Dead Island 2 fait partie de ces jeux annoncés bien trop tôt, au développement manifestement chaotique ou du moins délicat, et reporté tant de fois qu’on le pensait mort et enterré. On se souvient en effet de l’iconique trailer d’annonce présenté à l’E3 2014 dans lequel nous découvrions l’ambition de Deep Silver, l’ambiance et l’humour assumé du projet. Mais contrairement à bien d’autres jeux qui ne se relèvent pas après avoir pris trop de coups du sort, Dead Island 2 est revenu sans cesse à la vie et a fini par arriver à destination, tel un mort-vivant imperturbable face aux péripéties de l’enfer managérial.
Dans la droite lignée de son prédécesseur et entretenant un genre spécifique de jeu d’aventure horrifique avec un humour décalé, à mi-chemin entre un Dying Light et un Dead Rising, le jeu arrive enfin dans nos petites mains et une question s’impose dès lors : toute cette attente de près de dix ans valait-elle le coup ?
(Test de Dead Island 2 sur PC, réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Laissés pour mort (2)
On ne joue pas à un Dead Island pour la qualité de son scénario et la trame générale du jeu n’est évidemment qu’un prétexte pour vous plonger dans une apocalypse zombifique en gestation, de laquelle vous allez tout faire pour vous échapper. Mais même si l’on pouvait craindre une histoire un peu nanardesque qui ferait simplement acte de présence, le scénario et l’introduction à la catastrophe en cours sont particulièrement soignés et vous vous retrouvez à réellement vous intéresser à l’histoire et à essayer de comprendre le déroulé des évènements.
Certains passages sont mêmes matures et franchement glauques, mais posent de vrais enjeux et dilemmes, comme, par exemple, ce que pourraient sans doute essayer de faire des autorités face à une telle situation.
Et, sans rien spoiler de qu’il y a à découvrir, disons que les autorités militaires n’ont pas hésité à recourir à des méthodes ignobles, quoique compréhensives, pour tenter de juguler la propagation de l’épidémie, poussant le joueur à se dire un petit : « c’est horrible, mais » inattendu.
Et l’on en vient à l’immersion de manière générale, qui est la principale force du jeu et une franche réussite dans tous ses aspects. Quand bien même une forte dose d’humour est bien présente, celle-ci n’est pas omniprésente : il ne s’agit pas d’un Dead Rising ou d’un jeu Marvelesque avec des petites blagues toutes les dix secondes ou bien des événements grotesques qui viennent briser la gravité d’une situation. Il y a un temps pour rire et un temps pour pleurer, comme dit le dicton, respecté scrupuleusement par le rythme du jeu.
Dead Island 2 est étrangement très crédible comme représentation du début d’une épidémie de zombies où tout s’aggrave au fil du temps avec des survivants perdus et livrés à eux-mêmes. Qu’il s’agisse de la physique des combats (nous y reviendrons), du souci du détail permanent dans les rues et les bâtiments, du sound design particulièrement stressant ou de la diversité incroyable des zombies à l’image d’une société complète, le jeu propose une expérience que l’on a presque envie de qualifier comme étant « réaliste », tout aussi absurde que cela puisse être pour un tel genre de jeu. Pourtant, on a bel et bien l’impression de vivre cette infestation, de la subir et d’être surpris à plusieurs reprises par les rencontres, les ennemis et les événements.
Vous êtes une légende
Commençons par le commencement : vous avez la possibilité de vivre l’aventure avec six héros différents, ce qui est une plus-value notable et bienvenue par rapport aux quatre héros du premier jeu. Tous ont leur propre personnalité, leurs propres lignes de dialogues, leurs propres statistiques et leurs attaques spéciales. Il va sans dire que ce choix offre au jeu une énorme rejouabilité et que l’on aimerait bien voir un tel système dans d’autres jeux plutôt qu’un héros insipide à créer de toutes pièces.
