Cinq ans après la sortie de Beyond: Two souls, Quantic Dream revient avec un nouveau jeu qui lui aura pris tout ce temps de développement. Detroit: Become Human, le petit dernier du studio français, vient enfin de faire son arrivée chez nous, et tente de nous séduire par son gameplay atypique et sa grande variété de choix scénaristiques.
Il faut dire que les développeurs ont déjà un beau palmarès de chef-d’œuvres derrière eux avec Beyond: Two Souls, Heavy Rain, et Fahrenheit. Mais leur dernier jeu arrive-t-il à se hisser à la hauteur des attentes des joueurs ? Découvrez la réponse dans notre test de Detroit: Become Human sur Playstation 4.
L’ère des androïdes a débuté
Detroit: Become Human étant un jeu à la très grande portée scénaristique, nous essaierons autant que faire se peut de ne pas trop en divulguer sur l’histoire du jeu durant ce test. Nous suivons donc les aventures de Kara, Markus et Connor, trois androïdes en fonctionnement dans Détroit qui, en 2038, a atteint un taux de chômage record à cause des androïdes. Le jeu met directement les pieds dans le plat, ici pas de futur idyllique mais au contraire dystopique. À l’image de Cyberlife, à qui l’on doit les androïdes, la totalité de la ville semble entièrement tourner grâce à ces êtres robotiques au grand dam de la population. Tout le charme de la ville vient de son aspect futuriste plausible.
En effet, ici pas d’idées extravagantes, la ville reste assez proche de ce que l’on connaît aujourd’hui avec quelques avancées technologiques et certaines zones ne semblent même pas être modernisées. Cette cohésion des environnements portée par des graphismes somptueux accompagne à merveille l’histoire. Quantic Dream a apporté un soin particulier aux personnages et aux environnements, et une multitude de détails amusants sont présents pour ceux qui ont l’œil.
La qualité des graphismes se fait aussi sentir sur le character-design qui nous offre des visages criants d’humanité à certains moments. L’utilisation de la motion-capture a encore une fois été très bien utilisée, et l’on prend plaisir à retrouver les visages familiers de Jesse Williams et de Valorie Curry (qui jouait déjà le rôle de Kara lors de la démo technique de 2012 dans Beyond: Two Souls).
La bande-son de Detroit: Become Human est elle aussi sublime. Si elle n’est pas aussi prenante que celle présente dans le dernier jeu de Quantic Dream, elle accompagne à merveille l’aventure. Tantôt douce, tantôt mélancolique voire explosive, la bande-son fait ici office de guide émotionnel qui permet aux scènes d’être toujours justes. Dans un même domaine, les doublages français sont de très bonnes qualité dans ce titre (et heureusement pour un studio français). On ne peut donc qu’applaudir les efforts fournis par le studio sur l’aspect technique du jeu, sans compter que ce dernier n’a souffert d’aucun bug durant nos nombreuses heures de test.
I’m alive
Detroit: Become Human se base sur une unique question pour expliquer son intrigue, un androïde est-il un être vivant ? Tout le long de l’histoire, le joueur va être alors confronté à deux mondes s’affrontant sur cette question. D’une part les hommes, qui considèrent les androïdes comme des machines dont l’unique but est de leur obéir et d’assouvir leurs besoins (parfois les plus odieux). Et d’autre part les déviants, des androïdes ayant pris conscience de leur humanité et souhaitant leurs libertés.
Quantic Dream traite habilement de nombreux sujets graves dans son jeu sans prendre de gants, ce qui force le joueur à se questionner constamment sur ce qu’il juge bien ou mal. Ainsi à plusieurs reprises, le jeu nous montre des scènes faisant référence à l’Apartheid ou aux camps d’extermination.
Le joueur se retrouve alors dans des scènes frustrantes, car souvent cruelles voire injustes, ce qui le pousse à faire des choix qui peuvent parfois être extrêmes. De plus, ces scènes sont renforcées par le très bon travail qui a été fait sur les trois protagonistes ainsi que leurs compagnons. Chacune des aventures parallèle est soignée afin de livrer un personnage convaincant, ce qui a tendance à rendre Kara, Markus et Connor « vivants ». Le clivage humain / androïde est ainsi très bien ressenti tout le long de l’aventure. On s’attache alors facilement aux héros, ce qui rend certains chapitres encore plus intenses car le jeu nous met souvent en face de choix qui vont impliquer des sacrifices dans tous les cas.
