Divorce à l’amiable si on en croit les uns et beaucoup plus virulent si on en croit les autres, toujours est-il que la séparation entre Microsoft et Remedy est belle et bien consommée. Aujourd’hui, c’est 505 Games qui édite les jeux des Finlandais, notamment celui qui nous intéresse, l’intrigant Control. Alors après nous avoir fait voyager dans le temps, incarner un flic alcoolique dépressif et un écrivain pour une randonnée en forêt horrifique, que nous réserve Remedy ?
Sans surprise, un TPS très narratif dans lequel le surnaturel tient une place très importante, mais avec une petite particularité. Control se déroule dans un seul et unique lieu et s’articule comme une sorte de Metroidvania light, sans pour autant renier l’héritage des précédentes productions du studio et cela aussi bien pour le meilleur que pour le pire.
Control c’est une histoire simple. Simple, mais complexe dans sa forme. Comme d’habitude avec Remedy la narration et l’écriture sont une des pierres angulaires du jeu. On y incarne Jesse Faden à la recherche de son frère disparu depuis leur enfance, enlevé par une organisation gouvernementale secrète du nom de FBC – Bureau Fédéral du Contrôle -, sorte de FBI du paranormal. Devenue jeune femme, elle retrouve enfin la trace de son frère dans un building en plein cœur de Manhattan. Appelé l’Ancienne Maison, il s’agit du siège de l’organisme coupable du rapt de son frère et le lieu qu’elle recherchait depuis toujours pour trouver les réponses à ses questions.
Après quelques péripéties d’ordre paranormal et une rencontre perturbante avec le concierge, elle trouve le corps sans vie du directeur du FBC dans son bureau. Décidant d’élucider ce mystère, elle se retrouve propulsée « ailleurs » lorsqu’elle prend l’arme avec laquelle Trench, car c’est son nom, semble s’être suicidé. Elle devient alors, après l’approbation d’un mystérieux Comité, la nouvelle directrice de l’organisation secrète et doit faire face à une menace de taille qui a placé tout le bâtiment en quarantaine et vu la plupart de son personnel possédé par une entité immatérielle appelé le Hiss, caractérisé par une couleur rouge vive des plus agressives.
La force du récit
L’intrigue de Control est double, elle tourne autant autour du passé de Jesse que sur les événements qui ont cours au sein même de l’Ancienne Maison. Elle va devoir résoudre les situations urgentes, empêcher le Hiss de se propager et de rompre la quarantaine, tout en trouvant des réponses aux questions qu’elle se pose sur son passé. Pour ce faire, elle peut compter sur une entité qui vit en elle et avec qui elle partage son esprit depuis les événements tragiques de son enfance. Leur relation est une des composantes les plus importantes du scénario et l’une des très bonnes surprises du jeu, tant c’est bien amené. Polaris de son nom est un compagnon muet, mais pas dénué de personnalité.
De nombreux PNJ vont aussi se montrer utiles dans notre quête de savoir et notre combat pour reprendre en main l’Ancienne Maison. Ils sont tous plutôt stéréotypés et assez clichés, sans être inintéressants. Certains sortent du lot et s’affirme comme de bons personnages, alors que d’autres sont clairement juste des donneurs de quêtes et rien de plus. Pourtant on a droit à un très bon casting, une direction d’acteurs remarquable et des dialogues réussis, mais ce côté trop cliché concernant quelques PNJ finit par gêner un peu et cela va même jusqu’à leur look parfois. Il est clair que cela sert le récit et le genre très codifié dans lequel évolue Control, mais cela rend aussi les interactions avec ces derniers moins intéressantes.
Cependant, en ce qui concerne l’écriture, la mise en scène ou encore la narration, on ne peut pas dire que nous soyons déçus. Car comme de coutume avec Remedy, on est face à une histoire captivante aussi bien de par son intrigue principale que du background que l’on découvre et dévore si l’on est quelque peu féru de fantastique et de science-fiction. Oui, cela tient une importance capitale ici, tout tourne autour du principe du surnaturel par la science, même si certaines choses peinent à être expliquées rationnellement. On pénètre dans un univers dense et qui tient ses promesses de départ. Il faut donc avoir une certaine affinité avec le paranormal et l’étrange pour apprécier à sa juste valeur Control, sans cela vous ne réussirez pas à vous faire happer par l’atmosphère atypique qu’il distille.