En ce qui nous concerne, nous avons fait l’aventure avec Amy, une coureuse paralympique qui possède une prothèse à la place d’une cheville. Son style de jeu est fondamentalement axé sur la rapidité, l’agilité et l’idée d’être toujours en mouvement pour esquiver les coups. Elle peut retrouver de l’endurance en touchant un ennemi avec une arme de lancer et inflige plus de dégâts aux zombies isolés.
Autant dire que ce n’est pas le personnage idéal pour se la jouer bourrin et encaisser les coups, contrairement à Ryan et Bruno qui offrent des statistiques plus adaptées, mais aussi certains bonus face aux groupes de zombies. En parallèle de ces styles de jeu prédéterminés, il y a de nombreuses compétences à débloquer tout au long de l’aventure et améliorant votre survie en permettant de regagner de la santé, de l’endurance ou de nouvelles aptitudes. Utile pour optimiser sa manière de jouer avant d’aborder certaines zones difficiles.
Ici, ne vous imaginez pas être tel un Rambo déversant des chargeurs entiers à chaque combat. Il y a des armes à feu, mais elles sont rares, de même que leurs précieuses munitions, et le charme des Dead Island est de devoir vous débrouiller comme un individu lambda le ferait dans cette situation : vous devrez vous battre avec des armes de fortune, allant de la pelle à la planche de bois en passant par une clé à mollette, avant de trouver des armes blanches beaucoup plus intéressantes et dévastatrices.
Aussi le loot est important pour améliorer et réparer vos précieuses armes qui s’useront à force de fracasser des crânes, et particulièrement pour leur ajouter des dégâts électriques qui tirent parti de l’environnement et peut vous aider à vous débarrasser d’un groupe de zombies un peu trop délicat à gérer.
Une Danse Macabre maîtrisée et sans fausse note
Les combats sont naturellement le cœur du jeu, et Dead Island 2 rend ici une copie parfaite. À tel point que le jeu est bien plus réussi sur cet aspect que son compétiteur direct qu’est Dying Light 2. Contrairement à la physique laborieuse des zombies de ce dernier, ceux de Dead Island 2 sont infiniment plus agréables à affronter et vaincre. La physique des ennemis et des coups est en effet un facteur déterminant du fun des combats, car on sent très bien la puissance des coups et les zombies chancellent de manière, là aussi, assez crédible. Les armes à une main permettent d’enchaîner plus rapidement des coups sur une cible unique, et sont donc idéales contre les boss ou certains types de zombies particulièrement coriaces, tandis que celles à deux mains seront d’une grande aide face aux groupes de zombies qui cherchent à vous encercler et n’attendront pas poliment chacun leur tour pour vous infliger des dégâts ou vous saisir.
Les dégâts que vous faites sont localisés et entraînent des démembrements progressifs des zombies. Autrement dit, frapper la jambe pourrie d’un zombie va finir par la faire détacher du reste de son corps, le faisant chuter et l’obligeant à ramper, ce qui fait de lui une cible moins dangereuse que vous pouvez achever en écrasant sa tête sans accroître l’usure de votre arme. Les démembrements sont incroyablement variés et mènent parfois à des résultats assez glauques.
Et nous avons ici une pensée toute particulière pour l’épisode de la piscine d’acide où il était jouissif de simplement pousser les hordes de zombies à coup de pied dans le solvant et les voir littéralement se dissoudre tout en continuant à avancer vers le joueur, et pour le « finish move » contre certains zombies où votre coup de poing leur traverse littéralement la tête.
Les zombies de base peuvent présenter un réel challenge. Chaque combat est quasiment un petit duel entre vous et le mort-vivant, aussi stupide soit-il. Il s’agit donc de frapper au bon moment, d’esquiver un zombie sans se mettre devant les coups d’un autre, placer un bon coup de pied pour en faire reculer un, et, parfois, la fuite est la meilleure alternative. Surtout face aux zombies spéciaux qui apparaîtront au fil de l’aventure. Sans rien spoiler de ceux-ci, un zombie de base un peu plus coriace qui va se dévoiler assez vite dans le jeu est le sprinteur. Celui-ci peut surprendre facilement le joueur par sa vélocité et sa hargne, et semble quelque part être un petit hommage au coureur du trailer de 2014.
