On connaissait déjà les équipes françaises de Don’t Nod Entertainment pour avoir donné naissance au phénomène Life is Strange en 2015, un titre qui a rapidement su décrocher le million de ventes. Passionnés de thèmes sombres et déroutants, les papas de Vampyr ne pouvaient que replonger les joueurs dans ce genre d’ambiance après le reposant Jusant sorti l’an dernier. C’est la raison pour laquelle un an après le trailer dévoilé au grand public, Banishers sort des ténèbres pour nous proposer une recette des plus originales.
En effet, le studio mise tout sur un action-RPG ésotérique dans lequel la vie rencontre la mort. En étant plus précis, Don’t Nod propose une mécanique de gameplay des plus inédites dans lequel les deux protagonistes, l’une morte et l’autre vivant, se relaient pour avancer dans le récit. Mais après avoir goûté à cet étrange périple, qu’en est-il vraiment ?
(Test de Banishers réalisé sur PS5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Les fantômes de New Eden
Banishers prend place à une époque qui a vu l’Europe et l’Amérique du Nord brûler sous les feux de la chasse aux sorcières, en 1695, dans la région fictive de New Eden. Ainsi, le titre vient poser ses bagages en terre maudite, au cœur d’un comté aux prises d’une étrange malédiction et d’esprits affamés. Inutile de préciser que l’aventure pose ses limites dans cette ambiance et que cette dernière a impacté notre expérience de jeu.
Des rites aux fléaux en passant par les cauchemars et les échos d’esprits, il serait malhonnête de dire que le titre de Don’t Nod ne respecte pas son thème. On essore le monde spirituel dans ses moindres anfractuosités et tous les univers de la sorcellerie sont saignés comme nulle part ailleurs. Ainsi, même si la production française viendra piocher des codes chez Evil West ou A Plague Tale, nous pouvons facilement déclarer que le jeu assoit avec aisance sa singularité et nous saisit on ne peut mieux de son univers glauque et pesant.
Le dilemme des amants maudits
Et c’est au travers de ce même univers que Don’t Nod rédige son idylle. En effet, Banishers met en lumière une histoire d’amour. Nous sommes plongés dans les peaux d’Antea Duarte et de Red mac Raith, un couple de Bannisseurs, des chasseurs d’esprits réquisitionnés aux quatre coins du monde pour déclencher l’ascension des bonnes âmes et bannir les mauvais vivants.
Banishers illustre une véritable ode à l’amour et confronte le joueur à un dilemme des plus déterminants : laisser partir la bien-aimée changée en fantôme en déclenchant son ascension ou bien la ressusciter pour que leur romance perdure par-delà la mort. Le jeu entier se concentre sur cette décision et chaque choix entrepris impactera le jugement final.
Ainsi, nous avons rapidement l’impression de faire partie du couple formé par Red et Antea, et la mécanique aux choix multiples instaurée par le studio nous place nous aussi sur le fil entre la vie et la mort, où le sentiment que chaque virage peut contribuer à la fin se fait très vite sentir. Il faut dire que l’argument principal du titre tient la route, puisque chacun des deux protagonistes viendra compléter l’autre.
Antea va libérer des passages auxquels Red n’avait pas accès avant, elle va déchiffrer des symboles ou bien débloquer de nouvelles compétences, rendant le couple plus puissant en combat. La dualité entre les deux personnages fonctionne et il devient essentiel de changer de personnage au milieu d’un affrontement ou en explorant les terres de New Eden. Cela rend chacun des deux membres du couple essentiel à l’autre et Banishers n’en devient que plus poétique.
Même morte, Antea continue d’aimer Red et le couple se soutient tout au long de l’aventure. Don’t Nod fait de nous les témoins d’une romance qui marche, avec un côté « nous contre tous » des plus appréciables. Nous finirons vite par suivre les aventures de nos tourtereaux comme un véritable long-métrage et prendrons un plaisir immense à entreprendre les décisions les plus réfléchies pour réunir Red et sa dulcinée.
