Vous connaissez sans doute Daedalic Entertainment, le label qui a notamment publié Silence et Shadow Tactics: Blades of the Shogun. Ce sont également eux qui sont derrière Bounty Train, un jeu de gestion avec des trains, développé par les Canadiens de Corbie Games, qui vous fera revivre les grands événements de la formation des États-Unis à bord de votre locomotive. Qu’augure ce premier jeu pour le studio ? Réveillera-t-il le cheminot qui sommeille en vous ? C’est ce que nous allons voir dans ce test.
Bounty Train – Comment étendre son empire à partir d’une locomotive et d’un wagon
L’Histoire est en marche… enfin, en train
Dans Bounty Train, on se retrouve plongé dans les États-Unis de la seconde moitié du XIXe siècle. Cela fait moins d’un siècle que les colonies se sont séparées de leur mère patrie, l’Amérique est encore en grande partie inexplorée et les territoires se dévoilent peu à peu grâce aux aventuriers courageux qui s’enfoncent toujours plus profond à travers les terres, ouvrant la voie au développement des villes et à la construction du chemin de fer bien sûr, qui structure le paysage. C’est là que vous arrivez, vous, Walter Reed, fils du fondateur d’une compagnie de train de Portland. À la mort de votre père, ses parts dans l’entreprise sont redistribuées entre ses enfants et ses associés, et donc éparpillées aux quatre coins du pays. Votre objectif est de retrouver le monopole sur la compagnie, et pour cela il vous faudra rassembler 51% des parts avant votre ennemi, un ancien associé de votre père nommé Cornélius (qui a vraiment une tête de méchant-pas-gentil).
Vous allez donc devoir voyager à travers tout le pays pour retrouver les personnes détenant des parts de votre compagnie, et les convaincre de vous les donner. La quête principale est ainsi constituée de tâches dédiées à chaque personnage, pour lequel vous devrez bien sûr effectuer une action ou rendre un service avant qu’il ne vous donne sa part. Trouver des médicaments pour soigner une sœur malade, aider un frère à reconstruire son réseau, regrouper les ressources pour creuser un tunnel, autant d’étapes qui jalonneront votre parcours à travers les États-Unis.
Voici donc la trame générale de l’histoire, mais Bounty Train est bien plus fourni que ça ! En plus de la quête principale, vous aurez bien évidemment des quêtes annexes, des personnages que vous rencontrerez et qui auront besoin de votre aide pour se déplacer ou transporter des marchandises d’un bout à l’autre d’un État. Il est d’ailleurs facile de se perdre dans l’enchaînement des quêtes. Bien sûr, les missions sont variées et les trajets que vous effectuerez ne seront jamais les mêmes, mais il faut bien avouer que toutes les quêtes sont construites sur le principe « Amène tant de boîtes de ça là-bas » ou « Trouve des caisses de ci et ramène-les-moi », ce qui peut lasser à force.
Chaque mission réussie augmente votre réputation dans la ville à laquelle elle est liée, ou avec la faction considérée si vous interagissez avec des individus (soldats confédérés ou unionistes, bandits ou Indiens). Certaines missions ne sont disponibles que si vous avez une réputation suffisamment bonne, prenez donc garde à ne pas énerver votre interlocuteur si vous voulez continuer de faire affaire avec lui. De même, avoir une mauvaise réputation dans une ville vous empêchera d’accéder à certains commerces et vous coûtera donc des trajets supplémentaires pour vous ravitailler.
Le train-train quotidien
Toutes les villes que vous visitez sont construites sur le même principe et vous proposent les mêmes services de base : une gare, bien sûr, qui vous permet de faire monter des voyageurs dans votre train, une mairie avec laquelle vous devrez parfois traiter et qui vous donnera des missions d’approvisionnement, un hangar pour réparer votre train ou acheter de nouveaux wagons, et enfin le marché. Chaque ville contient également un bâtiment particulier : banque, hôpital mais aussi saloon ou armurier, il y a de quoi varier et de fait, les villes se suivent et ne se ressemblent pas tant que cela.
Pourtant, une routine s’installe vite dans Bounty Train : on arrive dans une ville, on vend ses marchandises si elles sont rentables, on en achète d’autres qui se vendront à prix d’or dans la ville suivante du parcours. Puis on fait un tour par le bureau de poste et la mairie pour voir les quêtes qu’on peut accomplir, on choisit quelques passagers qu’on transportera, et on redémarre pour une autre ville. Pour pimenter un peu cette partie, il faut prendre en compte la prohibition en cours dans certaines villes, qui interdit donc alcool et/ou armes. Il vaut mieux qu’on ne trouve pas de telles marchandises si vous passez dans une ville qui les interdit sous peine d’amende et de prison… mais d’un autre côté, vous pourrez faire fortune en contrebande si vous arrivez à les faire passer.
Les trajets entre les villes ne sont pas non plus exempts de tous événements : on rencontre souvent des campements au bord de la voie ferrée, qu’il s’agisse de civils, de soldats ou d’Indiens. Ces campements proposent souvent des marchandises à prix très bas, et on y rencontre parfois des mercenaires qui veulent vous vendre leurs services. Et des mercenaires (qu’on peut également embaucher dans les villes), il vous en faudra, parce qu’il vous arrivera régulièrement de déclencher un combat, soit parce que vous attaquez un campement, soit parce qu’on vous tend une embuscade sur le chemin.
