des rôles désormais habituels (bourrin/support/healer), et un arbre de compétences qui nécessitera de jouer bien trop de parties pour pouvoir faire évoluer son personnage. À notre grand dam, le jeu est gâché par des lourdeurs de gameplay, un manque d’originalité flagrant, et une redondance vomitive.
Différentes mécaniques rendent l’expérience plus que frustrante. La conduite, bien qu’essentielle en ligne au vu de la taille de la carte, est complètement dénuée de sensations, et d’autant plus aberrante que les véhicules se détruisent au moindre choc et qu’il est impossible d’accomplir ses objectifs à pied.
L’absence de variété dans les objectifs, ou de diversité dans les façons de gagner la partie pour les survivants, accentue la répétitivité des parties. Dur d’y trouver un quelconque intérêt, en dehors de l’esthétique réussie des paysages et de l’ambiance bien sentie. Par ailleurs, le jeu manque de transitions essentielles, que ce soit les animations pour entrer/sortir des véhicules, ou plus simplement de cinématiques pour les moments clefs plutôt que ces illustrations figées qui nous sont offertes à la place. Ces défauts grotesques, jusque dans les détails, cassent le rythme des parties et empêche le plaisir que l’on pourrait trouver à surmonter les épreuves qui nous sont proposées.
Un grand titre implique de grandes responsabilités
Mais quel gâchis ! Alors oui, il y a du fan service appréciable : une carte rappelant les différents lieux du film, des personnages et des costumes déverrouillables issus des différents opus et de la série, une vue à la première personne du démon Kandarian fidèle à celle de Sam Raimi, des voitures hommages, etc. Malheureusement, c’est là le seul plaisir que vous pourrez tirer du jeu : le réconfort de quelques madeleines horrifiques.
Passées les agréables premières impressions visuelles et sonores, un sentiment révoltant s’impose : celui de voir la facilité avec laquelle on peut gâcher une licence de renom. Bien trop d’éléments de jeux énervent, que ce soit la répétition des punchlines humoristiques ; le côté aléatoire des arbres démoniaques et des dégâts qu’ils provoquent dès lors que vous errez dans la forêt ; ou la frustration par design de la jauge de peur qui grimpe bien trop vite, et rend le jeu agaçant passé les deux premières minutes.
Le mode solo est presque inexistant, en dehors du didacticiel soporifique et anti-pédagogique au possible (mais quel intérêt de conduire une voiture sur 200 m de route avant de redescendre, alors que les maps sont énormes en multijoueur et surtout constituées de forêts). Il se limite à cinq missions, reprenant des moments clefs des différents films ou de la série, à la difficulté inégale, et dont certaines nécessiteront un réel entêtement.
Aux antipodes des films qui se montraient surprenants et dotés d’un humour absurde assumé, Evil Dead: The Game rate tout ce qu’il entreprend, détruit le groove à coups de pelle, et nous laisse coi devant cette bouillie sanguinolente d’une œuvre chère à nos cœurs.
Vous ne connaissez pas encore Evil Dead ? Rangez-moi manettes, claviers et souris, préparez vos âmes, et jetez-vous sur les films qui sont de pures merveilles du 7e art. Vous avez déjà vu les aventures d’Ash Williams ? Que vous les ayez appréciées ou non, évitez donc Evil Dead: The Game, qui ne fait que ternir la licence et démontrer, si cela était nécessaire, que le fan service n’est en rien suffisant pour transposer une œuvre d’un média à un autre.