Je tiendrai ma promesse
Mais la réflexion va être de mise dès lors que la question de la vie du monde est remise sur la table. L’histoire entre Antea et Red va sans cesse être remise en question au travers de quêtes appelées « cas de hantise », dans lesquelles nous sommes plongés au cœur d’une enquête pour savoir qui doit être puni parmi plusieurs personnes concernées. Nous nous remettrons alors en question en constatant que les survivants de New Eden veulent tous la même chose que nos deux héros.
L’histoire d’amour entre Antea et Red vaut-elle le sacrifice de dizaines d’êtres ? C’est tout le dilemme auquel le studio nous confronte et chacune des enquêtes menées fera un peu plus pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Il sera alors intéressant de constater qu’en plus de maîtriser notre destin, nous maîtrisons celui des autres, et le jeu attribue vite au joueur un statut d’être omniscient qui aurait le pouvoir sur toute la région de New Eden et sur les communautés de colons arrogants qui le peuplent.
Par ailleurs, Banishers remet ainsi en question notre égoïsme et interroge notre vision de l’amour : jusqu’où serions-nous prêts à aller pour sauver celui ou celle qu’on aime ? Sacrifier l’être aimé et épargner le monde ou sacrifier le monde pour sauver l’être aimé ? Nous avons là un aspect qui vient une fois de plus souligner la philosophie que le titre met en avant, accompagné par des dizaines de questions sur notre propre existence.
La vie appartient aux vivants, la mort appartient aux morts
Les terres de New Eden sont peuplées de tous les esprits possibles et imaginables et les créateurs de Red et Antea ont vraiment pensé à tout pour élargir le bestiaire de leur production, avec un rendu crédible à souhait. Corps incarnés, esprits vengeurs, colosses, lanceurs de flammes, tout contribue à rendre les affrontements jouissifs, et on ne tardera pas à alterner entre nos deux héros pour tester tout ce que nous offre le titre.
Les combats face aux fléaux fonctionnent et présentent même une grande facilité. Chacun des boss du titre sert et n’est pas seulement là pour nous barrer la route. Les enjeux sont réels, suivent l’enquête en cours, et l’équilibre entre un récit aux allures de film et un gameplay des plus agréables se ressent à travers l’intégralité de la production.
Banishers incarne la surprise de ce début d’année 2024. Le pari lancé par les équipes de Don’t Nod fonctionne et l’argument principal du titre apporté avec la dualité Red/Antea ne fait que nous convaincre, avec un duo qui se complète et un couple qui se bat pour la bonne tenue de sa romance.
L’univers du titre est pesant, les ambiances escomptées fonctionnent et se marient on ne peut mieux avec le thème du jeu. New Eden court à sa perte, le monde est en détresse et la malédiction ronge les côtes. Il est temps d’agir et seuls nos deux héros peuvent mettre fin à cette dernière. Le jeu dévoile tous les univers spirituels possibles et imaginables, ainsi le joueur sait immédiatement à quelle sauce il va être mangé.
Le titre est avant tout une ode à l’amour et les deux protagonistes continuent tant bien que mal d’écrire leur idylle au cœur d’un monde mourant et réduit à la merci des esprits. Le jeu nous place sur le fil entre la vie et la mort, avec des décisions à prendre tout au long du récit pour atteindre le jugement final qui permettra, ou non, de faire revenir Antea d’entre les morts.
On suit l’histoire à la manière d’un long-métrage, et même d’une enquête, où nous sommes sans cesse plongés dans la vie de tous pour rallumer la nôtre. Banishers installe alors un ton philosophique assez intéressant, remettant en question notre façon de voir les gens et l’amour. Chacune des enquêtes se montre déterminante pour la suite et cet aspect rend le tout encore plus pertinent.
Les affrontements du titre sont bien pensés, mettent en lumière la dualité instaurée et le bestiaire est vraiment appréciable. Les combats ouvrent sur des possibilités de gameplay qu’il devient essentiel d’explorer. Les boss sont variés, équilibrés et s’imbriquent dans l’histoire sans servir de décoration. Cela rend le tout vraiment crédible et attache à nouveau à l’histoire un sérieux qui, lui, est bien resté vivant.