Soyons honnêtes, on n’attendait pas le studio anglais Rebellion sur ce terrain-là. On a dû voir passer un premier trailer lors d’une conférence, mais franchement, on ne s’en souvenait pas. Non, Atomfall n’a réellement attiré notre attention qu’au cours de ces derniers mois. En explorant ses différents trailers de lancement, on a commencé à le surveiller de près, de très prés.
Au départ, on l’a vaguement assimilé à un Fallout champêtre. Pourquoi pas, après tout. Et puis non, les images qu’on nous proposait ne collaient pas. Il y avait autre chose qui nous interpelait. Quelque chose de plus viscéral, de plus enfoui aussi. Quelque chose dont on porte encore la marque mais sur laquelle le temps, le manque d’audace et de créativité, a décidé de faire son œuvre.
Tout était pourtant sous nos yeux depuis le début. Atomfall ne prenait pas ses racines dans les terres à terres désolées d’un Fallout, mais bien plus profondément sous terre, sous la surface des apparences, dans celles de BioShock… Allez ! Sortez de vos abris anti-atomiques, c’est le moment du verdict.
(Test du jeu Atomfall effectué sur PlayStation 5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Help !
Atomfall est donc un jeu en monde ouvert à la première personne, qui prend place dans une région d’Angleterre alternative des années 60 ravagée par un incident nucléaire. Alternative, pas tant que ça, quand on sait que l’incendie du véritable site nucléaire de Windscale en 1957, dont s’inspire le jeu, fut l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire, laissant des retombées radioactives sur une grande partie du Lake District, cette région montagneuse située dans le nord-ouest de l’Angleterre, forçant déjà à l’époque la gestion d’une catastrophe radioactive.
Cinq ans après, la campagne anglaise du comté de Cumbria, jadis paisible, est désormais un territoire de quarantaine où règnent la désolation et le danger. Le joueur incarne, en 1962, cinq après l’incident, un protagoniste amnésique qui doit reconstituer le puzzle d’une catastrophe passée et trouver, par tous les moyens, une solution pour s’enfuir. Libre à vous, dans cette uchronie post-apocalyptique, d’en faire ce que vous voulez.
Helter Skelter
D’entrée, Atomfall et son monde ouvert se démarquent par une approche singulière du genre aventure-action. L’histoire, qui s’articule autour de la découverte de la nature exacte de ce monde abimé, propose plusieurs arcs narratifs entrecroisés menant chacun à des choix décisifs. La force du jeu repose sur une structure intégralement non linéaire. Ici, pas de mission principale imposée ni de quêtes secondaires balisées : les indices et les rencontres se découvrent au fil de votre exploration et l’information, que vous consignez dans votre carnet, devient donc une ressource aussi précieuse que les armes de fortune, les balles ou les rations de survie.
On parlera donc d’une progression en étoile ou plutôt en toile d’araignée. Comprenez par là que même en coupant un fil, vous ne tarderez pas à en trouver un autre qui vous rechargera en dopamine en vous raccordant au mystère principal.
Dès votre sortie du bunker L8 où vous vous éveillerez, libre à vous donc d’enquêter sur le site du crash de cet hélicoptère que vous distinguez au loin, ou bien de descendre doucement la colline pour rejoindre ce petit village plus accueillant. Ou bien encore de répondre à l’une de ces fameuses cabines téléphoniques anglaises qui semblent sortir de terre un peu partout dans la lande et qui se mettent à sonner à votre approche… Pendant la vingtaine d’heures nécessaire à votre quête, votre partie ne ressemblera à aucune autre.
Everybody’s Got Something to Hide Except Me and My Monkey
Pour progresser, il ne faudra pas accorder votre confiance au premier venu. On comprend vite que tout ce petit monde ouvert en vase clos joue un double jeu. On vous ment, on vous dissimule une multitude de secrets parfois trop bien gardés. Et puis il y a cet “échangeur” que beaucoup évoquent. Mais de quoi peut-il bien s’agir ? Certains en parlent comme d’une vieille légende, tandis que d’autres en disent moins qu’ils ne le laissent croire. Mais à qui accorder votre confiance ? Quelle attitude adopter ? Les choix et les cas de conscience sont pléthore dans Atomfall.
