Il y a quelques mois, lors de l’AG French Direct, conférence centrée sur les jeux indépendants, nous avons découvert avec ravissement Castaway. Développé presque en solo par Johan Vinet et son studio Canari Games, le titre s’annonce comme une lettre d’amour à l’épisode Game Boy de la saga du Hylien à bonnet vert, Link’s Awakening.
Disponible depuis ce 16 août 2024 sur consoles et PC au prix de 7,99 €, Castaway est, de l’aveu même du développeur, un petit jeu à destination de joueurs n’ayant pas forcément le temps ou les compétences pour s’investir dans une aventure plus imposante. Toutefois, les Zelda-like à l’ancienne se faisant de plus en plus rare, nous nous sommes lancés dans l’aventure afin de vérifier si le titre peut combler, à son échelle, notre soif de jeu du genre.
(Test de Castaway sur PS5 réalisé à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Erreur de casting ?
Les Zelda-like à l’ancienne nous manquent. Il y a bien eu les seconds opus de Oceanhorn ou Blossom Tales pour étancher notre soif, mais cela ne nous suffit pas. On croule littéralement sous les Souls-like, les Rogue-lite et les Metroidvania (pour notre plus grand plaisir), mais quand il s’agit de parcourir le monde pour explorer des donjons, il n’y a déjà plus grand-chose.
Alors, quand Castaway nous a été présenté, nos yeux se sont illuminés. Il est cependant un titre qui n’est intrinsèquement pas vraiment conçu, du moins semble-t-il, pour les habitués du genre : c’est même plutôt l’inverse. Car en proposant au lancement du jeu un mode « invincible » ou sans ennemis, on comprend qu’il sera d’abord une expérience pour les enfants, une théorie étayée par les propos du développeur qui pensait à ses deux jeunes filles en travaillant sur son titre.
C’est pourquoi, lorsque l’on analyse le jeu sous cet angle, certains rouages s’emboitent naturellement. L’histoire est simple, naïve et rapidement expédiée, afin de ne pas perdre l’attention de son jeune auditoire. Notre héros s’est crashé et des monstres locaux ont kidnappé son gentil toutou. Nous voici donc partis en quête de notre compagnon sur pattes. Ni plus, ni moins.
Ces trois qualificatifs concernant l’intrigue peuvent d’ailleurs être itérés sur tous les aspects du jeu. Les fameux donjons, inhérents au genre, sont basiques et extrêmement linéaires, de sorte qu’ils puissent être arpentés de manière naturelle même par un joueur inexpérimenté. Que ce soit l’environnement de jeu, le bestiaire ou même l’arsenal à notre disposition (à débloquer au fur et à mesure), tout est dans cette même lignée.
Ainsi, et vous l’aurez sans doute compris, l’aventure proposée par Castaway est particulièrement courte, surtout pour un amateur du genre. Nous avons bouclé une première partie en à peine une heure de jeu, avant d’en retenter une seconde qui ne nous a résisté qu’une dizaine de minutes. Et ce ne sont pas les modes Injuste ou Speedrun qui nous ont in fine empêchés de rester sur notre faim.
Même les néophytes pourraient avoir du mal à y trouver leur compte. Cette très faible durée de vie, et donc ce manque de contenu, reste selon nous une erreur de conception, quand bien même Castaway serait à destination des plus jeunes. En effet, il s’inscrit dans un genre qui a besoin, pour s’épanouir, de prendre son temps, notamment pour exposer ses mécaniques et faire évoluer sa formule, ce qui, ici, n’a bien évidemment pas le temps de se produire.
En effet, à peine avons-nous récupéré la pioche, permettant de débloquer un passage supplémentaire dans le monde, que déjà nous sommes dans le second donjon et y récupérons, quelques minutes plus tard, le grappin. Comment, dans ces conditions, pouvoir proposer des séquences de jeu un minimum intéressantes ? Et c’est le même constat côté puzzle, la caractéristique principale des Zelda-like, qui sont ici, forcément, pratiquement inexistantes.
