Créateur acclamé ou conspué, Hideo Kojima ne cesse de faire parler de lui. Génie pour certains et faiseur à l’ego surdimensionné pour d’autres, le réalisateur japonais a pour lui d’être un créateur (et un auteur) à l’imaginaire foisonnant et sans limite. En témoigne sa saga culte Metal Gear Solid qui n’a cessé de se renouveler au fil des épisodes. Et en 2019, et suite à plusieurs déboires avec les équipes de Konami, Kojima a montré à l’industrie qu’il était encore possible de créer des œuvres originales et singulières qui peuvent transcender l’esprit même du jeu vidéo avec Death Stranding.
6 ans après cette curiosité chaleureusement accueillie par la critique, les équipes de Kojima Productions sont de retour avec une suite directe. Death Stranding 2: On the Beach était attendu par bon nombre de joueurs, intrigués par le prolongement de cet univers étrange, fantasmagorique et effrayant.
Hideo Kojima a-t-il réussi à livrer son magnum opus tant attendu ? Death Stranding 2: On the Beach transcende-t-il toujours sa condition de jeu vidéo ? Découvrons-le dans cette balade aux quatre coins du monde, au milieu des échoués.
(Test de Death Stranding 2: On the Beach réalisé sur PlayStation 5 via une copie fournie par l’éditeur)
11 mois plus tard
Après avoir réussi l’exploit de relier les vestiges des États-Unis en tout plein d’espoir pour l’avenir, Sam Porter Bridges (Norman Reedus) a disparu sans laisser de traces en emportant avec lui son BB : Lou. Se croyant traqué, Sam décide de vivre en dehors du relais et se montre désormais invisible aux yeux de tous. Jusqu’au jour où Fragile (Léa Seydoux) le retrouve et lui confie une nouvelle mission : introduire le Mexique au sein du réseau. Mais le Death Stranding est toujours là, dehors, et avec lui les échoués.
Guidé par son amour pour Lou et son souhait de pouvoir vivre une vie tranquille, Sam accepte la mission confiée et renfile son équipement de porteur. Mais certains changements en lien avec le développement du Death Stranding et la prolifération du chiralium pourraient bien faire espérer un peu plus l’humanité dans son souhait de reconnexion globale.
Une expérience perfectionnée
La première chose à savoir sur Death Stranding 2: On the Beach, c’est que Kojima et ses équipes semblent avoir pris en compte les différentes critiques de l’époque. L’action peine moins à démarrer, certes le premier opus avait pour excuse de mettre en place son foisonnant univers, mais l’introduction des aventures de Sam Porter Bridges avait quelque chose de laborieux, nous rongions notre frein en attendant de pouvoir réellement commencer l’aventure épique promise.
Dans ce second épisode, les informations essentielles au développement du scénario sont disséminées de manière plus fluide entre les premières phases de gameplay. Moins de 30 minutes après avoir sélectionné « nouvelle partie », vous aurez le loisir d’effectuer votre première livraison, de vous frotter aux différentes conditions météorologiques et environnementales, mais aussi d’être introduit aux premières séquences d’action, bien plus nombreuses que par le passé.
Ces dernières profitent du travail effectué par Kojima sur Metal Gear Solid 5: The Phantom Pain. Les séquences de tirs nous récompensent nettement plus lorsque nous jouons la carte de l’infiltration, qu’il s’agisse d’affrontements contre les humains comme contre les échoués. Les combats peuvent donc être abordés de manière frontale grâce à l’arsenal enrichi par rapport au premier opus, ou vous pouvez faire le choix du contournement et de la dissimulation rendant les affrontements facultatifs. Mais les boss eux ne le sont pas, et en plus de profiter d’une mise en scène effrayante et grand spectacle, les designs de ces derniers profitent d’une attention toute particulière de la part d’un Yoji Shinkawa au sommet de sa forme.
L’infiltration face aux échoués est facilitée même si nous gardons toujours la même technique pour leur échapper : s’accroupir, suivre son radar et retenir sa respiration. Comme avec les ennemis humains, le jeu vous donnera les clés pour les affronter ou les contourner, même si certaines missions vous demanderont de les attaquer frontalement. Les combats contre les échoués demandent plus de sang froid, mais une fois l’affrontement terminé ou la menace contournée, la sensation de triomphe est plus grande encore.
