Qui n’a jamais rêvé, bercé par ses animés et jeux vidéo préférés, de se retrouver dans la peau d’un héros parti à l’aventure en quête de richesses ou de princes ou princesses à sauver en visitant des donjons remplis de vilains à occire ? Mais la réalité n’est pas aussi idyllique et c’est ce que nous a rappelé en 2015 l’excellent Darkest Dungeon dont le second opus, bien nommé Darkest Dungeon II, débarque sur Xbox, PlayStation et Switch ce 15 juillet 2024.
Déjà sorti sur PC il y a un an (et issu d’un accès anticipé initié fin 2021), les équipes de Red Hook semblent vouloir réinventer la formule de leur licence et peaufiner son approche réaliste d’une exploration de donjons infestés de monstres. Une prise de risque à double tranchant qui peut aussi bien permettre au titre d’entrer dans une nouvelle dimension que dénaturer son héritage. Alors, qu’en est-il pour ce Darkest Dungeon II ?
(Test de Darkest Dungeon II sur PlayStation 5 réalisé à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
On prend les mêmes et on recommence
Afin de bien remettre l’aventure dans son contexte, remémorons-nous les mécaniques de jeu du premier Darkest Dungeon. Nous étions amenés à explorer des donjons donc, plus ou moins vastes, afin de remplir différentes missions permettant à notre équipe de gagner en expérience, et ainsi de suite jusqu’à être suffisamment fort pour pouvoir explorer le donjon ténébreux, objectif final de notre équipe.
Toutefois, ce qui démarquait le titre de ses concurrents, c’est sa capacité à ajouter à la fois une dose de réalisme cynique, puis de gestion de nos troupes. Dans les donjons, il y a des horreurs lovecraftiennes, des maladies, des pièges en tout genre. En bref, la mort plane tout autour de nous, quand elle ne nous fauche pas, ce qui influe forcément sur le mental de nos guerriers qu’il conviendra de traiter efficacement pour ne pas mettre en péril la réussite des missions.
C’était ça Darkest Dungeon. Un équilibre savant entre exploration de donjon périlleuse et gestion des ressources physiques, et surtout mentales, de nos équipiers. De pions remplaçables, au bas de l’échelle, on pouvait forger des guerriers au mental d’acier au fil du temps, sans pour autant en faire des surhommes, nos héros savamment entrainés pendant des heures pouvant périr en quelques secondes au gré d’une exploration malchanceuse de donjon.
Soyez rassurés cependant, Darkest Dungeon II n’est pas si cruels avec les joueurs. Jamais vous ne verrez plusieurs heures jeu partir en fumée parce qu’une horde de monstre l’aura sauvagement pris pour cible à coup d’attaques critiques, sans que vous ne puissiez rien faire. Une solution miracle trouvée par les équipes de Red Hook qui a consisté, basiquement, à supprimer presque toute forme de gestion et d’unicité de nos héros. Quel gâchis !
Tout ce qui faisait le sel de l’opus de base a disparu de Darkest Dungeon II. Et pourtant, paradoxalement, les héros sont cette fois virtuellement immortels. La différence c’est qu’à présent, à la fin d’une exploration, tout est remis à zéro ou presque, que nous soyons rentrés victorieux ou non. Il ne reste pour trace de notre passage que quelques bougies d’espoir permettant l’achat de quelques bonus ou le déblocage et l’amélioration de personnages pour les prochaines runs.
Darkest Dungeon II a été purgé d’une partie de ce qui le rendait unique, et par voie de conséquence, le titre s’en trouve totalement déséquilibré. Là où dans le premier opus, la difficulté était très présente mais pouvait s’atténuer grâce à une bonne préparation de nos héros en amont, ici, c’est surtout sur la chance qu’il faudra compter, et de manière souvent disproportionnée.
En effet, puisque l’on repart avec une équipe « neuve » à chaque partie, pour en voir le bout, il faudra bien souvent bénéficier d’un coup de pouce du hasard pour obtenir les accessoires, consommables et événements favorables, tout en espérant que nos alliés développent des caractéristiques mentales favorables. De quoi rendre rapidement un bon paquet de runs frustrantes.
Pire encore, on a du mal à véritablement se sentir progresser au fil des explorations. Et si on peut à peu près s’en sortir, tant que la malchance n’est pas trop de notre côté, sur les premiers chapitres, on se prend très vite un mur de difficulté. Le système de combat, au tour par tour, est pourtant toujours aussi bien rodé, avec la nécessité d’équilibrer une équipe pour faire face aux attaques physiques et mentales des ennemis, mais cette harmonie est bien trop mise à mal par, encore une fois, l’aléatoire.
Team building en eaux troubles
Darkest Dungeon II introduit toutefois de nouvelles mécaniques assez intéressantes. En effet, nos héros n’étant plus de simples pions remplaçables, les équipes de Red Hook ont pu ajouter une nouvelle strate à la narration du titre. Toujours portée par un narrateur à la voix caverneuse envoutante, celle-ci s’axera désormais sur le passé des différents protagonistes qu’on apprend à connaître au travers de séquences de gameplay uniques.
De manière globale, l’accent a été mis sur l’histoire et les relations entre les personnages, aspect qu’il faudra soigner durant le cheminement d’un donjon afin de préserver une certaine cohésion de groupe.
