En 2012, année de sortie de Dragon’s Dogma, Skyrim était déjà bien installé dans le coeur des joueurs comme étant l’aventure épique par excellence, avec son monde ouvert et ses combats d’anthologie contre des dragons ainsi que son univers vaste. Il en allait de même pour Dark Souls qui démontrait que les japonais avaient parfaitement su conjuguer leur savoir-faire en termes de gameplay et les connaissances du médiéval fantastique à l’occidentale qu’ils avaient absorbées. Enfin, Dragon Age 2, sorti en 2011, mettait à contribution la qualité d’écriture de Bioware pour donner corps à son univers. Entre ces mastodontes, il était difficile de se faire une place au panthéon du RPG. C’est dans ce contexte que Capcom sort Dragon’s Dogma sur PS3 et Xbox 360 (la version PC, sort en 2016). Cinq ans plus tard, Dragon’s Dogma: Dark Arisen connait un remaster sur PlayStation 4 et Xbox One. Le continent de Gransys nous appelle de nouveau. Avons-nous des raisons d’y retourner ?
Dragon’s Dogma: Dark Arisen – Dovahkiin !
Sans cœur et sans reproches
Quand un dragon attaque le paisible village de Cassardis, un seul héros a osé se dresser contre lui. Et ce héros, c’est vous. Mais hélas, vous n’êtes qu’un humble pêcheur, et si vous ne manquez pas de courage (et d’hameçons), vous manquez néanmoins cruellement de skill. Le dragon ne tarde pas à vous mettre la pâtée, et à arracher votre coeur encore palpitant de votre poitrine avant de l’avaler. Par chance, vous vivez plutôt bien ce traumatisme, qui lie votre sort à celui de la créature. Après cette attaque vous passez du statut de Jo le clodo à celui d’Insurgé (Arisen en VA), un élu de la destinée dont le but est de vaincre le dragon, annonciateur de la fin du monde. Par ailleurs, rosser le dragon vous permettra de récupérer votre coeur, un organe utile vous n’en douterez pas. Vous ne serez pas seul dans votre quête. En tant qu’Insurgé, vous pourrez compter sur la Légion des pions, des créatures humanoïdes dénuées de volonté qui vous sont dédiées corps et âme.
Dragon’s Dogma: Dark Arisen comprend également le DLC intitulé Dark Arisen. Dans cette aventure, vous devrez mettre les voiles vers l’Île de l’Amertume, un lieu peuplé de créatures maléfiques dans lequel vous devrez affronter un monstre géant nommé Daimon. Si le scénario de Dragon’s Dogma: Dark Arisen vous paraît classique, c’est normal. C’est parce qu’il l’est. On ne peut pas faire plus traditionnel comme histoire. Et il est difficile d’être surpris par l’intrigue du jeu… Jusqu’à un certain point. Le final de Dragon’s Dogma: Dark Arisen confine au génie, et en plus de magnifier le propos du jeu, il s’offre le luxe de proposer des questionnements aux joueurs qui brisent le quatrième mur. Ne serait-ce que pour ce final absolument psychédélique dont on ne dira rien, le jeu en vaut la chandelle.
Shadow of the Skyrim Souls Hunter
Dragon’s Dogma: Dark Arisen est un action-RPG que rien ne semble démarquer de ses concurrents. Nous y dirigeons un personnage muet et anonyme dont nous décidons de l’apparence et de la classe, et nous sommes lâchés dans un monde ouvert afin de tuer des monstres, et accomplir diverses quêtes. Bref, rien de nouveau sous le soleil, en apparence. Le titre puise son inspiration dans de nombreux jeux. Si on retrouve des traces de Monster Hunter dans son ADN, le titre semble également lorgner du côté de Skyrim et Dark Souls pour son univers. On y retrouve, de plus, des références appuyées au manga Berserk de Kentaro Miura (d’ailleurs, les équipements de Guts et Griffith sont inclus dans le jeu). Enfin, le titre s’inspire de Shadow of the Colossus pour ses combats de boss. Toutes ces références, le titre les a ingérées et amalgamées afin de créer son propre style. Rarement l’épithète action-RPG n’aura été autant méritée dans un jeu du genre. Les combats sont vifs, nerveux et pêchus.
Les affrontements contre les boss et les mini-boss constituent un point fort du titre. Lorsque vous combattez un très gros monstre, vous aurez la possibilité de l’escalader afin de frapper son point faible et maximiser les dégâts. Bien entendu la bébête ne se laissera pas faire, et c’est en gardant un oeil sur votre barre d’endurance que vous vous accrocherez au gras de votre cible. Ces combats de boss sont une pure merveille, et vous serez tout le temps sous tension. Par ailleurs, ces échauffourées sont soutenues par une musique qui, comme dans Shadow of the Colossus, se module en fonction des événements du combat. Le thème devient plus héroïque lorsque la barre de HP de la créature tombe sous un certain pourcentage, ou lorsque vous touchez un de ses points faibles, et la musique se fait plus menaçante lorsque votre adversaire a l’avantage. Il en résulte une mise en scène des combats parfaite, jusqu’aux choeurs célébrant votre glorieuse victoire. C’est souvent avec la chair de poule qu’on ressort de ces affrontements. Ces combats de boss figurent probablement parmi les plus réussis du genre, et même un ténor comme The Witcher 3 (qu’on adore d’amour) n’est pas parvenu à rendre une chasse au griffon aussi palpitante que Dragon’s Dogma: Dark Arisen.
