Si SOS Final Escape (Zettai Zetsumei Toshi au Japon) vous dit quelque chose, c’est probablement parce que vous avez un jour eu (ou avez toujours) une PlayStation 2 sous le coude et que vous avez pu vous aussi tenter de survivre à un tremblement de terre dévastateur sur une île du Pacifique. À l’époque, le jeu avait eu bonne presse, et à raison, car il proposait un concept original et était plutôt bien pensé dans ses mécaniques de jeu. Sa suite, Raw Danger, sortie en 2007 sur PlayStation 2, était déjà moins réussie, s’éparpillant bien plus. Le troisième épisode ne nous est jamais parvenu et le dernier en date, Disaster Report 4: Summer Memories (on ne sait pas pourquoi on passe d’un seul coup sur l’appellation américaine de la licence), vient donc juste de sortir.
Cet opus, le quatrième donc, est chargé d’une longue histoire faite d’entraves qui ont empêché sa sortie initiale de se faire. Le titre devait en effet paraître le 10 mars 2011 sur PlayStation 3 soit la veille du tremblement de terre de Tohoku qui a amené un tsunami dévastateur et causé la catastrophe nucléaire de Fukushima. Un désastre écologique et humain qui a forcément conduit à l’annulation du jeu, dont le concept est trop proche des événements tragiques qui se sont déroulés.
En 2014, Granzela décide tout de même de ressusciter le titre qui est sorti il y a tout de même près de deux ans au pays du Soleil-Levant et qui nous arrive seulement maintenant en Occident sur PlayStation 4 et Nintendo Switch. Nous vous livrons donc notre avis sur une œuvre atypique, mais terriblement désastreuse sur bien des points.
(Test de Disaster Report 4: Summer Memories réalisé sur PS4 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Le jeu débute par le traditionnel outil de création de personnages qui ne révolutionne en rien la chose, se montrant même très pauvre en choix. On commence par signifier si l’on veut contrôler un homme ou une femme, on choisit plus ou moins sa tronche, sa couleur de cheveux, ainsi que la coupe qui va avec et notre accoutrement. Bien évidemment, il faut aussi lui donner un nom et surtout des raisons de se retrouver pris dans un terrible tremblement de terre dans une ville fictive japonaise.
Car le titre se veut très psychologue, nous demandant souvent ce que l’on pense ou ce que l’on ferait dans telle ou telle situation. Cela commence par savoir ce qui nous amène en ville jusqu’à notre façon de réagir face à un désastre. Est-ce que l’on se montrerait désintéressé, en tentant d’aider et de sauver le maximum de personnes ? Ou est-ce que l’on ne va penser qu’à soi-même et sauver sa peau avant toute chose ? On peut réellement faire quelques choix forts qui traceront un chemin unique qui aurait pu être tout autre et cela va de paire avec le grand nombre de fins possibles. C’est l’une des bonnes idées de ce Disaster Report 4 et retenez-la bien, parce qu’il n’y en a pas des masses.
Le problème, c’est qu’au milieu de ces quelques décisions importantes, il y a aussi des choses un peu plus, voire totalement dispensables. Très souvent, le jeu nous interroge donc et nous demande notre avis, sauf que les trois quarts du temps, ce n’est que gadget et n’appelle rien de bien concret sur ce qui se passe. Alors certes, on a parfois des possibilités de réponses assez hallucinantes et loufoques, mais lorsque l’on s’interroge dans notre for intérieur, cela n’apporte rien d’autre que de définir la psychologie de notre personnage uniquement pour lui-même, car ce n’est pas pris en compte sur les événements en cours.
On peut alors construire un protagoniste totalement schyzophrène et dont la psyché n’a aucun sens sans que cela n’ait le moindre impact sur quoi que ce soit. C’est très étrange comme système de jeu et si cela fonctionne lorsqu’il nous faut décider entre une personne en détresse ou notre propre intégrité ou lorsqu’il est question de notre moralité sur l’instant, toute l’introspection à côté s’avère finalement inutile et gadget, bien que l’idée soit intéressante.
