Ce n’est qu’au prix d’un long purgatoire que Days Gone est revenu d’entre les morts. Entre une sortie initiale en 2019 jonchée de bugs entrainant une réception critique glaciale et un abandon quasi assumé par Sony, le destin du jeu semblait scellé.
Seulement voilà, dans les laboratoires secrets de PlayStation, là où les licences sont soit reliftées soit disséquées jusqu’à la moelle, Deacon St. John a fini par sortir de son coma éditorial. Voilà qu’en cette drôle d’année 2025, le rugueux biker, ranimé par électrochocs, reprend la route sous la forme d’un remaster inattendu, mais pas tout à fait inespéré.
Comme échappé d’un sanatorium pour licences oubliées, Days Gone Remastered vient se greffer à la longue lignée des résurrections opérées dans les fameux sous-sols de Sony. Et si l’on ignore encore si cette greffe prendra, une chose est sûre : Bend Studio a mis les tripes sur la table pour donner à son rejeton une seconde chance.
Six ans après, le biker maudit revient sur PS5 dans une version remastérisée qui sent autant la nostalgie (comprendre la naphtaline) que la tentative de réhabilitation. Alors, retour triomphant ou simple stratégie marketing pour meubler le calendrier ? Vous vous en doutez, quelque chose entre les deux.
(Test de Days Gone Remastered sur PlayStation 5 réalisé à partir d’un code fourni par l’éditeur)
Coupez ! Silence ! On la refait !
Deux ans après qu’une mystérieuse pandémie ait ravagé les États-Unis, transformant une large partie de la population en créatures sauvages appelées Freakers, le pays n’est plus qu’un vaste no man’s land désolé. La civilisation s’est effondrée, et la survie est devenue la seule règle.
On incarne Deacon St. John, ancien membre d’un gang de motards, devenu, post-pandémie, chasseur de primes et survivant au cœur brisé. Dès les premières minutes du jeu, Deacon est contraint de laisser partir sa femme, Sarah, à bord d’un hélicoptère médical – un départ précipité aux airs de point final. Des années après, lorsqu’il apprend que Sarah pourrait ne pas être morte, ce qui semblait être une errance sans but se transforme en quête obsessionnelle et introspective.
Days Gone est un open world d’action-aventure, en vue à la troisième personne, où se mêlent exploration, craft, infiltration et baston bien sale. Le joueur alterne entre missions scénarisées, chasses à l’homme, nettoyage de nids de Freakers et pillages de camps ennemis. La moto de Deacon n’est pas qu’un simple véhicule : c’est un compagnon de route à entretenir, réparer, améliorer, et surtout ravitailler. Sans essence, on pousse. Sans entretien, on tombe. Un vrai partenaire de galère.
Les hordes de Freakers, cœur battant du jeu, représentent des défis techniques et tactiques : des centaines de corps qui courent, grimpent, encerclent, sans relâche. Les fuir ? Souvent. Les affronter ? Bien entendu mais bien préparé, chaque victoire est une jouissance viscérale. Ajoutez à cela une gestion de l’équipement en temps réel, des mécaniques de discrétion, de progression RPG, et un monde qui change selon la météo et l’heure de la journée… et vous obtenez un bac à sable rugueux, mais captivant.
Résurrection graphique ou simple toilette funéraire ?
Soyons clairs : Days Gone Remastered n’est pas une refonte spectaculaire. Comme son nom l’indique, ce n’est pas un remake. On ne parle pas ici de nouvelles textures faites main ou d’animations entièrement refaites. Mais il y a du mieux. On notera particulièrement une distance d’affichage élargie (que l’on vous conseille ardemment d’enclencher), un framerate imprenable à 60 fps en mode performance (même si un patch ps5 était déjà disponible depuis quelques années), des temps de chargement réduits à l’état de reliques et surtout de nouveaux éclairages plus doux redonnant véritablement vie au titre. En somme, le jeu gagne en fluidité ce qu’il ne révolutionne pas en esthétique.
Et même si les comparatifs sur YouTube fusent pour pointer du doigt l’absence de transformation en profondeur, le travail reste palpable une fois la manette en main. Le support de la DualSense, lui, vaut largement le détour : retours haptiques lors des virées en moto, tension des gâchettes lors des tirs, immersion sensorielle et sonore digne d’un survival moderne. Le gameplay, lui aussi, a gagné en nervosité. Deacon St. John est un poil plus mobile ce qui améliore la réactivité en combat comme en exploration. Vraiment très appréciable.