Aux armes, Insurgé !
C’est pad en main que Dragon’s Dogma: Dark Arisen dévoile sa toute-puissance. Ce jeu, c’est du beurre, du bonheur. Et c’est encore plus vrai lorsque sonne l’heure de la bagarre. Les combats, composante principale du titre, sont une réussite totale. Chaque classe propose un gameplay différent. En tant que guerrier, vous devrez gérer vos attaques à l’épée et vos compétences au bouclier afin de maximiser vos chances de sortir vivant des joutes. En tant que champion, vous ferez un carnage dans les rangs ennemis avec votre épée ou votre marteau démesuré, mais n’aurez aucun moyen de défense, le rôdeur vous permet de vous battre comme Legolas dans le Seigneur des Anneaux, avec vivacité et style. Le magicien vous donne accès à des sorts dévastateurs mais nécessitant du temps pour être lancés. Il y a autant de mécaniques différentes que de classes.
Votre personnage répond parfaitement à vos injonctions, et il se dégage une impression de souplesse lorsque vous dirigez votre Insurgé. Sauter de toits en toits, courir librement dans les champs tel un petit fifrelin batifolant, ou grimper des corniches se fait avec naturel. Lors des combats, le feeling reste parfait. Vous pouvez allouer des compétences aux touches de la manette, et les utiliser à l’envi. Les techniques s’enchaînent et vous aurez l’impression de balancer tout plein de combos surpuissants et variés. Les combats sont très loin d’être répétitifs. Et pourtant ils sont très nombreux. Mais comme ils sont jubilatoires, on ne s’ennuie pas une seconde et jamais la lassitude ne vient nous attraper par le cheveu. Par ailleurs, vous n’êtes pas seul au cours des combats. Les pions vous assistent, vous donnant des conseils, vous soutenant ou combattant de concert avec vous dans des attaques combinées. Vous pouvez par exemple utiliser votre bouclier comme un tremplin permettant à vos compagnons de combat de prendre de la hauteur et attaquer les ennemis volants.
Eternal Return…
Dragon’s Dogma: Dark Arisen fourmille de bonnes idées, les pions en sont un exemple. Il s’agit de personnages vous assistant. Vous créerez votre pion principal de toutes pièces et pourrez rencontrer d’autres pions déambulant sur les chemins de Gransys ou dans la Faille, espace ésotérique qu’ils occupent. Là où Dragon’s Dogma: Dark Arisen fait fort, c’est que ces pions que vous rencontrerez par hasard ont pour la plupart été créés par d’autres joueurs. Vous pourrez ainsi bénéficier de leur expérience (certains ayant déjà accompli des quêtes pourront vous guider), ou de leurs techniques de combat. Une fois que vous aurez fini votre collaboration, il vous sera possible de renvoyer un cadeau au maître du pion afin de le remercier de ses bons et loyaux services. Dragon’s Dogma: Dark Arisen propose un autre regard sur la coopération. Enfin, la musique du jeu est absolument enchanteresse. Envoûtantes lors des phases de nuit (très réussies au demeurant), grandioses le jour, les compositions sauront vous mettre dans l’ambiance et vous emporteront.
Cependant, pour tout bon jeu qu’il est, Dragon’s Dogma: Dark Arisen est très loin d’être parfait. Le titre souffre de défauts parfois très gênants. Et le remaster n’aura pas été l’occasion de les corriger. Il s’avère n’être rien de plus qu’un simple lissage. Les différences avec le jeu original ne sautent pas aux yeux, graphiquement parlant. Le jeu, déjà très beau sur PS3 et Xbox 360, reste très honnête visuellement (bien qu’il ne rivalise pas avec les titres current gen). Cependant les bugs sont assez nombreux. Le clipping est omniprésent, et de nombreux glitches de collision ont été constatés. Ajoutons ensuite que l’IA des PNJ est très déficiente. Les personnages réagissent parfois bizarrement et les erreurs récurrentes de pathfinding peuvent s’avérer très gênantes lorsqu’un PNJ que vous escortez est bloqué contre un mur. Enfin, si les combats sont palpitants, les quêtes sont souvent redondantes, vous obligeant à faire de nombreux allers-retours. Ce défaut ne serait pas si rageant si le titre n’était pas dénué de moyens de locomotion. Par ailleurs le voyage rapide se fait via des cristaux assez onéreux pour ne pas être utilisés à la légère.
Conclusion Dragon’s Dogma: Dark Arisen
Se démarquant peu de la version PlayStation 3 et Xbox 360, nous pourrions légitimement nous demander quel intérêt nous aurions à nous lancer dans ce remaster de Dragon’s Dogma: Dark Arisen. Les fans de la première heure n’auraient à se mettre sous la dent qu’un nombre de fps amélioré et un coup de polish qui n’est pas souvent suffisant pour masquer certains aspects vieillots du jeu. Cependant, il constitue une excellente occasion pour ceux qui sont passés à côté de l’aventure de se plonger dans un titre qui, s’il ne parvient pas à détrôner ses nombreux concurrents, n’a pas à rougir face à eux. Si vous avez soif d’aventures héroïques, de combats épiques, si vous avez envie de dépaysement et de vous sentir tel un chevalier errant redresseur de torts, alors vous ne devez pas passer à côté de ce titre. Levez-vous Insurgés, car le dragon est revenu et vos lames, flèches et sorts sont le dernier espoir de Gransys.