La saga des Assassin’s Creed est incontestablement l’un des plus gros succès de cette dernière décennie. La série aux célèbres assassins nous a fait voyager à travers le monde et les époques mais s’est malheureusement essoufflée au fil de ses épisodes. Succès et argent obligent, Ubisoft nous a habitué à sortir un opus par an. Toutefois, la firme française a dû revoir sa copie au vu du retour mitigé de ces derniers titres. Assassin’s Creed Unity a révélé la faille du développement hâtif et bâclé et Assassin’s Creed Syndicate, dernier épisode en date, a confirmé cette perte évidente de vitesse et d’intérêt.
Ainsi, Assassin’s Creed Origins a mis non pas un an mais bien deux années pour sortir (le développement ayant commencé dès 2014). Ce délai de production supplémentaire est-il suffisant pour prétendre à un épisode digne de ce nom ? Ubisoft a-t-il appris de ses erreurs passées et de son calendrier marketing despotique ? Pour répondre à ces questions, on retourne pour une sixième fois dans l’animus en pleine ère de l’Egypte antique.
Bayek et sa quête de vengeance
Oubliez tout ce que vous savez de la confrérie des assassins. Comme son nom laisse facilement deviner, Assassin’s Creed Origins revient à la genèse de la société secrète et casse tous les codes qui ont fait la renommée (et la décadence) de la série. En effet, Assassin’s Creed Origins fait évoluer le genre de la saga, certaines mécaniques de gameplay et sa portée pour un rendu aussi réussi qu’inattendu, mais nous reviendrons en détails sur ce point un peu plus tard.
Assassin’s Creed Origins nous raconte l’histoire de Bayek, l’un des derniers Medjay (élite militaire) patrouillant en Egypte antique. Nous sommes précisément en -49 et la mort gronde. Bayek est en quête de vengeance et va devoir assassiner un à un les responsables de la mort de son fils. Notre nouveau héros déchu n’est animé que par cette vendetta mais il va très vite se confronter à un mal bien plus grand : l’ordre des anciens, une sombre organisation tirant les ficelles politiques et militaires dans l’ombre. Vous l’avez compris, nous aurons affaire aux début des templiers. Le socle scénaristique manichéen reste donc vraisemblablement identique aux autres opus, surtout qu’un pan du jeu se fait au temps présent, en dehors de l’animus.
Néanmoins, Assassin’s Creed Origins ajoute une profondeur fort bienvenue dans son histoire, qui prend le soin de s’écouler convenablement tout au long du jeu. On se prend très vite d’affection pour Bayek et son passé, ce qui renforce l’immersion du titre. De la vendetta personnelle découle un enjeu colossal et ce glissement de proportion se fait de façon naturelle avec un dosage maîtrisé de bout à bout. Rien qu’ici, on s’aperçoit que le temps supplémentaire dédié à cet épisode a permis une réflexion plus poussée sur la forme du scénario, évitant ainsi les raccourcis déplaisants et les quêtes « de remplissage ».
Le Sorceleur n’est pas loin
L’Egypte devient donc notre nouveau terrain de jeu, et quel terrain ! La carte du monde est vaste et les paysages sont assez variés pour n’avoir aucune impression de déjà-vu. Désert, marécage ou encore clairière, Assassin’s Creed Origins repousse ses limites dans son monde ouvert, aucune restriction, vous êtes libre d’aller où bon vous semble mais attention à la différence de niveau. En effet, chaque zone affiche un niveau à avoir pour l’explorer « tranquillement ».
Oui, Assassin’s Creed adopte pour la première fois la notion de niveau lié à l’expérience. Je le disais un peu plus haut, des pures notions de jeu de rôle ont été adoptées. Vaincre un ennemi, accomplir une quête ou encore explorer les nombreux lieux vont feront gagner de l’expérience. Une fois une jauge remplie, vous passez un niveau et vous gagnez par la même occasion un point de compétence à distribuer dans votre arbre à compétences. Il est inconcevable de ne pas penser à l’influence évidente de The Witcher 3: Wild Hunt, autre gros succès de ces dernières années. Même l’équipement affiche dorénavant un niveau qu’il faudra atteindre pour équiper l’arme en question.
Assassin’s Creed Origins s’est beaucoup inspiré du gameplay du soft de CD Projekt, à commencer par ses combats revus et améliorés. Finis les affrontements linéaires où il suffisait d’attendre et de contrer l’ennemi, les combats se veulent plus dynamiques et difficiles, surtout que les opposants n’hésitent plus à attaquer tous en même temps, sans compter les flèches au vol. En résulte un titre plus difficile que ses prédécesseurs, on meurt souvent par mégarde, submergé par l’ennemi.
Notez que le jeu possède les trois modes de difficulté traditionnels, de quoi contenter tous les types de joueur. Et on meurt assez souvent en mode difficile…
Le moins Assassin’s Creed des Assassin’s Creed
Avec toutes ses nouveautés et ses changements, on pourrait penser qu’Assassin’s Creed Origins s’éloigne de l’âme de la saga originelle mais il n’en est rien. Même si les phases de discrétion, d’escalade et même d’assassinat ne sont plus mises en avant, Assassin’s Creed Origins reste un digne épisode de la série, qui mûrit et apprend simplement de ses lacunes. Le titre prône la liberté d’action et d’exploration. Attention, le jeu n’est pas exempt de défauts. On commence par ses poignées de bugs qui perdurent malgré les nombreux correctifs à ce jour. PNJ bloqué, animaux sauvages dans les airs, petits ralentissements sans raison apparente, ça reste léger mais il suffit d’un rien pour casser l’immersion totale et se rappeler que nous avons affaire à un jeu par Ubisoft.
Autre déception, cette fois de taille, avec la bande-son signée l’inconnue Sarah Schachner. Assassin’s Creed Origins possède quelques morceaux de qualité mais ils ne sont pas du tout mis en avant. Le pari reste néanmoins réussi dans la mesure où l’ambiance reste intacte et la musique colle parfaitement à l’univers des pharaons. On regrettera cependant le maître Austin Wintory qu’on aurait aimait le revoir à la charge d’une grosse production (il a signé l’OST d’Assassin’s Creed Syndicate).
Enfin, on n’échappe aux traditionnelles quêtes sans intérêt. Bien qu’elles représentent une minorité dans cet épisode, les missions FEDEX restent une plaie et cassent le rythme du soft, surtout si vous êtes un complétiste qui aime tout faire, missions secondaires inclues.
Assassin’s Creed Origins est une pure réussite et une belle preuve qu’Ubisoft apprend de ses erreurs. Qu’il est bon de revoir un souffle nouveau réanimer toute une saga en perte de vitesse ! Ubisoft arrive non seulement à renouer avec ses fans d’antan mais également à attirer un nouveau public plus adepte des jeux de rôle. Le mariage entre les genres se veut comme une évidence et la région sélectionnée, l’Egypte donc, a les épaules assez larges pour endosser cette prise de risque.
Que ce succès, que ces éloges ne changent pas les plans de l’éditeur, qu’il n’accélère désormais plus son planning de sortie. S’il y a une bien une moralité à rédiger, c’est bien de prendre son temps pour développer son jeu. Assassin’s Creed Origins en est la meilleure preuve à ce jour. Bravo à toutes les équipes d’Ubisoft.