Et puis finalement, nous avons compris. Le mode histoire n’est pas le cœur de l’expérience Castaway. Ce n’est qu’un tutoriel à peine voilé conçu pour nous faire découvrir les mécaniques de base du jeu. Ainsi, en partant de cette hypothèse, on comprend que, sous ses airs d’hommage à une licence se cache en fait une déclinaison de sa formule vers le Rogue-lite.
Un petit tour et puis s’en va
C’est donc une tour de cinquante étages à valider qui représente le principal intérêt du titre, et son véritable challenge. Chaque salle nous met face à divers ennemis à occire afin de débloquer l’accès à la suivante. Chaque adversaire vaincu nous offre alors quelques points d’expérience, matérialisés sous la forme de pièces à ramasser. Mais glaner ces piécettes, lesquelles disparaissent très rapidement, représente un risque à mesurer pour ne pas se faire rosser en voulant foncer les ramasser. Une manière astucieuse d’augmenter un peu la difficulté en nous poussant à prendre des risques qui n’en valent pas forcément la chandelle.
Car si les premiers étages sont assez simples, l’agencement des salles rend au fur et à mesure l’exploration bien plus périlleuse. C’est pourquoi, à chaque montée de niveau, nous avons la possibilité d’obtenir une amélioration à choisir parmi trois options aléatoires, telles qu’un bouclier (protégeant d’une touche par salle) ou plus de puissance pour une arme spécifique. Quoique cela ne soit pas bien original dans les faits, son association avec le genre est étonnamment pertinente et addictive.
Attention, malgré que cette tour soit le mode principal de Castaway, le résultat final reste modeste et ne rivalise évidemment pas avec les autres Rogue-lite du marché. Il ne faudra en effet qu’une petite poignée d’heures pour en atteindre le sommet, et ce pour deux raisons principales.
Premièrement, en ne basant cette ascension que sur les combats, globalement, la courbe de difficulté s’en trouve rapidement réduite puisque nous n’avons à répondre qu’à une unique problématique. Ce manque de variété dans les situations fait que l’on apprend très vite à les surmonter. N’aurait-il pas été plus intéressant d’intégrer des objectifs secondaires à divers étages, d’ajouter des boss intermédiaires ou d’intégrer des énigmes ?
Mais surtout, et c’est notre second point, qu’il est dommage que les étages qui composent cette tour ne soient pas générés de manière procédurale ! Cela aurait permis d’offrir au mode de jeu une dimension supplémentaire à moindre coût. Car on a finalement affaire là à un mode Rogue-lite qui a le séant entre deux chaises, et dont la seule part d’aléatoire réside dans les récompenses obtenues à chaque montée de niveau.
Ainsi, au lieu de n’être qu’un jeu d’une matinée, plutôt plaisant mais finalement frustrant, le titre aurait pu proposer une formule bien plus riche et complète. Alors il faut bien entendu garder à l’esprit que le jeu a été développé par une seule personne, et que de tels investissements en temps et en argent peuvent être insurmontables. Il est difficile de vraiment blâmer un résultat trop modeste à notre goût, mais le fait est là et même en sachant cela, on ne peut s’empêcher de penser que Castaway aurait pu proposer plus.
Dégager un sentiment au sortir de Castaway est moins simple qu’il n’y parait. Le titre est agréable à parcourir et a su nous contenter le temps d’une matinée. L’aventure, reprenant l’esthétique de Link’s Awakening, nous a offert une chouette dose de nostalgie et mélanger les formules Zelda-like et Rogue-lite est étonnamment efficace. On en redemande !
Mais, si on en redemande, c’est aussi car le titre n’a pas su pleinement remplir son office. L’expérience nous est apparue comme bien trop simple, à notre sens même pour un jeune public, et on termine les derniers défis avec un certain sentiment d’inachevé, comme s’il s’agissait là d’une occasion manquée.
Reste que Castaway est un jeu modeste dont le prix est à la hauteur de son contenu. Si vous êtes en mal de jeu du genre, ou que vous souhaitez le faire découvrir à de jeunes enfants, il représente une alternative tout à fait à même de répondre à vos attentes, si tant est qu’elles ne soient pas trop importantes.