Les combats et les séquences d’infiltration ne sont qu’une petite partie de ce que propose Death Stranding 2, le coeur du gameplay reste les livraisons de marchandises aux différents avant-postes. Pour faciliter nos déplacements dans les paysages désolés du Mexique et de l’Australie, des véhicules seront mis à votre disposition de même que divers objets d’escalade (échelles, cordes…), rien de bien neuf par rapport au premier nous direz-vous, sauf qu’ici la boucle de gameplay se fluidifie rendant les déplacements et la préparation du voyage nettement plus agréable et même addictive qu’à l’époque. Nous prenons du temps à étudier la carte, à chercher quel itinéraire serait le plus sûr ou à l’inverse riche en action et en rencontres. La déambulation est hypnotique, riche et obsédante.
Une technique irréprochable au service d’une grande aventure
Death Stranding 2: On the Beach marque le retour, entre autres, de Norman Reedus, Léa Seydoux ou encore Guillermo Del Toro, mais de nombreux nouveaux venus font partie de l’aventure. Sans trop vous en dire sur leur place dans l’aventure, nous retrouvons George Miller (le réalisateur des Mad Max) ou encore Elle Fanning (future héroïne de Predator Badlands) au casting, et tout comme les autres personnages du jeu, le travail effectué par les artistes en charge de la motion capture est tout simplement bluffant. Le jeu d’acteur des comédiens transpire par chaque pixel affiché à l’écran. Tout ce que le jeu propose de tristesse, de joie, d’inquiétude, de peur, tout est magnifiquement retranscrit à l’écran par la force des acteurs et des artistes FX.
Les pérégrinations de Sam nous amènent également à déambuler dans des décors somptueux dans lesquels le temps semble suspendu. Et à l’inverse, les éléments pourront souvent être contre vous. Les conditions météorologiques sont diverses et variées, certaines ne nous sont pas inconnues comme les pluies de précipitation (qui risquent d’endommager nos cargaisons) ou encore le brouillard nous rendant aveugle, alors que les échoués, eux, peuvent nous voir et nous traquer. Traverser les tempêtes de sables vous demandera un temps d’adaptation et de dissimulation à l’abri des vents violents. Les séismes quant à eux vous demanderont de garder votre sang-froid et votre équilibre au risque de perdre ou de détruire votre cargaison.
S’ajoute à la maîtrise technique et graphique une composition musicale et sonore de haute volée. Le travail de composition de Woodkid et Ludvig Forssell force le respect et parvient à nous immerger dans l’histoire en nous faisant ressentir le temps d’une note les émotions éprouvées par les protagonistes.
En plus des compositions spécialement réalisées pour le jeu, Kojima a concocté pour les joueurs les plus mélomanes une playlist se jouant automatiquement lors des passages de pure contemplation. Les différentes musiques s’accordent parfaitement à l’état d’esprit de Sam lors de sa déambulation, mais également à celui du joueur qui, face aux différents événements, s’adapte aux émotions des héros. Death Stranding 2: On the Beach, plus que de se découvrir, se vit.
Death Stranding 2: On the Beach s’affranchit de sa condition de jeu vidéo pour proposer quelque chose de plus grand. L’aventure de Sam est une expérience qui transcende l’univers vidéoludique pour proposer une œuvre portée par l’amour et l’échange. Qu’il s’agisse de l’amour d’Hideo Kojima à sa création, de l’amour véhiculé par les personnages ou du principe même du jeu visant à reconnecter les peuples, il s’agit d’une œuvre purement humaniste et optimiste qui se moque (parfois) et transgresse les règles établies et religieusement appliquées depuis des années au sein de la sphère jeu vidéo.
Il en résulte une expérience unique, touchante et contemplative qui se doit d’être vécue. N’ayons pas peur des mots, Death Stranding 2: On the Beach est un très grand jeu, un nouveau chef-d’œuvre signé Kojima et ses équipes.