Un souci du détail à s’en décrocher la mâchoire
L’environnement est votre meilleur allié dans les combats. L’eau qui fera notamment des merveilles lorsque combinée avec une source d’électricité proche, ou, plus simplement, avec une arme que vous auriez améliorée en arme infligeant des dégâts électriques. Des zombies se baignent dans la piscine d’une villa ? Jetez-y une batterie de voiture et on en parle plus.
En ce sens, l’arme la plus utile du jeu est non-ironiquement le glorieux bidon d’eau. Vous pouvez déverser de l’eau face à des zombies marchant vers vous pour les faire glisser, leur jeter le bidon à la figure ou créer des flaques à des endroits stratégiques, sortir votre armée électrifiée, taper un bon coup sur la flaque et voilà de quoi vous débarrasser de zombies un peu trop nombreux. Le bidon d’eau, voilà l’arme à avoir chez soi en cas d’apocalypse zombie.
La diversité des zombies ne réside pas seulement dans leurs catégories, mais aussi dans leur plus simple apparence et le travail du studio est ici à saluer à son juste mérite. À aucun moment on n’a l’impression de voir des visuels copiés et collés d’un zombie à l’autre : leur diversité vestimentaire, mais aussi de pourrissement est une réussite totale et contribue à renforcer l’immersion et ce côté « toute la société est zombifiée ».
Ils sont aussi thématiquement liés à une zone, de sorte que près des piscines, vous verrez des zombies en maillots de bain ; dans les maisons de riche, des zombies bien habillés en jeunesse dorée ; dans une zone où l’armée était présente, un mélange de civils, militaires, secouristes et employés morts-vivants, et ainsi de suite. Le tout au service d’un jeu doté d’une durée de vie colossale, alors même que, justement, on pouvait craindre de la redondance. Et pourtant, il n’en est rien, car au fur et à mesure que l’on progresse dans le jeu, l’on est confronté à ce sentiment permanent de découverte face à des nouveautés.
On retrouve aussi cette gravité dans certaines interactions avec les survivants. Si certains d’entre eux sont loufoques (mais, au fond, le jeu se déroulant en partie dans des quartiers huppés, on pourrait y voir quelque chose de crédible là aussi avec des personnages déconnectés des réalités), d’autres se comportent de manière plus intéressante, voire presque touchante. Le crédit va ici à l’animation des visages des PNJ qui n’ont absolument pas à rougir face à bien d’autres issus de jeux AAA récents.
Près de dix ans après le trailer d’annonce, Dead Island 2 est-il un jeu bâclé, rushé, décevant ? Certainement pas. En dépit des reports, Deep Silver délivre un jeu conséquent, au système de combat jouissif, punisseur, et bien rôdé, à l’histoire intéressante, mais, par-dessus tout, à l’immersion incroyable. On a envie de toujours aller plus loin, et on redoute de ce que l’on va y découvrir ; on a envie d’aller voir à quoi ressemblent les zombies dans X zone, et on se demande quels boss loufoques ou immondes vont nous tomber dessus. Même dans les bâtiments, la profusion des détails est impressionnante.
Dead Island 2 est un très bon jeu, et, on a beau chercher, on est bien en peine de trouver quoi que ce soit de négatif à relever, si ce n’est un seul bug concernant l’audio avec des musiques de combats qui se lancent et s’arrêtent bizarrement, mais ce sera sans doute patché avant la sortie, et c’est tellement bénin en comparaison de la qualité générale du titre. L’expérience de jeu est tout simplement fun et mémorable, et le résultat final non seulement dissipe nos craintes, mais dépasse aussi largement nos attentes.