Ceci dit, la force principale du récit réside principalement dans le personnage de Jesse et dans l’accomplissement de sa quête, alors même si c’est parfois assez cousu de fils blancs, surtout la dernière partie en fait, on en ressort assez enthousiaste. Aussi parce que l’univers interne au jeu est fort bien développé et est d’une intelligence de construction rare. Les développeurs, Sam Lake en tête, n’ont pas lésiné sur l’effort de créer un tout cohérent, allant même jusqu’à réserver de grandes surprises qui raviront les fans du studio. Si on retrouve quelques échos aux anciennes productions, comme les fameuses vidéos live-action, une mise en scène très pulp ou encore des émissions de télévision et de radio, cela va beaucoup plus loin que ça et ouvre la porte à de très grandes possibilités pour l’avenir.
Jessvania
Lorsque l’on vous dit que Control est dans la droite lignée de ses prédécesseurs, on ne vous ment pas, même si le game design change radicalement sur un point précis. L’intégralité de l’aventure se déroule dans l’Ancienne Maison, elle-même divisée en six différents secteurs qu’il nous faut visiter. On peut, à partir du chapitre 3, se rendre n’importe où et si certains accès sont bloqués, car nous n’avons pas les moyens d’y accéder pour quelque raison que ce soit, il faut revenir plus tard, lorsque l’on aura la bonne carte ou le bon pouvoir pour.
Ce principe s’appelle communément le Metroidvania et sans en être totalement un, car bien moins complexe dans ses mécaniques, Control gère plutôt bien la chose. Les différents secteurs regorgent d’endroits secrets, de quêtes annexes à accomplir et de choses à découvrir par nous-mêmes.
La navigation entre les différentes zones se fait via un ascenseur prévu pour ou par les points de téléportation que l’on débloque – qui servent aussi à monter de niveau et améliorer / acheter son équipement – en reprenant le contrôle de certaines zones au sein même des secteurs. La navigation est d’ailleurs très bien pensée et rappelle le meilleur des Dark Souls avec tout un tas de raccourcis à débloquer pour se déplacer plus facilement et rapidement. L’Ancienne Maison offre de nombreuses surprises, des endroits insoupçonnés, notamment ce qui est appelé le plan Astral, elle semble vivante et doté d’une volonté qui lui est propre, pouvant à l’envie changer sa configuration, voire créer des espaces praticables à partir du vide.
Le level design est par contre lui en dents de scie. On enchaîne les couloirs et les arènes à ne plus savoir qu’en faire, même s’il arrive que le jeu nous fasse la faveur d’en montrer plus et de laisser entrevoir tout son potentiel. Potentiel qui se confirme dans les deux, trois derniers chapitres, et fait regretter que Remedy ne se soit pas montré plus ambitieux sur la globalité du jeu et non pas seulement sur son dernier tiers. Car là les décors bougent en temps réel alors même que l’on combat, la réalité devient difforme et on en prend plein les yeux. Alors oui, il arrive que l’on traverse des endroits touchés par le Hiss, complètement déformés qu’ils nous faut remettre en ordre en contrôlant l’endroit – en le capturant en quelque sorte – ce qui replace la plupart des choses comme elles le devraient, mais on en attendait un peu plus.
Autre chose importante dans un Metroidvania, ce sont les boss qui marquent chaque fin de zone. Et Control se vautre en beauté sur ces combats. Ils sont pour la plupart insipides, sans imagination et ont comme seule arme l’appel de nombreux mobs histoire de palier le fait que finalement ils ne sont que pour la plupart de simples ennemis lambda avec une plus grande puissance de frappe et une barre de vie plus longue. Et c’est le cas, chaque boss deviendra ensuite un ennemi commun que l’on croisera ici et là.
On ne pensait plus voir cela de nos jours, alors qu’en plus on n’a même pas le droit à un véritable boss final, juste des vagues et des vagues d’ennemis classiques. Heureusement alors que les quêtes annexes permettent de se taper quelques bons boss avec des paterns demandant une vraie stratégie de jeu.
Max Alan Break is in Control
Et tout ceci est d’autant plus dommage que le gameplay lui est grisant au possible. Control nous propose comme Quantum Break une sorte de mix entre fusillades arme en main et utilisation de différents pouvoirs. Si cela était déjà une des forces du dernier Remedy, cela l’est encore plus ici du fait d’une seule chose, le flingue de Jesse.
Arme de service du Directeur, ce pistolet est en fait un objet de pouvoir. Ce sont des objets ordinaires du quotidien qui on ne sait trop pourquoi se voient dotés de spécificités surnaturelles, comme un frigo qui dévore les gens si on ne le fixe pas continuellement du regard sans même cligner des yeux par exemple. Alors, ils ne sont pas tous néfastes, et certains peuvent être utilisés et servir notre intérêt.