Les combats, c’est ce qui vient rompre un peu la monotonie de vos voyages, ce sont des moments où on est bien plus actif que d’habitude. La mécanique est assez simple : notre train est bloqué en pleine voie et des assaillants arrivent d’un côté ou de l’autre, ou alors vous vous retrouvez poursuivi par des Indiens à cheval (eh oui, quand la locomotive va à 20 km/h, elle est facilement rattrapée par un cheval au galop !). Tous les bras armés que vous avez à bord participent à la défense : à vous de les poster dans des recoins stratégiques pour qu’ils puissent canarder un opposant sans être trop exposés. Comme il se doit, chacun de vos personnages a des compétences spécifiques qui vous seront très utiles en combat : invulnérabilité temporaire, précision, possibilité de soigner les alliés, mais aussi pompier ou réparateur : entre la chaudière de la locomotive et les wagons en bois remplis de marchandises plus ou moins inflammables, vous devrez souvent faire face à des départs de feu.
C’est là qu’on peut utiliser les civils transportés à bord du train, en les envoyant éteindre le feu pour permettre à tous les mercenaires de rester en poste à tirer sur les ennemis. Vos clients servent un peu de chair à canon puisqu’ils sont une cible potentielle pour les assaillants, mais que voulez-vous, c’est ça la dure vie des explorateurs ! Si l’un des personnages meurt, d’ailleurs, c’en est fini pour lui ; ce n’est pas trop grave puisque les mercenaires sont par définition remplaçables, ça peut être plus embêtant pour des personnages de quête (c’est dans ces moments-là qu’on apprécie la sauvegarde automatique).
Du bon, du brut et du truandage
Si les trains, c’est votre dada, vous allez être ébloui par Bounty Train. Le jeu fourmille de détails historiques, les différentes locomotives proposées sont des bécanes qui ont vraiment existé à cette époque et la précision est poussée jusqu’aux moindres détails : arrangement des roues, puissance de la chaudière, contenance du tender (qui contient le charbon)…
Bounty Train fourmille de détails historiques. On commence le jeu quelques années avant la Guerre de Sécession, et les divers événements qui jalonnent l’Histoire des États-Unis à cette époque sont repris dans le jeu. On rencontre parfois des personnages historiques, comme le grand Abraham Lincoln ou le Général Lee, qui sont souvent de simples clins d’œil puisqu’ils n’ont pas la notoriété qu’on leur connaît a posteriori. On ne voit cependant ces événements historiques que par le prisme du commerce et de l’impact qu’ont les conflits sur le cours des ressources, ce qui est un peu dommage et donne l’impression qu’on vous prend pour un capitaliste qui ne vit que pour l’argent. Vous ne prendrez jamais parti officiellement, mais selon vos actions, vos réponses aux missions qu’on vous donne et les personnes que vous attaquerez, vous aurez une entente plus ou moins forte avec les quatre factions présentes dans le jeu.
Vous pouvez le constater par vous-même sur les images qui illustrent ce test, Bounty Train n’a pas à rougir de ses graphismes pour un jeu aussi léger qui ne demande pas d’avoir un ordinateur de compétition pour y jouer, mais la palette de couleurs est assez fade. Les couleurs dominantes dans les villes sont le beige de la terre battue et le marron du bois, les seules touches de couleur sont les drapeaux, mais à part cela on a vraiment l’impression que tout, tout est couvert de poussière : ça nous plonge dans l’ambiance brute des westerns. En dépit de cette uniformité dans les couleurs, chaque ville a son identité propre, entre la rurale Knoxville, la pimpante Montgomery et l’imposante Washington.
Quand on commence le jeu, la musique est agréable, elle n’a pas vraiment l’air d’être d’époque mais il s’agit d’une bonne musique d’accompagnement. Enfin… on devrait plutôt parler de musique d’ascenseur : entraînante au début, mais très, très répétitive au bout de plusieurs heures de jeu. Puisque Bounty Train a une durée de vie très longue (peut-être 20–40h selon la manière dont vous jouez) avant que vous atteigniez l’objectif final de récolter 51% des parts de votre compagnie, on peut vous assurer que vous préférerez couper le son plutôt que d’endurer ce fond sonore qui n’a de toute façon aucun intérêt.
Conclusion de Bounty Train
Bounty Train propose des mécaniques de jeu finalement assez simples, qui fonctionneraient aussi bien dans un univers de science-fiction, mais il faut avouer qu’on se retrouve complètement immergé dans ce territoire pas encore unifié, où c’est toute une aventure pour se déplacer entre des villes distantes d’une centaine de kilomètres et où on risque à tout moment de se faire attaquer par des Indiens ou des bandits. L’aspect répétitif du transport de voyageurs et de marchandises entre les villes est bien compensé par la multitude de quêtes qui vous sont proposées. Bounty Train est donc un jeu de gestion très agréable pour qui est intéressé par les trains et l’Histoire, d’autant plus que, même si la quête principale est très directe, le jeu a une durée de vie plus que conséquente.