Dans le monde du développement de jeux vidéo indépendants, la plateforme Steam de Valve est souvent perçue comme la porte d’entrée vers la gloire et la richesse. Cependant, une étude récente vient jeter une lumière un peu jaunâtre sur la réalité de ce marché : plus de 5 000 jeux lancés sur la boutique numérique cette année n’auraient pas généré suffisamment de revenus pour couvrir la simple redevance de 100 $ exigée pour leur mise en ligne.
Cette statistique, est bien plus qu’une anecdote financière ; elle symbolise la continuité d’une crise profonde du marché indépendant, où la quantité a depuis longtemps surpassé la qualité et la visibilité. Le droit d’entrée de 100 $ par titre sur Steam, a été mis en place par Valve pour remplacer le système Greenlight.
L’objectif initial était de créer un filtre minimal pour décourager les développeurs de « shovelware » (logiciels sans valeur ou de très basse qualité) et les titres frauduleux. Or, pour des milliers de créateurs, ces 100 $ représentent l’intégralité des profits, ou plutôt la limite qu’ils ne parviennent pas à franchir. Récupérer cette somme nécessite de vendre un nombre très restreint de copies, moins d’une centaine selon le prix mis en place.
Y’a trop de jeux, j’ai pas raison la Steam ?
Steam connait, tous les ans, une croissance exponentielle du nombre de sorties annuelles. Certains rapports estiment que le nombre de jeux vidéo lancés sur la plateforme a augmenté de près de 93 % entre 2020 et 2024. Chaque jour, des dizaines de nouveaux jeux sont ajoutés, créant un environnement où la simple visibilité est devenue la ressource la plus précieuse et la plus rare.
Un développeur peut passer des années à concevoir son œuvre, mais si celle-ci est perdue dans le flot continu des nouveautés, elle n’a pratiquement aucune chance d’atteindre son public cible. Même un prix de vente bas ne garantit rien. Le marché est submergé de titres allant de prototypes fonctionnels à des actifs préfabriqués à peine déguisés en jeux, sans oublier le flux constant de jeux adultes à faible effort.
L’algorithme de découverte de Valve, ne peut pas à lui seul lutter contre une telle disproportion entre l’offre et la demande d’attention. Pour un jeu sans budget marketing, la probabilité d’être découvert sans un coup de pouce algorithmique ou une couverture médiatique est quasi nulle. Il en résulte un sombre paradoxe : l’ouverture de la plateforme, qui était censée démocratiser le développement, a en fait rendu la survie financière des petits studios et des créateurs solitaires plus difficile que jamais.
Communication, mère de toute vente
Face à cette réalité impitoyable, le succès sur Steam n’est plus seulement une question de création, mais une affaire de survie. Les développeurs qui réussissent sont ceux qui comprennent que l’effort de développement doit être égalé par un effort marketing significatif et précoce. Un jeu ne peut plus compter sur la découverte organique seule ; il doit générer du buzz, accumuler des listes de souhaits (wishlists) massives avant le lancement, et se démarquer par une qualité visuelle ou un concept de gameplay immédiatement reconnaissable.
On pense par exemple à certains jeux que nous avons testés ici, comme Megabonk, dont le succès revient presque intégralement au streaming et à la viralité de sa communication, notamment par le biais des formats courts sur YouTube.
L’analyse de ces 5 000 échecs souligne que le ticket d’entrée de 100 $ est souvent le seul investissement initial pour beaucoup de ces projets. C’est le signe d’une tentative rapide, souvent faite sans évaluation réaliste du marché ou stratégie de lancement. Pour les studios qui prennent le développement au sérieux, le message est clair : dans l’ère de la saturation, la qualité doit être exceptionnelle pour justifier l’attention, et le marketing doit être professionnel pour garantir la visibilité.
Steam fonctionne de plus en plus comme une loterie, où seuls les jeux avec une exécution impeccable ou un coup de chance médiatique peuvent émerger. Pour la majorité, le coût de 100 $ n’est pas un investissement, mais la simple taxe d’un rêve non réalisé.
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