Alors que Stellar Blade devrait sortir le mois prochain, il a été possible ces derniers jours de voir fleurir de nouveaux visuels du jeu, sans pour autant que les canaux de communication officiels n’aient fait d’annonce. Une fuite du studio ou du distributeur ? Pas vraiment : une simple erreur a permis aux joueurs américains de mettre la main sur une démo du titre pendant un peu moins d’une heure.
Rapidement conscient de la situation, PlayStation a retiré la démo du PlayStation Store et révoqué les accès des joueurs l’ayant téléchargé rapidement dans la foulée. Par la suite, les réseaux sociaux officiels du jeu se sont fendus d’un petit commentaire au sujet de la démo en préparation, qui devrait être publiée officiellement dans les semaines à venir. Loin de nous l’idée de juger un titre sur une seule démo inachevée, quand bien même elle présente beaucoup de bonnes choses.
C’est une affaire légère et un peu amusante, mais en même temps, elle prouve quelque chose qui, alors que la question du tout numérique est sur la table, doit être pris en compte : les plateformes de distribution peuvent, lorsqu’elles l’estiment nécessaire, révoquer la licence d’utilisation d’un titre.
Le système de DRM, Digital Rights Management (gestion des droits numériques), est au cœur du débat présenté par cette situation. Le DRM est, normalement, un système pour protéger les droits d’auteur à l’heure du tout numérique. Plutôt que d’acheter une production, la plupart du temps, lorsqu’on achète un jeu sur Steam, par exemple, on achète avant tout une licence d’utilisation. Cette licence autorise le téléchargement et l’utilisation du jeu.
Pensé avant tout pour éviter le piratage, le DRM empêche également la revente d’un titre que l’on aurait acheté sous format numérique. Il a également une autre conséquence : dans le cas où la plateforme fermerait, les joueurs perdraient l’accès à leur licence DRM, et donc ne pourraient plus profiter du titre acheté.
Cette situation, avec la démo de Stellar Blade, présente une autre dérive potentielle : il est possible de révoquer une licence DRM, empêchant le joueur concerné d’accéder au titre téléchargé. C’est ce qui est arrivé aux joueurs ayant eu accès à la démo : ils ont reçu un message d’erreur les arrêtant en plein milieu d’une partie.
Dans le cas de la démo de Stellar Blade, cela nous paraît légitime et compréhensible. C’est une démo qui est encore en développement, et ce serait faire preuve de mauvaise foi que de fustiger Shift Up pour la situation. Cependant, nous sommes dans un contexte où de plus en plus de projets sont perdus face à l’avarice des exécutifs.
C’est un phénomène qui, pour l’instant, est surtout visible dans le cinéma et la télévision. De plus en plus, des projets, que ce soit des films ou des séries, disparaissent, voire n’ont pas le temps de sortir. Dans certains cas, même si le projet est entièrement réalisé et prêt à être diffusé, les exécutifs du studio concerné estiment que le coût de diffusion est trop élevé. C’est notamment ce qui est arrivé à Batgirl, et ce qui est en train d’arriver à Coyote Vs Acme, tous deux des films développés par Warner Bros. Discovery.
Plus proche de ce qui est arrivé à notre démo de Stellar Blade, de nombreux projets d’animation, déjà publiés, sont retirés de la circulation et ne se retrouvent disponibles qu’illégalement. Pour le jeu vidéo, on n’en est pas encore là. Il n’est pas encore question de chercher à faire disparaître des titres de la circulation après l’achat.
Cependant, cette situation peut rappeler le souvenir, pas si lointain, d’une décision controversée d’Ubisoft : en arrêtant les services pour certains anciens jeux, les joueurs avaient perdu leurs droits d’accès aux anciens DLCs du titre après les avoir achetés. Prochainement, Warner Bros. prévoit, dans deux mois, de retirer les jeux Adult Swim des plateformes d’achat. Au vu du passif du conglomérat, il est compréhensible de s’inquiéter face à un tel choix.
Dans un paysage où tout pousse les joueurs à consommer en numérique plutôt qu’en physique, alors même que les supports physiques eux-mêmes se transforment de plus en plus en des licences DRM pour télécharger des jeux, sans qu’il n’y ait quoi que ce soit de consistant sur la galette, cela peut effectivement faire peur. La notion de possession devient de plus en plus complexe, avec des systèmes de location ou de gratuité qui deviennent progressivement la norme.
Il ne sera jamais possible de posséder pleinement, continuellement un jeu. Les cartouches 3DS commencent déjà à faillir, alors même que Nintendo plante le dernier clou dans le cercueil de Citra, l’émulateur 3DS. Le retrait de la démo de Stellar Blade n’est pas un précédent ou un problème en soi, c’est juste une erreur rectifiée par le studio. Cependant, le potentiel risque, lui, est bien réel, comme l’a illustré Ubisoft avec Assassin’s Creed : il est important d’apprécier chaque partie.
En attendant, une seule chose est certaine : volontaire ou non, la publication de cette démo sera majoritairement bénéfique au titre : l’événement permet au jeu de faire parler de lui autrement que pour la plastique de sa protagoniste, en bien…
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