Par exemple, régulièrement, nos héros nous proposeront leurs solutions à une situation, comme assaillir une position ennemie ou la fuir, aider des survivants ou les laisser périr… Il nous faudra alors décider quelle voie retenir. Ainsi, en fonction des propositions des autres personnages, leurs relations s’amélioreront ou se détérioreront.
Une camaraderie qui permettra notamment d’obtenir des avantages en combat ou, au contraire, provoquer une zizanie dans le groupe avec potentiellement des combattants qui se tirent dans les pattes alors même qu’ils font face à un danger mortel. Et bien entendu, tout cela dans les joies d’un aléatoire qui nous est bien rarement favorable.
Pour autant, l’idée est très bien trouvée, et son exécution serait restée tout à fait acceptable si l’équilibre de l’aléatoire n’était pas aussi douteux. Combien de fois n’avons-nous pas réussi à maintenir un relationnel positif entre les personnages pour au final voir de la jalousie voire de la haine se développer entre eux, ruinant pratiquement toutes nos chances de victoire.
Et pourtant, bizarrement, on se surprend à vouloir relancer une run, juste une de plus, car au-delà de l’immense déception qu’il représente Darkest Dungeon II conserve certaines qualités de son prédécesseur. Si on met de côté l’injustice de l’aléatoire de certains affrontements, et notamment les boss, combiner avantageusement les différentes compétences de l’équipe composée est un réel plaisir. Réussir, contre vents et marées, à négocier un combat au millimètre à un côté jubilatoire à la hauteur de la frustration qu’il peut parfois engendrer.
Car le système de combat est dans la continuité de ce que l’on connaissait déjà. Les affrontements au tour par tour se veulent stratégique et il faudra régulièrement définir ses priorité de cibles, notamment, si l’on veut avoir une chance de survivre. Il convient donc de bien enchainer les malus, altération d’états et positionnement de nos héros afin d’optimiser ses dégâts et surtout augmenter leurs capacités à résister aux attaques des adversaires qui n’hésiteront pas à exploiter la moindre faille dans la formation. Un système toujours aussi bien huilé.
l’ergonomie en toute complexité
Darkest Dungeon II, bien plus que le premier opus, demande à ses joueurs de s’investir de manière parfois déraisonnable. Si le titre est mal équilibré à notre sens, nous l’avons suffisamment évoqué précédemment, il faut aussi savoir s’armer de patience pour apprivoiser les différents aspects de jeu. La structure globale de l’expérience a beau s’être simplifiée, il n’en demeure pas moins que moults mécaniques sont bien mal introduites ou expliquées.
Il y a bien un tutoriel, plutôt bien fait par ailleurs, mais celui-ci demeure incomplet sur bien des points. Idem pour les dizaines de symboles en et hors combat dont une bonne partie devra être devinée au gré des parties. Et que dire de l’ergonomie du titre. À nos yeux, Darkest Dungeon II nous propose l’une des pires interface utilisateur qu’il nous ait été donné d’éprouver depuis des années.
C’est bien simple, il y en a partout. Alors parfois, il faut appuyer sur R3 pour avoir des explications, d’autres fois sur L3, et pour quitter le menu, il faut réappuyer sur l’un ou l’autre stick, ou peut-être sur O, quoique cela dépende d’où se trouve notre curseur, enfin, si on arrive à le retrouver. S’équiper devient une tannée sans nom. Et on ne parle même pas des quelques bugs qui nous ont carrément obligé à quitter le jeu car une touche ne répondait plus par exemple. Même le jeu arrive à se perdre dans son interface…
Alors, qu’est-ce qui nous pousse à y retourner ? Notre côté masochiste savamment titillé ? La glorieuse incertitude de l’exploration qui nous gratifie en permanence de surprises, bonnes comme (surtout) mauvaises ? Son système de combat complexe, complet et puissant à éprouver ? Sans doute un peu tout ça à la fois, mais surtout à petite dose si on veut éviter de voir voler la manette à travers la pièce…
Avant sa sortie console, nous attendions impatiemment la sortie de Darkest Dungeon II, et force est de constater que notre déception a été à la hauteur de nos espérances. Cette suite renie tout ce qui faisait les points forts du premier opus. On oublie la gestion de nos héros, l’investissement dans leurs potentiels afin de relever des défis certes ardus mais dont la difficulté pouvaient s’atténuer de manière concrète par nos efforts.
À présent, nous sommes face à un « simple » rogue-lite dont la progression a été mise en berne, sur lequel notre réussite dépendra en très grande partie de notre chance, et non plus de stratégies à moyen ou long terme. Darkest Dungeon II n’est pourtant pas foncièrement un mauvais jeu, malgré nos propos acerbes, et il pourrait plaire aux amateurs de rogue-lite en mal de challenge. Ses mécaniques sont rodées et malgré le côté hasardeux de l’ensemble, son ambiance Lovecraftienne a de quoi plaire.
Il en résulte toutefois à nos yeux une expérience bancale, loin de ce que l’on était en droit d’espérer après un excellent premier épisode. Les développeurs ont voulu prendre des risques et ne pas simplement proposer « le même en mieux », ce qui est à porter à leur crédit. Mais ils auraient alors été bien avisé de nous offrir plus d’influence sur les événements, et de limiter l’importance des conséquences de l’aléatoire. Pas de chance !