L’histoire derrière Bright Memory Infinite n’a aujourd’hui rien de très original, même si elle reste de celle que l’on aime et que l’on chérit. En 2019, le développeur chinois FYQD Personal Studio sortit sur Steam un certain FPS/beat’em’up appelé Bright Memory: Episode 1 qui connut un véritable petit succès d’estime et commercial. Accès anticipé oblige, on nous promettait par la suite l’arrivée d’une version complète du jeu qui parut donc en mars 2020 sur PC, et fut même jeu de lancement des consoles Xbox Series. Mais voilà. Bright Memory avait du mal à se suffire à lui-même, proposant une durée de vie oscillant entre 30 et 45 minutes et on le savait, un épisode 2 ne verrait pas le jour.
Mais cela ne voulait pas dire que nous en avions fini avec le titre, puisqu’en lieu et place, FYQD Personal Studio annonça Bright Memory Infinite, une suite sans en être une, qui reprendrait les personnages déjà en place, tout en changeant quelque peu le scénario, le gameplay et l’aventure. Un jeu complet qui met en avant sa réalisation technique, sa direction artistique et le côté fun de son action. Alors, bonne pioche ?
(Test de Bright Memory Infinite sur PC réalisée à partir d’une version commerciale du jeu)
Alors si Microsoft, Nvidia et FYQD Personal Studio ont loué pendant toute la promotion de Bright Memory Infinite la tenue technique du jeu, notamment tout le travail effectué autour du RTX, on ne peut, nous, juger l’expérience proposée que sur ce seul critère. On reconnaît sans nous faire violence que le titre est beau, blindé d’effets (volumétriques, spéciaux, de lumière) en tous genres qui surchargent certes l’image, mais lui donnent aussi un cachet assez fou qui nous immerge instantanément dans cet univers high-tech fantastique qui marie élégamment la Chine des dynasties et la plus moderne, voire futuriste. Des artifices certes, mais qui permettent de masquer des textures souvent floues et quelques errances de modélisation et d’animation.
Attention néanmoins, il faut s’armer d’une bonne bécane pour faire tourner le jeu à fond avec le RTX au maximum, et même ainsi, il arrivera que le jeu connaisse quelque petits freezes et autres bugs mineurs, qui ne dénaturent pas l’expérience, rassurez-vous. Notre RTX 3070 Ti couplée à 16 Go de ram a été suffisante en 1440p pour faire tourner le jeu entre 50 et 60 FPS, avec le RTX en élevé.
Alors oui, on en prend plein les yeux. C’est solide, beau, artistiquement recherché et impressionnant lorsque l’on prend conscience qu’une seule personne a effectué tout ce boulot sur son temps libre. En voilà un qui mériterait qu’un gros studio lui propose budget et équipe pour le laisser faire un jeu d’une envergure autre que ce Bright Memory Infinite.
C’est l’histoire d’une histoire sans histoire
Parce que le reste, sans être mauvais, n’est pas non plus folichon. Le scénario tout d’abord est si vite expédié que l’on peine à s’y intéresser. Personnages, intrigue et autres enjeux nous sont totalement passés sous le nez et personne ne parvient à tirer son épingle du jeu. En bref, on incarne une nénette sans personnalité nommée Shelia qui fait partie d’une organisation spécialisée dans le surnaturel (SRO) et se rend sur les lieux d’une étrange tempête ayant fait apparaître un trou noir dans le ciel. De là, elle s’emploie à contrer les terribles plans d’un vilain général qui compte prendre le contrôle du monde en récupérant une étrange et puissante relique.
Le récit mêle science-fiction et fantaisie en dépeignant un futur réaliste (et cyberpunk) qui se heurte à l’apparition d’un monde parallèle qui renvoie visuellement à la Chine traditionnelle des dynasties d’antan, avec toute l’imagerie et autres figures mythologiques qui vont avec. Le récit est par contre lui assez pataud, peu intéressant, et ne prend jamais son envol, devenant même confus et perdant rapidement de son sens.
Très sincèrement, on n’y a pas compris grand-chose, le tout s’embourbant dans un néant narratif qui ferait passer DOOM pour du Balzac. L’univers, pourtant graphiquement fou, avec son trou noir apparu de nulle part qui aspire des pans de terre qui lévitent donc dans les airs et sur lesquels il nous faudra naviguer, est en cela totalement sous-exploité. Un scénario prétexte donc à nos futurs affrontements et qui n’a franchement aucun autre but que cela.
De bonnes idées qui s’essoufflent trop vite
Est-ce que cela nous a dérangés ? Non. On ne s’attendait à rien de ce côté-ci et si l’on a été un peu déçu, c’est parce que l’univers artistique aurait peut-être mérité d’être un peu mieux exploité par un contexte et une histoire. Ce que l’on attendait avant tout, c’était de prendre notre pied en découpant et en flinguant tout ce qui se dresse sur notre chemin.
