On avait rencontré Dotemu aux coté de Lizardcube pour la sortie, en 2017, du remake parfait de Wonder Boy: The Dragon’s Trap, qui reste aujourd’hui encore parmi ce qui se fait de mieux dans le genre. Les deux structures ont fait du chemin, mais ne se sont jamais trop éloignées de SEGA. Ainsi, quand Lizardcube ressort un Shinobi, Dotemu nous propose Absolum, une sorte de variation sur le modèle de Golden Axe.
Mais le beat’em up culte de SEGA a-t-il encore sa place en 2025 ? Le choix de le « Roguerniser » (soit, le moderniser en y mettant des éléments de Rogue-like !) était-il le bon ?
(Test d’Absolum réalisé sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Le catalogue de Dotemu est aussi flamboyant qu’il est constitué de jeux à licences : les super-héros de chez Marvel (Marvel Cosmic Invasion), les Tortues Ninja (Shredder’s Revenge), ou même les résistants aux Cylons du Battlestar Galactica (Battlestar Galactica: Scattered hopes, à venir en 2026). Aussi, nous accueillions avec étonnement l’univers original d’Absolum, première véritable création signée Dotemu. Pour ce nouveau titre, le français s’adjoint ici les services de Guard Crush Games, avec qui il avait déjà collaboré sur Streets of Rage 4, et de Supamonks, studio montpellierain d’animation.
Se faire plaisir avec un univers bien installé, et faire partager ce plaisir, c’est une chose (dans laquelle Dotemu s’est montré plus que compétent) ; développer et imposer son propre univers, c’est un défi d’une tout autre nature. Pour que cette mission connaisse le succès, le paquet a ainsi été mis sur tout ce qui permettra d’être séduit par le monde d’Absolum. Une identité graphique affirmée, une réalisation riche et soignée, avec notamment une animation très réussie et un doublage systématique des dialogues (en anglais ; les sous-titres sont disponibles en français), mais aussi un game system qui permettra de faire connaissance progressivement avec l’univers.
Insert Coin
Après une courte (mais très cool) introduction façon « saturday morning cartoon », comme disent les américains, ou « dessin animé du mercredi après-midi », plutôt, chez nous, on est directement plongé dans le bain : on choisit parmi deux personnages, un nain ou une elfe (d’autres les rejoindront un peu plus tard), et on part taper du gobelin, du loup, ou du bernard l’hermitte (??!) dans des tableaux à défilement horizontal.
La filiation avec Golden Axe saute rapidement aux yeux, et pas uniquement parce qu’on est face à un beat’em up ayant pour décors un imaginaire fantasy. Certes, pas de barbare en slip ou d’aventurière en bikini (du casting original du jeu de SEGA, il reste le nain barbu), mais bien d’autres points communs viendront nous rappeler qu’Absolum se place bien en héritier de Golden Axe. Parmi les plus évidents, on citera les montures que l’on peut subtiliser aux ennemis pour un temps donné, et le petit personnage qu’il faudra éhontément rosser pour lui subtiliser quelques consommables.
Mais parce que la borne d’arcade Golden Axe a aujourd’hui 36 ans, Dotemu ne pouvait pas se contenter de nous proposer un hommage au jeu de SEGA, aussi fidèle et réussi soit-il. Ainsi, la formule a été modernisée, esthétiquement, évidemment, en termes de combat, aussi, puisqu’une mécanique de parade et de contre, dont la maîtrise sera impérative, vient s’en mêler, mais aussi et surtout en y ajoutant un volet exploration, et des éléments de Rogue qui feront immanquablement penser à l’un des derniers grands succès du genre : Hades.