Cependant, on trouvera un intérêt à jouer le méchant ou encore à agir de façon totalement débile, car vu que ce qui nous est présenté manque de logique, autant y aller à fond dans la stupidité. Et mine de rien, cela prête souvent à sourire et permet de nous changer les idées, mais aussi de nous réveiller, tant le jeu est soporifique et manque de rythme.
Consistency Disaster
Le truc, c’est qu’en voulant en faire trop, on n’en fait pas assez. Disaster Report 4 propose bien de nombreuses possibilités de se définir et d’agir, mais en oublie de se montrer cohérent dans l’univers qu’il dépeint. Comprenez que l’on n’attendait pas non plus un jeu ultra réaliste de type simulation, mais un minimum de bon sens ne fait pas de mal. Or là, il n’y en a guère. Nous n’avons jamais eu à vivre un désastre naturel, mais on doute que les commerces restent ouverts alors que des immeubles s’effondrent sur le trottoir d’en face, et l’on doute aussi que les gens restent assis ou debout immobiles à attendre que le temps passe.
Ils sont plus préoccupés alors par l’envie de savoir comment ils vont faire pour trouver du travail, car ils ont raté un entretien d’embauche à cause du tremblement de terre, que par leur propre survie. On assiste à des scènes surréalistes qui n’appuient en rien la panique qui devrait s’emparer de la population lorsque tout s’écroule autour d’elle.
Ainsi, bien souvent, les dialogues semblent hors du temps avec beaucoup de PNJ qui font office de simples badauds et on se demande encore ce que font les secours dans ce jeu. Ce qui se passe, ce que l’on fait, la façon dont on le fait manque de crédibilité. Par exemple, les gens se disent parfois bloqués par un carambolage, alors qu’il suffit d’enjamber deux voitures pour passer. Et si vous vous posez la question sur les situations qu’il nous faut résoudre, imaginez-vous que l’on doit à un moment régler les litiges entre les habitants de deux quartiers de la ville qui préfèrent se foutre littéralement sur la gueule plutôt que de penser à leur survie et c’est comme ça du début à la fin.
Néanmoins, certaines petites histoires ou quelques séquences sont bien plus réalistes et nous permettent de nous impliquer dans ce qui se passe. Notre rencontre avec une certaine Kanae change aussi la donne et on partagera une partie de notre route avec elle, alors qu’elle cherche son petit ami disparu. Elle est le seul personnage qui apporte un peu de profondeur au récit, et même si parfois la mise en scène part dans le n’importe quoi, la cut-scene chantée au port est priceless, et on comprend sa douleur et son leitmotiv. Notre avatar, qui a du mal à se définir en tant que personne, c’est là le piège de nous laisser tout décider à sa place, même son histoire, va alors s’exprimer au travers d’elle et fort heureusement qu’elle nous rejoint passé quelques petites heures de jeu.
Technical Disaster
On l’a dit, à la base, Disaster Report 4: Summer Memories devait sortir en 2011 sur PlayStation 3 et une chose est sûre : techniquement, on n’y est pas encore. Le jeu est moche, très moche. Si les modèles de personnages sauvent un peu le tout du naufrage, tout comme le moteur physique lors des écroulements de routes ou d’immeubles, le reste est infâme.
Tout est d’un autre âge et en plus cela se permet de ramer comme pas possible assez souvent. L’horizon est moche et gris, le découpage en zones daté, les temps de chargement incessants, les animations ridicules et on est plus proche d’un jeu Wii au niveau du rendu que d’un jeu PlayStation 4. Ne vous attendez pas non plus à des fulgurances sonores, c’est là très pauvre et les bruitages semblent sortis d’une banque de données libres de droit. Restent des doublages réussis et une traduction anglaise (et uniquement) des textes très convenables.
On reconnaît par contre un certain souci du détail dans les différents environnements que l’on visite. C’est fouillis et fouillé et l’impression d’évoluer dans une véritable citée frappée par un terrible tremblement de terre se fait bien ressentir. L’ambiance visuelle est vraiment pas mal, mais encore une fois, ce que fait la population manque trop de cohérence avec la situation pour que l’on s’immerge réellement dans le jeu.