Toujours aussi vivace, la horde
Le cœur du jeu – ces vagues de freakers implacables, ces embuscades crasseuses dans les forêts humides de l’Oregon – fonctionne toujours autant. Le mode Assaut de horde capitalise même là-dessus : un défi en boucle, où la survie est le seul objectif. Sombre, intense, organique. Un ajout aussi pertinent qu’addictif, qui rappelle que le studio savait ce qu’il tenait.
À côté, les modes Mort Permanente (vous mourez, c’est fini) et Speedrun raviront les masochistes et les obsédés du chrono. Le tout forme une version enrichie qui, sans bouleverser les fondamentaux, donne du corps à l’expérience avec, au final, une véritable cohérence au regard du genre.
Accessibilité et justice tarifaire… ou presque
Le remaster apporte aussi son lot d’améliorations bienvenues pour l’accessibilité : narration de l’interface, haut contraste, assistance à la visée et un champ de vision enfin ajustable. Là-dessus, on sent une vraie volonté d’ouverture. Une nouvelle fois, on vous conseillera vivement de profiter de ce nouveau cadrage cinémascope (champ de vision calé à 100, non paramétré par défaut) pour profiter des panoramas, encore aujourd’hui, magnifiques du jeu.
Mais l’enthousiasme retombe un peu dès qu’on parle portefeuille : 49,99 € pour les nouveaux venus, 10 € pour les anciens propriétaires du jeu PS4… sauf si vous possédez la version PS Plus, auquel cas c’est tarif plein. Une politique toujours aussi discutable, qui donne à Sony depuis quelques années ce petit air de brocanteur malhonnête, peu regardant sur l’état ou la fraicheur des objets qu’il remet en rayon, mais dont il connaît la valeur.
Une ode à l’abandonné
Le plus fascinant, dans ce remaster, c’est peut-être ce qu’il raconte en creux : les majestueuses forêts d’Oregon et l’amour de Bend Studio pour sa région, une galerie de personnage attachante et un scénario de série B que n’aurait pas renié John Carpenter. Mais aussi, dans l’ombre, le destin contrarié d’une licence mal-née puis érigée comme fils injustement caché de la famille, les brouilles internes entre Bend et Sony, la fuite de ses créateurs et cette impression de « jeu sacrifié » au profit de projets plus rentables. Days Gone, c’était l’enfant rude, à la démarche bancale, mais au cœur énorme. Aujourd’hui, c’est un revenant. Et, d’une manière ou une autre, il a des choses à dire.
Days Gone Remastered est un paradoxe sur deux roues. À la fois hommage et rattrapage, mise à jour technique et lettre d’excuse, il ne révolutionne rien mais rappelle rapidement pourquoi certains sont tombés amoureux de cet Oregon en ruines et de ce biker râleur au grand cœur.
Si vous avez déjà joué à Days Gone sur PS4 ou PC, passez peut-être votre chemin à moins d’être collectionneur ou bien, comme nous, amoureux transis de ces panoramas et de cette tension permanente à couper au couteau. Mais si vous ne l’avez jamais tenté, et que les mondes ouverts post-apo vous attirent – ne vous posez même pas de questions – ce remaster est une parfaite porte d’entrée. Ne vous laissez surtout pas repousser par ce début rocailleux un rien poussif et poursuivez votre route. Le cœur du jeu se cache un peu plus loin, au milieu des forêts du Nord-Ouest américain.
Days Gone Remastered n’est pas un spectacle de magie. C’est une résurrection artisanale, imparfaite, mais sincère. Ceux qui ont aimé Deacon St. John retrouveront leur road trip post-apocalyptique favori, sous un jour légèrement meilleur. Les autres, qui n’ont jamais osé s’y frotter, tiennent là une opportunité presque idéale. Un rappel que certaines histoires méritent une seconde chance. Même un biker au bout du rouleau peut encore faire craquer quelques allumettes, faire jaillir quelques étincelles et relancer la machine avec deux ou trois tours de passe-passe.