Wonder (Hell)Boy
Comme il avait donné aux gros pixels de Wonder Boy un aspect anime, Dotemu offre à Absolum un véritable aspect comic-book en mouvement. Avec des couleurs très contrastées, un trait anguleux et un détourage systématique de tous les éléments présents à l’écran, on a parfois l’impression de voir des pages de Mike Mignola (Hellboy, Gotham By Gaslight…) s’animer à l’écran ! Les décors sont variés, et c’est l’une des récompenses organiques du jeu : on se démène pour progresser aussi parce qu’on veut découvrir les prochains panoramas, les nouveaux designs de compagnons et d’ennemis…
Des découvertes qui vont de pair avec ce qu’apporte le jeu au système de Golden Axe : l’exploration, et les embranchements qui s’ouvrent de parties en parties. Lors d’un run, on passera par exemple devant une grille fermée, que la suite du parcours nous permettra d’ouvrir. Si on ne retourne jamais en arrière pendant une partie (les canons du beat’em all !), le prochain run nous donnera l’opportunité de repasser devant la même grille, mais ouverte cette fois, et de découvrir une nouvelle section du jeu, et de nouveaux défis.
On parle de « parties en parties », car, vous l’aurez compris, le jeu a cette composante Rogue-like qui fait que chaque mort apporte son lot d’héritages à la partie suivante. Différentes monnaies in-game récoltées pendant la partie précédente permettront de s’armer de diverses améliorations et nouvelles compétences dans la parte suivante.
Cependant, on n’arrive pas forcément « plus fort » la fois d’après, et on ne roule pas sur le jeu après un vingtaine d’essais, car le jeu évolue avec nous, et les combats peuvent se montrer (ce n’est pas systématique) aussi plus difficiles de run en run. Cela dit, on hérite aussi de sa propre connaissance du système de combat et de magie, des synergies qui peuvent se créer en fonction des différents rituels (les capacités spéciales des personnage) qui nous seront proposés, comme dans Hades, de façon aléatoire à la fin de certaines sections des niveaux.
Ré-beat-titivité
Les jeux sur borne d’arcade, comme les jeux consoles des générations 8 et 16 bits exigeaient des joueurs qui voulaient en voir la fin qu’ils le parcourent d’un bout à l’autre d’une seule traite, en une seule partie. Ceux qui ont connu, ado, les Mega Drive et SNES ont tous une anecdote sur le fait d’avoir laissé la console allumée sur « pause » pendant la nuit, ou pendant toute une journée passée à l’école, pour retrouver leur progression à leur retour devant l’écran…
Cette exigence se retrouvent donc dans Absolum. Pour voir la fin, il faudra réussir à traverser la carte d’une seule traite, sans sauvegarde, sans voyage rapide. Ce qui signifie retraverser l’ensemble des niveaux, battre tous les boss les uns après les autres… Il est évident qu’on n’y arrivera pas la première fois, ni la cinquième, ni même la dixième.
Le jeu porte ainsi en lui cette répétitivité propre au genre dont il s’inspire, inévitable, et qu’on ne questionnait même pas en 1995 tant il était alors naturel que finir un jeu signifiait le parcourir de bout en bout en une seule fois. Mais est-ce pertinent 30 ans après… ? Certes, le système d’exploration ajouté vient proposer un peu de variété, de même que les combats ne sont jamais exactement les mêmes aux mêmes endroits (sauf les boss). Mais le sentiment de refaire un peu toujours la même boucle l’emporte, et risque de fatiguer rapidement le joueur le moins à même d’y voir l’hommage au beat’em up classique.
Au final, et c’est probablement là l’apanage des œuvres bien pensées, la forme illustre le fond, ou, ici, le gameplay représente le projet du jeu. On joue une série de personnages qui héritent (c’est le terme employé en jeu) des parties précédentes, et s’enrichissent de l’expérience passée, comme Absolum est un beat’em up de 2025, héritier des grands classiques à la Golden Axe, et qui a su s’enrichir des Rogue-like contemporains tels Hades. Comme une mise en abyme du projet dans le game system.
Bien entendu, vouloir refaire un Golden Axe en 2025, même modernisé, ne conviendra pas à tout un chacun, notamment du fait d’une certaine répétitivité, inévitable pour un tel jeu. Mais avec les embranchements apparaissant au fur et à mesure des runs, et ce style graphique très accrocheur, le trio à l’œuvre fait aussi ce qu’il faut pour séduire les joueurs attirés par autre chose que l’hommage rétro. On ne peut qu’applaudir Dotemu, qui réussit, après Street of Rage 4, à dépoussiérer une nouvelle fois un genre presqu’aussi vieux que le jeu vidéo !