Le passage le plus iconique de cela est lorsque l’on arrive aux abords d’une grande autoroute surélevée en-dessous de laquelle passe un grand nombre de personnes. En fait, elles tournent en rond. Elles partent d’un point A, arrivent à B et repartent à A, et cela sans s’arrêter avant que l’on déclenche un script spécifique qui voit l’autoroute s’écrouler. Que dire de plus.
Probablement que la caméra nous ramènera aux pires heures de la 3D. Trop proche du personnage, le champ de vision est pauvre et peu pratique déjà en extérieur, mais en intérieur on atteint un summum de bêtise. Se mouvoir dans un bâtiment, surtout exigu, demande patience et sang froid, tant on a envie de jeter notre manette par la fenêtre. Quel désastre.
Gameplay Disaster
On finira par le gameplay contre lequel nous avons encore quelques griefs. Oubliez déjà tout aspect survie, c’est sous-exploité. Il suffit d’acheter en début de jeu dans une boutique quelques trucs à bouffer et boire et vous en aurez pour tout le jeu. De toute façon, avoir faim, soif ou envie de faire ses besoins n’implique rien. Ensuite, on est tout de même en présence d’un jeu qui demande d’escalader, de se faufiler entre des débris, bref, on se doit d’avoir une maniabilité assez souple. Détrompez-vous encore une fois, c’est aussi lourd qu’un vieux Resident Evil, et que c’est mou du genou… On peut marcher, courir, se mettre à quatre pattes, et c’est tout. Les actions contextuelles comme grimper ne s’effectuent que lorsque l’on en a besoin et l’exploration est au niveau zéro.
Car là où on attendait des environnements nous permettant de nous promener assez librement, on a eu à la place de toutes petites zones dans lesquelles on ne peut pas non plus fouiner à droite à gauche. Disaster Report 4: Summer Memories est terriblement scripté et ne laisse rien au hasard, de nombreux lieux ne se débloquant qu’une fois quelque chose d’accompli, et il en va de même pour les PNJ nous donnant un coup de main ou nous demandant de l’aide.
C’est terriblement vieillot dans ses mécaniques et en plus, on se perd souvent dans ce que l’on doit faire. Et ce n’est pas dû à des soucis de compréhension de l’anglais, mais bien parce que souvent on ne voit pas où mènent les actions que l’on effectue. On tourne souvent en rond pendant quelques minutes en s’approchant de toutes les personnes présentes dans l’espoir que cela lance une cut-scene qui introduise une nouvelle quête à effectuer.
Aussi, la seule chose assez réussie du gameplay, c’est la gestion de l’inventaire et la possibilité de customiser son personnage avec différents vêtements que l’on trouve un peu partout. On peut réellement s’habiller n’importe comment, ce qui nuit, certes, à l’immersion. Une autre feature mystère nous permet de crier pour voir si des personnes se trouvent bloquées ou coincées dans un endroit précis et auraient besoin d’aide. C’est en tout cas ce que devrait être ce cri, mais il ne sert à rien, et nous n’en avons pas trouvé utilité.
Parfois, il faut se mettre à l’abri de répliques du tremblement de terre, soit en s’accroupissant, soit en s’écartant d’une zone dans laquelle un immeuble va s’effondrer. D’ailleurs, une jauge de stress augmente lorsque l’on subit les aléas dévastateurs de dame nature, mais là aussi les conséquences sont trop minimes. Remarquons enfin que le jeu est compatible PSVR, sachant qu’il est possible en jeu de passer en vue à la première personne, mais très franchement, oubliez.
Disaster Report 4: Summer Memories est une catastrophe industrielle et fait en cela écho à son propre titre. Il y a certes quelques bonnes idées, mais rien n’est à la hauteur des attentes même minimes que l’on plaçait dans le titre. Pourtant, nous sommes friands de ce genre de concept original et on avait en mémoire trois premiers épisodes inégaux, mais bien au-dessus de ce à quoi on a droit aujourd’hui.
C’est visuellement daté, le gameplay est mou et infâme, cela manque de cohérence tout du long et est aussi scripté qu’une ligne de métro. On est très déçu du résultat et on espère que la licence saura se relever de cette grosse désillusion, car là, on atteint un fond qui pourrait devenir un abîme duquel il sera bien difficile de s’extirper. Disaster Report 4: Summer Memories est un désastre qui ne restera pas dans les mémoires.