Six Days in Fallujah est un FPS qui devait sortir il y a une bonne dizaine d’années. Cependant, alors qu’un gros bad buzz a précédé la sortie du titre, Konami a préféré jeter l’éponge. L’auteur du jeu, Peter Tamte, qui avait alors quitté l’industrie, est revenu de sa retraite et a ressorti son jeu des cartons pour finalement le publier prochainement, et la presse crie déjà à la pire idée de l’année.
De quoi s’agit-il ? La deuxième bataille de Falloujah (orthographiée Fallujah en anglais) est une bataille qui s’est tenue durant la guerre que les États-Unis ont menée en Irak au prétexte de parer à la menace des armes de destruction massive qu’était censé détenir Saddam Hussein. Il se dit que ce fut l’une des batailles les plus meurtrières de ce conflit.
Le jeu de Peter Tamte est né de la volonté de documenter ces événements, et s’est construit sur la base d’entretiens que Tamte a menés avec des soldats américains qui ont combattu à Falloujah. Tamte souhaite intégrer ces témoignages authentiques dans le jeu, où ils prendraient plus ou moins la forme de cinématiques en introduction ou conclusion des missions. Le développeur explique que « la majorité des forces américaines en présence fut blessée ou tuée dans la bataille ». Il dit que les histoires que lui ont livrées les survivants sont « remarquables de courage et d’esprit de sacrifice », et qu’il a « le devoir de les raconter ».
Et c’est là qu’est le problème : ces histoires ne donnent qu’un point de vue, qui plus est largement problématique, puisqu’une large majorité des historiens disent aujourd’hui que cette guerre n’aurait pas dû avoir lieu (beaucoup le disaient déjà à l’époque, notez !). Néanmoins, Famte persiste et signe, ajoutant même que s’il reconnaît que le contexte est essentiel, il veut sortir Six Days in Fallujah hors de toute problématique politique :
« On ne peut pas raconter cette histoire sans dire tout ce qu’il y a autour. Nous devons fournir au joueur le contexte, la raison de leur présence dans la ville, le pourquoi de cette bataille. […] Nous apporterons le contexte, mais il faut garder à l’esprit que l’on peut amener du contexte sans en faire une déclaration politique, et sans dénigrer les actions de ceux qui étaient vraiment là pour combattre. »
Parler sérieusement de la guerre, donc, mais sans recul critique. À quoi bon ? Illustrer le fait que la guerre, c’est moche, et que des gens souffrent ? Mais alors outre le truisme, l’illustration mène inévitablement à la question du pourquoi faire la guerre… Et de tomber dans des considérations que le développeur cherche à esquiver…
Derrière le projet, il y a de toute évidence l’idée de rendre un hommage appuyé aux Marines qui ont combattu en Irak, en leur donnant le rôle des martyrs de la démocratie, alors que la vérité est très probablement un peu moins Hollywood-compatible. D’où le malaise qu’a provoqué le jeu il y a dix ans, et celui qu’il provoque à nouveau aujourd’hui.
On note cependant une idée intéressante dans le discours de Peter Tamte. Alors que certaines phases de Six Days in Fallujah, moins importantes, mettent le joueur au contrôle de civils devant se mettre eux et leur famille à l’abri, le développeur s’est vu interrogé sur la possibilité de faire de ces missions secondaires le cœur du jeu. Ce à quoi il répond :
« Très peu de gens sont curieux de savoir ce que c’est que d’être un civil irakien. Personne ne jouerait à ce jeu. Mais les gens sont curieux de savoir ce que c’est que de vivre un combat. C’est aussi pour cela qu’on joue au survival horror – vivre une situation qui dépasse tout ce que l’on peut rencontrer dans nos vies normales. »
Ce n’est pas le fond de son propos, mais on voit là que le côté FPS populaire pourrait amener des joueurs, à travers des missions secondaires, à vivre des expériences vers lesquelles ils ne se seraient pas tournés. Vendre un Call Of… pour faire jouer à This War of Mine, en gros. Pas idiot !
Nous sommes les premiers à se féliciter qu’un jeu vidéo assume son statut de produit culturel, et sorte un peu du « tout pour le fun » afin d’essayer de construire un discours – sur le thème de la guerre, citons Soldats Inconnus, 11-11 Memories Retold ou le culte Spec Ops: The Line, d’après Conrad. Cependant, si c’est au profit d’une propagande qui viendrait plaider pour la politique martiale des États-Unis (ou de n’importe qui d’autre, d’ailleurs…), on retourne jouer à Bubble Bobble !
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