Notre arme de service fait partie de ces objets de pouvoir et n’est maniable que par le Directeur du FBC. Elle a la capacité de revêtir cinq différentes formes qui nous permettent de l’utiliser aussi bien comme fusil à pompe que comme lance-roquettes ou encore pistolet mitrailleur. Chaque forme peut être améliorée et se voir dotée de mods que l’on fabrique ou que l’on drop sur les ennemis ou dans des coffres. Véritablement bien pensée, cette pétoire permet de ne se concentrer que sur son combat, plus besoin de courir après des munitions sur les cadavres ennemis ou de ramasser des armes sur le champ de bataille, là cela se recharge tout seul grâce à un système de cooldown.
Système qui se couple parfaitement bien avec l’utilisation des capacités surnaturelles de Jesse. Elle possède un don naturel pour manier les objets de pouvoir et peut donc en capturer l’essence suite à des épreuves réjouissantes et utiliser les pouvoirs qui leur étaient associés. Le fait est que l’on peut balancer des objets sur la tronche des ennemis à coup de télékinésie, que l’on peut quasiment voler, se protéger avec un bouclier et même retourner un ou plusieurs assaillants contre les siens en le contrôlant. Tout ceci est régi par une barre d’énergie que l’on améliore en dépensant des points de compétence, tout comme les pouvoirs en eux-mêmes, certains proposant même quelques variantes intéressantes.
Control nous demande donc de constamment switcher entre nos pouvoirs et notre arme et de réaliser ainsi des combos dévastateurs. En jaugeant bien, il est possible d’attaquer, de se défendre et d’esquiver sans temps mort. Mais il faut aussi prendre en compte un bestiaire fourni, au character design globalement réussi et qui pourtant tourne assez vite en rond dès le milieu de l’aventure, malgré des ennemis touchés par le Hiss et possédant eux aussi des pouvoirs dévastateurs. L’expérience se montre assez répétitive durant une grande partie du jeu et cela manque parfois d’ambition. Remedy ne réussit toujours pas à nous proposer des set-up variés tout au long de sa proposition et Control connait en conséquence un gros coup de mou à un moment donné.
Pour autant, on ne peut pas dire que Control déçoit d’un point de vue de son gameplay. L’action est nerveuse et les combats jouissifs au possible la plupart du temps, et ce malgré un level design souvent mollasson. Tout l’écosystème mis en place autour des améliorations d’armes, des pouvoirs de Jesse, ainsi que de ces autres attributs comme sa barre de vie, est certes simple, mais suffisant. Il en va de même pour le loot qui nous permet de récupérer des mods ou des matériaux de craft, ainsi que des points à dépenser pour construire les composants qui nous intéressent. C’est épuré et facile de prise en main, parfait pour un jeu du genre, il y a même des quêtes répétables, certaines que l’on choisit dans un menu spécifique et rapportant des babioles et d’autres dites d’urgence qui interviennent aléatoirement.
Un monde d’artiste
Mais il n’y a pas que dans son gameplay que Control excelle, la direction artistique est aussi à mettre en avant comme il le faut. Remedy a toujours mis énormément d’énergie dans la création de ses univers et pas seulement dans le fond, mais aussi sur la forme. Ainsi, si Quantum Break avait un peu déçu, car un brin trop passe-partout, Control est tout autre. On trouve déjà une sorte de touche très année 80-90 sur le grain de l’image et sur les décors, avec un côté très X-Files aussi dans la mise en scène parfois. L’immeuble semble hors du temps et propose une architecture très encrée sur ces périodes, très vintage en fin de compte, avec aussi un mobilier dans la même tonalité. Ceci participe à amplifier ce côté pulp voulu par Sam Lake et ses équipes sur tout l’aspect science-fiction / paranormal du jeu.
Il faut aussi féliciter le studio d’avoir réussi à rendre un immeuble de bureaux si appréciable à découvrir, car si finalement les différents secteurs, mis à part quelques-uns, sont de base assez sommaires dans leur descriptif, avec la zone de maintenance par exemple, il y a toujours le petit plus qui fait que cela sort du lot rendant l’exploration réellement qualitative. On a souvent l’impression d’évoluer hors de l’espace normal d’un immeuble, aussi grand soit-il, c’est démesuré, cadrant parfaitement avec le contexte, l’Ancienne Maison semble s’adapter aux besoins de ses occupants, allant même jusqu’à combattre les lois de la physique et de la nature.
