Demonschool arrive après plusieurs années d’attente avec une promesse claire et aguicheuse : un tactical RPG qui emprunte au système scolaire et aux relations sociales d’un Persona, avec son calendrier à gérer et ses interactions à grinder. Développé par Necrosoft Games et édité par Ysbryd Games, il se distingue par son influence assumée du giallo, ses couleurs criardes et son esthétique baroque.
Le jeu propose une poignée de personnages à apprivoiser, un emploi du temps à remplir, des relations à tisser et un système de combat où chaque mouvement devient une action une fois la phase de planification exécutée. Le tout se présente quelque part entre le pastiche d’horreur old school et le slice-of-life goofy. Sexy sur le papier, les weebos, non ?
(Test de Demonschool réalisé sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Premier cours : prometteur
Si Demonschool a un vrai point fort, c’est son système de combat. Chaque affrontement se déroule sur une grille, et le tour du joueur se divise en deux temps : d’abord la planification, puis l’exécution. On commence par programmer les actions de tous ses personnages, déplacements, attaques, combos, jusqu’à trouver la chorégraphie idéale.
Ce n’est qu’une fois le plan validé que l’escouade agit d’un seul mouvement, en tentant d’éliminer le plus d’ennemis possible avec les points d’action disponibles. Voir une stratégie mûrement préparée s’animer à l’écran est carrément jouissif. Les visuels des coups, les petits feedbacks de kills, la manière dont les attaques se combinent : tout cela transforme chaque fin de tour en un moment réellement satisfaisant.
Pourtant, les combats finissent par devenir un poil répétitifs, malgré leur brièveté. La grille principale est toujours plus ou moins la même, sans verticalité ni surprise dans sa construction. Les rares moments où le jeu s’autorise autre chose, une arène avec des obstacles ou un environnement de forme circulaire, sont très rafraichissants, mais se comptent malheureusement presque sur les doigts d’une main.
Au-delà de son socle solide, c’est parfois frustrant de voir à quel point certains aspects du système sont sous-exploités. On n’a presque jamais besoin de se soucier des faiblesses ou avantages élémentaires des personnages et ennemis, ce qui réduit considérablement la profondeur tactique. La progression et le déblocage des compétences restent très lents jusqu’aux deux tiers du jeu, bien trop tard pour que cela ait un réel impact.
Quelques modificateurs intéressants dans l’arbre de compétences, comme l’attaque en croix, changent drastiquement l’approche des affrontements, mais arrivent également trop tardivement. Les builds laissent tout de même entrevoir un potentiel intéressant, mais dans la pratique, on n’en a presque jamais besoin, ce qui diminue fortement le plaisir de construire et d’expérimenter son équipe.
Cette absence de conséquences et de renouvellement se retrouve dans le quotidien de l’école. Les mini-jeux et interactions avec l’environnement, qui pourraient casser la routine et donner du souffle au calendrier, sont trop rares et peu inspirants. Comparé à Persona, Yakuza, ou même récemment Artis Impact, qui savent rythmer naturellement leur progression de petites activités ludiques et surprenantes, Demonschool peine à rendre ces moments vivants. Les affrontements se succèdent, entrecoupés d’une routine scolaire monotone et presque superflue, révélant au passage le manque de renouvellement et de profondeur de l’expérience globale.
Allez, direction le rattrapage
Là où Persona fait de chaque journée un petit pari existentiel, Demonschool ne propose qu’une imitation molle. Son calendrier existe, oui, mais il ne sert strictement à rien : aucune gestion du temps, donc aucun choix significatif à faire.
On se contente de subir les dialogues de chaque tableau matin et soir, de suivre la routine d’un point A à un point B, d’une scène à une autre, sans jamais ressentir l’intimité du quotidien universitaire que le jeu promet. Les journées s’enchaînent, plates et prévisibles, et l’emploi du temps n’est qu’un onglet du menu inutile, qui n’engage ni ne raconte grand chose d’engageant.
Le grind des relations sociales avec les personnages qui rejoignent notre équipe de « fucked up kids » n’a lui non plus aucune conséquence ni aucun enjeu, et il faudra se satisfaire d’un bisou jeté à la va-vite, sans impact sur le reste. La structure reste linéaire et peu organique, la routine scolaire est lourde et monotone, et l’école comme l’île à explorer manquent cruellement de variété : peu de mini-jeux, peu d’interactions intéressantes, rien pour casser le rythme. Là encore, Demonschool échoue à rendre ces journées vivantes ou ludiques, et on finit par parcourir couloirs et ruelles comme un simple automate, sans la moindre once d’émotion.
J’ai dormi pendant le rattrapage
Concernant la narration et l’écriture, le jeu enchaîne les clichés sans jamais parvenir à devenir un pastiche ou une parodie, ni même à proposer un vrai twist ou un enjeu engageant. Le fil rouge, censé structurer l’histoire, n’arrive que bien trop tard et on se contente la plupart du temps du trope du « monstre de la semaine ». Le name-dropping de films ou de références pop fera sourire deux minutes, mais ne construit aucune matière derrière ces clins d’œil.
Artistiquement, on sent parfois une inspiration Osamu Tezuka dans le character design, et certains tableaux se détachent par leur beauté, mais on tourne trop en rond dans des les mêmes environnement, souvent vide mis à part des dialogues secondaires inutiles. Pourtant, il y a des moments avec de vrai fulgurances de mise en scène avec des plongée de caméra dans son environnement 3D low-poly ultra dynamique, eux aussi trop rare.
Côté esthétique, Demonschool revendique le giallo italien, mais n’en retient que les couleurs criardes, avec ses rouges et violets saturés. Les obsessions habituelles du genre, sa sexualité, son aliénation et sa paranoïa latente sont absentes.
La petite équipe de Necrosoft avait entre les mains un concept solide : un tactical avec un twist, un système qui a fait le succès de la série des Persona et une esthétique giallo peu commune aujourd’hui. Le cœur du jeu, son système de combat, mériterait plus de variété et de peaufinage, mais reste brillant dans son principe et ultra satisfaisant.
Mais tout le reste manque d’oxygène. La structure scolaire ne vit pas, la narration est ennuyante et le rythme s’essouffle à cause de la structure narrative calendaire, aussi étouffé par des dialogues trop plats et une direction artistique globalement intéressante, mais plus décorative que signifiante. Le jeu manque de substance globalement. On aurait peut-être espéré une expérience plus condensée, se concentrant sur la tactique plutôt qu’un écrin superflu, car c’est là que Demonschool s’illustre de belle manière.