Dans une moindre mesure, le jeu se permet d’aborder des problématiques actuelles, au travers de magazines qu’il faut trouver dans les différents chapitres. Ainsi, la menace sur l’environnement, la disparition de nos ressources et bien sûr l’humanité face à la technique ne sont que quelques exemples des thèmes abordés. Sur cet aspect Detroit: Become Human est bien plus qu’un simple jeu, il peut être perçu comme une analyse sociétale et une réflexion de nos limites et de notre propre vision de l’humanité. Surtout que ces interrogations continuent en dehors du jeu au travers du menu principal qui discutera avec vous et n’hésitera pas à vous poser des questions.
Malgré tout, deux points négatifs doivent être soulignés. Premièrement la vision des androïdes est traitée à certains moments avec trop de simplicité. La vision d’Isaac Asimov (qui a imaginé les quatre lois de la robotique) est très présente, on aurait aimé un peu plus d’originalité dans le traitement des androïdes plutôt que l’habituelle révolte que l’on a dans la plupart des œuvres de science-fiction. Et deuxièmement, les premiers chapitres sont un peu vides (mais pas inintéressants). Dans un souci de vouloir mettre l’intrigue en place, certains chapitres n’ont pas d’enjeu majeur et l’on sent que le scénario a été forcé pour accélérer les choses. On se retrouve alors à faire des actions qui n’ont pas un très grand intérêt.
Une histoire mais une multitude de choix
Tout comme les précédents jeux du studio français, l’intérêt de Detroit: Become Human repose essentiellement sur la diversité des choix que le joueur rencontre dans l’aventure. En effet, tous les chapitres imposent plusieurs choix au joueur qui vont lui permettre de varier son aventure. La première chose à noter, c’est le nombre ahurissant de variations possibles. Le moindre choix est susceptible de changer le déroulement de l’intrigue, la plupart des chapitres proposent plusieurs fins. C’est donc une rejouabilité immense qui s’offre à nous.
Surtout que certaines décisions ont des connexions entre les chapitres et peuvent radicalement influencer votre progression. Ainsi même les choix les plus anodins peuvent avoir de fortes répercussions, il est donc conseillé d’entretenir au mieux les relations avec vos compagnons.
Mais cette fois, les développeurs ne se sont pas contentés de légères variations qui mènent tous à une fin quasi-similaire. Le jeu propose plusieurs fins radicalement différentes, et sur les plusieurs parties que nous avons faites toutes ont été sensiblement divergentes. Le simple fait de choisir une approche pacifiste ou au contraire violente change complètement la façon dont le jeu se déroule par la suite. Bien sûr, tous les choix n’ont pas le même impact et certains ne conduisent qu’à des modifications de dialogues.
Malgré tout, il reste plaisant de pouvoir aborder la libération des androïdes comme on le souhaite. Chaque fin de chapitre est alors l’occasion pour les joueurs de découvrir son cheminement par le biais d’arborescences. On y voit alors le nombre de variations possible sans toutefois connaitre la nature exacte des autres choix qui restent grisés.
Évidemment, si une grande partie du jeu se base sur la multiplicité des choix, elle ne fait pas tout le gameplay. Nos actions sont réalisées grâce à des QTE, qui reconnaissons- le, sont un peu simplistes. La plupart des actions ne demandent pas une grande dextérité pour être accomplies, ce qui rend certes l’histoire plus fluide mais laisse un sentiment de vacuité. Il aurait été préférable que le joueur soit plus souvent impliqué dans les actions, malgré leur grande variété.
À plusieurs reprises des scènes qui auraient parfaitement correspondu à un QTE se réalisent sans que nous ayons à lever le petit doigt. David Cage semble être conscient de ce fait, et considère que Detroit: Become Human n’est pas un jeu vidéo au sens propre du terme :
« Le terme ‘jeu’ implique quelque chose de léger, de ludique, du divertissement. (…) Le jeu vidéo est un terme un peu fourre-tout, avec du Candy Crush, du Fortnite, du God Of War. Beaucoup s’interrogent sur cette terminologie, pour savoir si elle est encore pertinente. Je ne suis pas militant sur la question, mais ce que je fais, ce n’est pas du divertissement, c’est de l’interactivité. »
Il ne fait aucun doute que le petit dernier de Quantic Dream est un chef-d’oeuvre, tant par son écriture que par la justesse de ses propos. Les personnages et les thématiques abordées donnent au jeu une cohésion et une crédibilité tout à fait saisissantes. Les graphismes et la bande-son accompagnent à merveille l’intrigue et permettent aux joueurs de ressentir les émotions voulues par les développeurs. Les quelques défauts, au demeurant légers, ne gâchent en rien le jeu et seront très vite mis de côté par les joueurs.
Detroit: Become Human est clairement une expérience à ne pas manquer pour tous les amoureux des jeux narratifs.