Et là, nous n’avons pas été déçus. Le système de combat est un habile mélange entre fast-FPS et beat’em’up puisque l’on alterne constamment l’utilisation d’armes à feu et blanches, via notre épée, tout en utilisant nos pouvoirs issus de l’exo-bras durant des joutes nerveuses et grisantes.
Quatre armes sont au programme, du simple pistolet à un fusil à lunette, et toutes possèdent une pêche d’enfer et s’accompagnent d’un tir secondaire bien utile. On jongle alors très rapidement entre chacune de nos pétoires en fonction de ce qui se dresse sur notre chemin, et on utilise notre lame lorsque nécessaire et contre des ennemis bien particuliers et plus surnaturels que les simples soldats de base.
Très vite, on rencontre alors des spectres capables de se battre de différentes manières, aussi bien à l’épée qu’à l’arc, et on affronte même de gigantesques boss incroyablement beaux et balaises qui, sans nous avoir donné de fil à retordre, avaient au moins le mérite de diversifier un peu le déroulé de notre périple un peu trop linéaire et redondant à la longue. La faute à un bestiaire qui montre très vite ses limites, et qui ne réserve finalement que peu de surprises.
Tout le sel de Bright Memory Infinite passe donc par les combats et notre capacité à utiliser les différentes cordes que l’on a à notre arc. Il faut aussi prendre en compte aussi les quelques subtilités présentes. On peut par exemple se protéger des coups de feu et flèches ennemies avec notre épée et, si l’on effectue le mouvement dans le bon timing, renvoyer les projectiles à nos opposants. De même qu’au corps-à-corps parer au bon moment ouvre une fenêtre de contre-attaque.
Le terme fast-FPS n’est d’ailleurs ici pas volé, car l’immobilité est notre pire ennemi et il faut alors s’employer à toujours rester en mouvement, faire avec des packs d’ennemis aux capacités différentes et donc répondre très vite aux différentes attaques que l’on reçoit, et c’est donc toute une chorégraphie de gameplay qu’il nous faut apprendre et enregistrer pour réussir à nous en sortir sans trop de difficultés.
Alors oui, face à une certaine concurrence, Shadow Warrior en tête, Bright Memory Infinite fait un peu pâle figure, mais on n’est pas sur le même budget, et si certaines ambitions sont similaires et le public cible le même, il faut comparer ce qui peut l’être en toute objectivité. Néanmoins, une fois l’aventure bouclée, un sentiment de « trop court et pas assez » est omniprésent, d’autant plus que certaines features et autres compétences (notamment les AOE) présentes dans la première version ont été abandonnées ici sans aucune réelle raison.
Les différents pouvoirs se comptent ainsi sur les doigts d’une main, et ne sont pas tous très utiles, les combos à la lame pas assez élaborés et l’armement un peu chiche de manière générale. Le level design est très générique et les quelques séquences qui tentent d’apporter un peu de variété – on parle là d’un court passage en véhicule ou encore d’une petite partie d’infiltration – vraiment mauvaises et sans intérêts. FYQD Personal Studio aurait dû se concentrer sur le côté bourrin et technique du gameplay en lui apportant encore plus de subtilités que de tenter vainement d’apporter des phases de jeu autres qui n’amènent finalement pas grand-chose.
L’aventure se bouclant en moins de deux heures, on en ressort un peu frustré, surtout que les bonus à débloquer et la rejouabilité n’encouragent pas à se refarcir l’aventure. On a la vague impression d’avoir traversé un bout de jeu qui n’a eu qu’un début et qui, au moment où il aurait dû véritablement se lancer, se conclut sur un final aussi abrupt que décevant.
Dommage, car avec son univers onirique et technologique, quelques séquences folles, qu’il est inutile de vous spoiler tant il faut les chérir, et son gameplay enivrant, il y avait matière à pondre une vraie petite tuerie. Et c’est là que l’on se dit qu’il aurait peut-être fallu mettre de côté la technique et se pencher un peu plus sur le fond.
Bright Memory Infinite est un bel essai. Il est grisant, fou artistiquement, propose quelques séquences mémorables et sait se montrer aussi assez généreux par moment. Malheureusement, et même si c’est un tour de force technique, il est trop court, trop convenu et n’exploite pas assez bien son univers pour réussir à s’imposer comme LA bonne surprise de cette fin d’année.
Alors oui, il n’est développé que par une seule personne et il faut prendre cet état de fait en considération, mais pour 17 euros (ce qui est assez cher au vu de la proposition), il y a bien mieux et nettement plus complet à se mettre sous la dent, comme DOOM ou Shadow Warrior 2 par exemple. Tout ce que l’on espère, c’est que le jeu permettra à FYQD Personal Studio de se voir offrir de vrais moyens par de grosses structures, histoire qu’il ait enfin de quoi concrétiser ses ambitions.