Alors pour en savoir plus, il va falloir compter sur vous seul, gratter la surface, lire entre les lignes de vos échanges et s’infiltrer dans les entrailles de cette contrée. Toute la région est truffée de galeries souterraines, de mines, de bunkers et de caves abandonnées, de sous-bois infectés ou d’installations high-tech en sommeil. Toute la map regorge de secrets inavoués et de mystères à éclaircir. Et c’est la grande force du jeu.
Let it Bleed
Si l’ambiance du jeu pose les bases d’une expérience immersive (pas d’indicateurs de quête, uniquement une carte dans votre sac à dos), la survie elle-même est un défi de chaque instant. Les munitions sont limitées, l’endurance du personnage est constamment à surveiller et chaque affrontement peut s’avérer fatal. La faune et la flore mutantes constituent une menace omniprésente. Un simple contact avec ces derniers peut entraîner hallucinations ou autres effets déstabilisants.
Les combats, eux, se veulent réalistes et punitifs. L’absence de réticule oblige à viser avec précision, et la gestion des armes impose un maniement minutieux. Une animation de rechargement trop longue peut signifier la mort face à un ennemi rapide, et le choix des armes, influe directement sur la dynamique des affrontements.
Furtivité et patience deviennent alors des atouts précieux pour espérer survivre dans cet environnement, mais au final, pas plus que dans un Resident Evil, un Metro ou un Stalker. Souvent d’ailleurs, une fuite salutaire vaudra mieux qu’un combat perdu d’avance. Un petit arbre de talent, juste comme il faut, vous permettra d’augmenter les compétences qui correspondent à votre style de jeu. Pas d’inquiétudes, le survivaliste artisan et économe terminera le jeu, comme d’habitude, avec de quoi attaquer la tour de Londres s’il le souhaite.
Sympathy for the Devil
L’un des aspects les plus fascinants d’Atomfall réside donc dans la liberté totale offerte au joueur. Contrairement aux jeux à narration linéaire, ici, ce sont vos décisions et surtout votre exploration qui façonnent l’histoire. Ici, toute la narration est organique. La gestion des PNJ en est une preuve : aucun personnage n’est essentiel à l’intrigue, ce qui signifie que tuer un donneur de quête ne bloquera pas un pan entier du jeu, mais modifiera simplement la façon dont les événements se déroulent.
Pour ne pas faire fuir complétement le joueur habitué à des expériences plus dirigistes, le titre proposera plusieurs styles de jeu, allant d’un mode guidé avec des indices clairs à une approche totalement libre, où chaque découverte dépend uniquement de la curiosité du joueur. Cette flexibilité permettra d’adapter l’expérience à chacun, mais ceux qui choisiront la voie la plus immersive et recommandée par les développeurs devront accepter de se perdre, parfois littéralement, dans les méandres de cette portion d’Angleterre contaminée.
You Can’t Always Get What You Want
Techniquement, il ne faudra pas avoir d’attente démesurée. Malgré une direction artistique maîtrisée et un 60 fps jamais pris en défaut sur PS5, il faudra pardonner à Atomfall l’I.A. perfectible de ses ennemis, certaines textures et des modèles 3D au teint cireux tout droit sortis du musée Tussauds. Sur ces aspects, le moteur de Rebellion accuse son âge. Tenez-vous le pour dit.
Pas très grave, le jeu est un AA assumé qui mise avant tout sur la singularité de son ambiance, de son exploration et de son écriture. Aussi, pour les anglophobes, le jeu n’offrira qu’une piste audio en anglais sous-titrée. Mais comment penser jouer à pareil jeu sans laisser rouler à votre oreille l’accent du nord de l’Angleterre ? Ce ne serait tout simplement pas convenable.
Son approche non linéaire, son atmosphère inquiétante digne d’un épisode du Prisonnier, son quest design et son écriture pleine de mystères font d’Atomfall le petit joyau (à polir) de la couronne, une aventure aussi intrigante qu’hypnotisante.
La compacité de ce monde ouvert à huis clos et ses différents fils narratifs fascinent du début de votre périple jusqu’au(x) fin(s) où votre exploration et vos choix vous auront conduit. Que vous soyez plus Beatles que Stones, ou l’inverse, n’y changera rien, il vous faudra jouer les deux partitions, explorer, expérimenter et combattre.
L’exigence de ses mécaniques et certains aspects de sa réalisation ne conviendront pas à tout le monde, pouvant ainsi nuancer son appréciation. Pourtant, avec Atomfall, Rebellion propose une première mouture marquante, qui finira, d’une manière ou d’une autre, par s’imposer dans votre ludothèque. Vous voilà prévenus !