De nouvelles règles à suivre ont été publiées par Nintendo pour les organisateurs de tournois souhaitant faire figurer Super Smash Bros. dans les titres en compétition. La relation entretenue entre la communauté formée autour de la scène esport du jeu et Nintendo était déjà fragile, et pour certains grands noms, ces nouvelles règles sonneraient le glas des tournois organisés par la communauté.
Ces nouvelles règles visent à donner un cadre strict et restreint aux prochains tournois communautaires. Cela concerne autant le nombre de participants, limité à 200 personnes pour des événements en personne et 300 pour les événements en ligne, que les prix pouvant être gagnés par les joueurs : le total des prix en jeu ne devra pas excéder 5 000 € pour un tournoi, 10 000 € à l’année par organisateur.
À cela s’ajoute que les tournois devront être mis en place sans penser à faire du bénéfice : le prix des places sera limité, généralement à une vingtaine d’euros. Si, sur le principe, c’est louable de vouloir éviter de faire de ces tournois une affaire de gros sous plutôt que de beau jeu, cela rend très compliquée la mise en place d’événements nationaux ou internationaux.
De plus, les organisateurs ne pourront plus profiter du soutien de sponsors tiers, ni proposer d’objets en prix. Pire encore peut-être, les tournois en ligne devront utiliser les serveurs de Nintendo, qui sont peu fiables, de manière impérative. Enfin, il sera désormais impossible d’utiliser des versions modifiées du jeu ou des manettes non vendues par Nintendo.
Ces règles, annoncées le 24 octobre d’abord pour le Japon, puis pour l’Amérique et l’Europe, prendront effet à partir du 15 novembre. Pour beaucoup, c’est le coup de grâce porté à une communauté qui avait réussi à se former malgré le constructeur. Bien entendu, pour les joueurs, ça ne passe pas.
« Ils [Nintendo] sont comme des enfants de cinq ans qui n’arrêtent pas de crier pour qu’on fasse attention à eux dès qu’il est question de la scène compétitive Smash. » – Adam « Armada » Lindgren, l’un des Cinq Dieux de Super Smash Bros. Melee
En même temps, il s’agit bien d’un conflit de longue date : Nintendo n’a jamais été très efficace lorsqu’il est question d’esport. Super Smash Bros. est probablement l’exemple le plus édifiant de cette opposition. Là où une scène indépendante s’est formée avec des règles strictes (comme l’absence d’objets), et a permis l’ascension de grands joueurs, Nintendo cherche à mettre en place des tournois ouverts à tous.
Les tournois organisés par Nintendo ne sont, de l’aveu de Bill Trinen, directeur marketing chez Nintendo of America, même pas une manière de mettre un pied dans l’esport pour la firme du plombier. Objets autorisés, seul ou en équipe, sur n’importe quel terrain : il y est plus question de s’amuser que de réellement participer à une compétition.
Ces règles sont loin d’être la première tentative de Nintendo d’affaiblir la scène esport Smash Bros. Déjà en 2013, le studio avait tenté d’interdire la diffusion en direct de la finale lors de l’Evo. Par la suite, en 2022, c’est l’interdiction pure et simple de Super Smash Bros. à l’événement suite à une intervention de Nintendo qui a été annoncée. Bien qu’il soit certain que ce soit lié au rachat de l’événement par Sony, il est évident que le plus grand tournoi de jeux de combat au monde est un événement à ne pas manquer pour tout jeu pouvant y être présenté.
Plus encore, cette interdiction intervenait dans la même année que l’annulation pure et simple du Smash World Tour, afin de laisser de la place à l’événement sponsorisé par Nintendo : la Panda Cup. Bien que cette compétition semblait être de bonne foi, il s’agissait de la première fois que Nintendo reconnaissait la popularité de son titre Game Cube, Super Smash Bros. Melee, et l’annulation du Smash World Tour avait causé grande émotion. Il s’agissait d’un tournoi établi, cher aux joueurs. En face, la Panda Cup sponsorisée par Nintendo fait face à de la suspicion : la réputation de la firme du plombier ne joue pas en sa faveur.
C’est que la scène Smash est particulière. C’est un jeu ancien, Super Smash Bros. Melee, qui reste encore aujourd’hui le grand favori. Un jeu qui a plus de vingt ans, qui a subi de nombreuses modifications informelles, qui est peu accessible dans sa forme d’origine. Les habitués du titre sous sa forme compétitive connaissent et utilisent de nombreux outils pour permettre au jeu de rester d’actualité.
Si Nintendo fait l’effort d’inclure Super Smash Bros. Melee en plus de la dernière itération de la licence dans la Panda Cup, les nouvelles règles qui interdissent les mods vont très certainement mettre à mal le titre.
Est-ce pour autant la fin de la scène compétitive ? Si certains pensent que oui, c’est en réalité moins évident. La communauté Super Smash Bros. est extrêmement résiliante et pourrait se relever. La base de cette communauté, c’est le local. En 2002, alors qu’il n’y avait pas d’internet, c’était dans les caves des joueurs et des bars que certains des moments légendaires du jeu sont nés.
Ce n’est pas la première fois que les joueurs doivent s’adapter aux choix de Nintendo. Il y a trois ans, Nintendo avait essayé d’interdire l’usage de l’émulateur Slippi pour les tournois de Super Smash Bros. Melee. Mais bien que certains tournois en ait souffert, l’interdiction n’avait pas réussi à tenir face à la demande. À voir si cette fois-ci encore, Nintendo cédera ou non.