Cobra: The Awakening, l’adaptation du dessin animé culte des années 80, était aussi attendu que craint. Attendu, parce que c’est l’un des 4 ou 5 dessins animés, avec Goldorak, Albator ou Cat’s Eyes, à avoir lancé la fièvre du manga en France (qui reste le second marché mondial après le Japon), et à ce titre, Cobra possède une aura difficilement comparable. Craint, parce que c’est Microids qui est à l’édition, et que le français est régulièrement attaqué sur la qualité de son catalogue (parfois injustement).
Alors Cobra: The Awakening est-il cette sucrerie attendue par les quarantenaires, ou une énième adaptation cheap n’ayant pour objectif que de surfer sur la douce vague de la nostalgie ?
(Test de Cobra: The Awakening sur Xbox Series X réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Belmondo, Delon et le Rayon Delta
La France aime Cobra, et Cobra le lui rend bien. Ou l’inverse. Est-il en effet nécessaire de rappeler que le physique du personnage est inspiré du célèbre Jean Paul Belmondo, acteur en pleine gloire lors de la sortie des premières pages du manga, en 1978 ? Et Bebel n’est pas le seul acteur français des années 70-80 à avoir inspiré le regretté Buichi Terasawa, puisqu’Alain Delon est aussi l’un des visages de Cobra, le premier que l’on rencontre dans le jeu.
Ce dernier suit ainsi rigoureusement le déroulement de la série animée originale, celle vue en 1985 sur Canal +. On commence ainsi dans la peau de l’ancien Cobra, celui d’avant sa mort simulée et son opération de chirurgie esthétique qui lui permettra de disparaître aux yeux des pirates de l’espace. Chaque niveau du jeu est en fait un épisode du dessin animé, dont il reprend le titre, la trame, les décors… et de nombreux extraits.
Les cinématiques du jeu sont en effet de véritables scènes extraites du dessin animé. Un procédé malin, qui permet d’immerger dans la série le fan nostalgique, principale cible marketing du jeu, ou de la faire découvrir aux moins de trente ans, mais aussi d’économiser pas mal sur le développement de cinématiques originales.
C’est aussi un procédé qui est une forme d’aboutissement de ce en quoi se rêvait le jeu vidéo dans les années 80 : un dessin animé interactif. Quand est sorti le jeu Cobra de Loriciel, en 1986, il fallait encore une bonne dose d’imagination pour se croire dans les aventures du héros. Le vrai dessin animé interactif était si loin, technologiquement, presque hors de portée. Mais on en rêvait. Les courtes séquences digitalisées telles que celles, cultes, tirée du film pour le jeu Terminator 2 d’Ocean (1991), ou les expérimentations comme Dragon’s Lair, de Don Bluth (1983) montrent bien cette ambition de l’époque.
Et avec ce Cobra: The Awakening, on y est, on joue au dessin-animé de notre enfance ! Les décors du jeu reprennent bien les éléments d’ambiance (paysages, couleurs…) des séquences de l’anime dans lesquelles elles se déroulent, l’enchainement entre dessin animé et gameplay est plutôt fluide, aidé par le fait que tout a été redoublé avec un nouveau casting d’acteurs, pour unifier l’ensemble.
On regrettait, lors de notre preview, que les images du dessin animé n’aient pas été nettoyées, mais au final, c’est quelque chose qu’on apprécie, et qui permet de vraiment de replonger dans l’œuvre de l’époque. On regrette même que les phases de gameplay ne bénéficient pas d’un filtre ajoutant du bruit, par exemple, pour coller encore mieux aux scènes de l’anime.
De même qu’on avait trouvé le nouveau doublage un peu dans l’imitation de l’original, mais là encore, nous revenons sur notre première impression pour saluer le travail des acteurs. Les séquences animées ayant aussi été redoublées, il fallait trouver le juste équilibre pour une réinterprétation qui ne s’éloigne pas trop du matériau d’origine, ce qu’Alexis Victor (Cobra) et Marie Zidi (Armanoïde) réussissent parfaitement. On peut ainsi être un peu décontenancé par le ton particulier d’Armanoïde, mais il faut revoir un épisode original pour se rendre compte que c’est bien le ton du personnage original, en tous cas en VF.
Plus vif que le serpent, c’est Cobra
Mais alors, quand est-ce qu’on joue ? Si l’anime est au cœur du projet, il s’agit quand même d’un jeu vidéo. Et comment ne pas imaginer un jeu vidéo Cobra, qui possède donc un canon dans son bras gauche, sans penser à Mega Man, plus ou moins équipé de la même façon ?
S’inspirant assez largement de son illustre ainé de chez Capcom, Cobra: The Awakening est donc un jeu de plateformes mâtiné de run’n gun. La part belle est laissée au Psychogun (le canon dans le bras, donc), qui possède trois attaques différentes : une basique, une chargée, et une télécommandée. Mais Cobra peut aussi se servir de son revolver et de ses cigares explosifs. Et de ses poings, évidemment.
Un bel arsenal qui donne parfois au titre des allures de puzzle game ou de jeu de rythme, selon les niveaux. En effet, certains ennemis ne seront sensibles qu’à une seule de ces armes, et il faudra utiliser la bonne attaque sur le bon ennemi, au bon moment. Ajoutons à cela aussi une esquive, et l’on se retrouve à devoir conjuguer l’ensemble des capacités de façon parfois complexe : j’élimine le bouclier avec le Colt Python, j’esquive un tir, j’élimine ensuite l’ennemi précédent, désormais à découvert, et en même temps la tourelle via le tir télécommandé, j’esquive un nouveau tir, puis saute sur de dernier ennemi protégé par un champ de force pour l’éliminer à coups de poing. Voilà le genre de séquence que propose régulièrement le jeu.
L’exploration n’est pas négligée non plus, et des portes donnant accès à des donjons facultatifs sont plus ou moins cachées un peu partout. Derrière ces portes, des défis de plateformes, de shoot, ou façon puzzle game vous attendent, certains très simples, mais d’autres relativement corsés.
Le jeu de manière générale n’est pas particulièrement facile, même en mode « normal », et il faudra refaire certains niveaux plusieurs fois (au gré des gadgets supplémentaires qu’on glane pendant la partie) si l’on veut compléter l’aventure à 100%. On note d’ailleurs que les trésors déblocables manquent un peu d’intérêt : des « collectibles » servant à décorer le vaisseau qu’on ne voit même pas pendant les phases de gameplay. On aurait aimé avoir des documents d’archives sur Cobra, par exemple (ce qui pose probablement des problèmes de coûts en droit d’exploitation).
Avec Cobra: The Awakening, on est loin du titre minable prophétisé par certains, et Microids et Magic Pocket nous servent un jeu de très bonne facture, qui ne révolutionnera pas le genre, mais tout à fait agréable à parcourir pendant la douzaine d’heures que durera l’aventure principale, pas exempte de défis.
La direction artistique est très réussie pour un jeu de cette ampleur (un double A), avec un soin tout particulier apporté aux détails : des petites animations marrantes qui surviennent ponctuellement, comme quand Cobra doit échapper à ses poursuivant et adopte une façon de courir très « manga » ; des changements d’angles de caméra de temps à autre pour casser la routine ; ou encore la musique originale en japonais parfaitement réorchestrée.
C’est, de manière générale, un bel hommage rendu à l’œuvre de Buichi Terasawa (un tout petit peu épurée : le côté obsédé sexuel de Cobra, à la Nicky Larson, est ici complètement gommé) et une très bonne excuse pour s’y replonger ! Surtout que le jeu est proposé à prix accessible (autour de 40€).