Et c’est bien lorsque le titre fait rejaillir son côté paranormal qu’il nous en met plein les mirettes. Entre les décors qui se transforment et bougent en temps réel, un peu comme dans Inception pour la comparaison, et les voyages hors du temps et de l’espace dans des lieux insoupçonnés comme dans le plan Astral, il y a de quoi rêver et s’émerveiller. Rien que le fait d’évoluer dans des couloirs et salles dans lesquels des personnes sous l’emprise du Hiss flottent dans les airs, comme endormis et en attente d’être activés est quelque chose de fantastique à voir. Control possède cette petite touche qui le rend unique en son genre et nous place face à de la véritable création artistique, et on parle ici autant du visuel que de l’aspect sonore qui se complètent parfaitement l’un et l’autre. Littéralement vertigineux par instant, c’est un périple en huis clos jubilatoire qui témoigne de tout le savoir faire d’un studio au sommet de son art.
Techniquement, c’est déjà plus compliqué pour Control, mais il faut tout de même tirer notre chapeau à la qualité élevée du niveau de détail des environnements et de ce qui les compose, mais aussi, et surtout au moteur physique qui fait de véritables miracles. La destruction des décors est proprement folle, rendant chaque combat totalement épique lorsque l’on utilise la télékinésie par exemple et que l’on détache des pans entiers de mur pour les envoyer valser sur nos ennemis. Quasiment tous les éléments mobiliers sont destructibles et c’est bluffant, on se noie dans une espèce d’apocalypse de destruction ultra violente et jouissive. Il en va de même des effets pyrotechniques et l’impact ressenti lors de l’utilisation de certains pouvoirs ou d’une forme donnée de notre flingue, l’impression de puissance est immense.
Malheureusement, le reste est très moyen. Il faut savoir que lorsque nous écrivons ce test, le patch day-one n’est pas disponible et devrait régler nombre de problèmes que l’on a rencontrés, supposément du moins. Tournant sur PS4 Pro, le jeu freeze, rame, plante et bug au niveau du menu et autres joyeusetés du genre. Il ne fait aucun doute que tout ceci va être patché, mais même si on met de côté tout cela, le jeu ne convainc pas pleinement. Il est certes détaillé à l’extrême et offre un moteur physique proprement hallucinant, mais n’est en rien un mastodonte technique. Quantum Break était même bien plus élaboré, mais le budget n’était pas le même et c’est là aussi que l’on voit que Remedy n’est plus financé par l’un des géants financiers de ce monde, d’autant plus que hormis les bugs et une synchronisation labiale totalement aux fraises en version française – la VO lui étant en plus très supérieure -, cela se tient sans être à tomber.
La fin ?
Que dire de plus sur Control, rien, car tout ce que l’on pourrait rajouter serait un spoil. Sachez néanmoins qu’une fois l’aventure bouclée, il est toujours possible de continuer de jouer, car le travail d’un Directeur ou d’une Directrice en l’occurrence ne finit jamais. C’est l’occasion de farfouiller à droite à gauche, de trouver quelques secrets, comme des tenues, ou encore d’accomplir quelques quêtes annexes laissées en suspend ou d’affronter des ennemis redoutables. Remedy promet du contenu à venir et on attend avec impatience de voir de quoi il retourne.
Enfin, nous tenons à vous prévenir que le test sera mis à jour si besoin lors de la sortie du patch day-one et si on juge que celui-ci règle la majorité des problèmes techniques que l’on a rencontrés lors de nos sessions de test.
Control est un objet assez insolite qui nous a fait ressentir différents sentiments durant la vingtaine d’heures que nous avons passées dessus. Témoin des fulgurances du titre, on ne peut que regretter qu’il faille attendre le dernier tiers du jeu pour qu’il se lâche totalement et montre enfin ce qu’il a réellement dans le ventre. Cependant, l’expérience fut grisante, aussi grâce à un univers artistique magnifique et un gameplay des plus réussis, presque l’apothéose du savoir-faire de Remedy en la matière. Les mécaniques de jeu sont bien rodées et l’apport des quêtes annexes, très bonnes pour la plupart, un plus indéniable.
L’aspect Metroivania est aussi réjouissant et adapté à un environnement comme l’Ancienne Maison, ainsi que simplifié pour coller au mieux au système de jeu du titre. En termes d’univers, Control réussit aussi très bien son coup, parvenant à nous happer dans sa proposition et rendre le tout extrêmement cohérent. Remedy excelle sur ce genre de chose et il en va de même pour la narration, l’écriture et la mise en scène, la patte du studio est bel et bien là pour notre plus grand plaisir.
Alors passés les quelques défauts, certains malheureusement rédhibitoires, comme la répétitivité ou les non-boss de la campagne, ainsi qu’un manque d’ambition en milieu de jeu, Control est une grande satisfaction accompagnée comme toujours avec les Finlandais d’une légère désillusion sur ce qui était attendu et sur ce que l’on a finalement eu. Mais ce n’est pas fini, les possibilités qu’il ouvre par la suite s’annoncent plus que prometteuses.