Pour annoncer leur sortie, les plus grosses productions vidéoludiques bénéficient aujourd’hui d’une exposition grand public telle que de la publicité à la télévision ou de l’affichage dans les rues, comme c’est le cas en ce moment pour Star Wars Jedi: Survivor, qui passe presque pour une sortie hollywoodienne. Cependant, pour une campagne marketing efficace, rien ne vaut un bon gros buzz (tout court, et pas un bad buzz !) qui s’impose dans les discussions et surtout sur les réseaux sociaux.
Un buzz que les éditeurs chassent ainsi depuis un moment, entre prétendues fuites orchestrées et trailers bidonnés à l’époque de l’E3. Le bruit autour d’un jeu pourra s’avérer payant, et faire parler d’une production modeste qui aurait pu se noyer dans la masse des sorties annuelles. C’est ainsi que le trailer de Pentiment avait su mettre sa direction artistique complètement décalée en avant, et avait permis au jeu de se placer assez haut sur les listes des jeux attendus. Tout comme l’arrivée surprise de Keanu Reeves pour présenter Cyberpunk avait renforcé une hype pourtant déjà stratosphérique. Et, en un trailer très malin, l’indé Plucky Squire est lui aussi devenu l’un des titres générant le plus d’attente cette année…
À l’inverse, le downgrade opéré entre les premières présentations de Watch Dogs et le produit final avait beaucoup nuit à la communication autour du jeu, et passablement écorné l’image de marque de la licence, alors même que Watch Dogs 2 reste un excellent jeu d’aventure en open-world, qui a hélas hérité d’une partie du bad buzz autour du premier épisode. Les premières images de Suicide Squad: Kill the Justice Leagues sont, elles, soupçonnées d’avoir imposé un report du jeu, les premiers retours des joueurs étant loin d’être enthousiastes.
Des réactions souvent méritées, une saine curiosité pouvant se muer en excitation d’un côté, une lourde déception portée par des promesses non tenues de l’autre. Mais la façon dont les joueurs réagissent à ces buzz n’est pas toujours mesurée, comme en témoigne le traitement réservé aux annonces toutes récentes autour de jeux à venir : Redfall, l’exclu Xbox par Arkane, et Gollum, prochaine incursion dans les Terres du Millieu par Daedalic.
Jamais contents
Redfall s’est trouvé au centre d’un petit bad buzz après avoir annoncé qu’il serait dans un premier temps uniquement jouable en mode « Qualité », et que le mode « Performances » serait disponible plus tard, un peu après le lancement. Ce qu’il faut comprendre derrière ces termes marketing volontairement flous, c’est que le jeu sera initialement jouable en résolution 4K, mais à 30 FPS seulement. Le mode « performances », lui, permettra ensuite de monter à 60 FPS contre une légère baisse de la résolution (les machines actuelles ayant du mal à afficher à la fois une résolution et un nombre d’images par seconde élevé).
Une annonce qui a servi d’appeau à tout un troupeau de drama queens, s’épanchant l’avant-bras sur le front, la tête légèrement en arrière, sur l’impossibilité totale de jouer à 30 FPS, certains assurant même que ce taux de rafraîchissement pouvait les rendre malades… Mouais. Même si on reste intimement convaincu que sur une grande majorité de jeux, la différence est imperceptible, on veut bien concéder que sur des titres compétitifs, il faille avoir le meilleur confort de jeu, et que le nombre d’images par seconde peut être un critère important (réduisant notamment l’input lag, puisqu’il y a plus d’images distribuées à l’écran). Mais Redfall n’est pas un jeu taillé pour l’e-sport !
Certes, il y aura une composante multijoueur. Mais c’est avant tout un jeu Arkane, studio reconnu pour sa science du level design, de la construction de ses cartes et des approches proposées aux joueurs. « Dans la lignée des mondes soigneusement élaborés et des jeux immersifs d’Arkane, Redfall reprend le gameplay signature du studio dans ce jeu de tir et d’action narratif », précise le communiqué de presse. Est-ce que le passage de 30 à 60 FPS, ou le contraire, changerait fondamentalement la donne pour un jeu salué comme Dishonored ? OK, vous préférez vos jeux avec tous les curseurs à fond, et c’est votre droit le plus strict, mais juger un tel jeu à l’aune de sa technique n’est-il pas hors sujet ? Faites-vous partie de ce petit groupe d’extrémistes ayant juré ne plus jamais jouer à Tetris tant que celui-ci n’aurait pas d’option Ray-Tracing ?
Gollum s’est quant à lui fait écharper tout récemment pour son contenu additionnel que certains jugent indécent, répétant les éternelles remarques sur les DLC qui prennent les joueurs pour des vaches à lait. Bad buzz, encore. En effet, une édition « Précieuse » propose en plus du jeu de base différents contenus numériques, comme des artwork ou l’OST, ainsi qu’un doublage supplémentaire en Elfique. Et c’est là que certains ont trouvé à redire. Pour un jeu situé dans l’univers de Tolkien, l’Elfique aurait dû, selon eux, être la langue de base, et non pas une option. Le jeu serait ainsi vendu en pièces détachées, dans une stratégie visant à toujours plus soutirer d’argent au pauvre joueur.
Notons d’abord que les personnages du jeu censés s’exprimer en elfique le feront dans toutes les éditions, et que les lignes de dialogues supplémentaires offertes par l’édition « Precious » concernent des PNJ rencontrés aléatoirement, et ont pour but, d’après l’éditeur, d’offrir un supplément d’Elfique aux fans. Personne ne sera donc privé de l’immersion linguistique permise par une adaptation de Tolkien. On aurait pu souligner le souci du détail, du respect de l’œuvre, et le travail qu’a dû réclamer le fait d’intégrer de l’Elfique dans le jeu (sachant que Tolkien y a travaillé à la manière d’un linguiste pour créer une langue crédible, et qu’aligner des sons aléatoires en prétendant que c’est de l’Elfique n’aurait jamais fait l’affaire !). On aura hélas préféré critiquer le modèle économique du jeu, pourtant proposé à partir de 49€, quand la nouvelle norme de tarification des grosses sorties tourne autour de 80€.
Justice à deux vitesses
Étonnamment (non), certains jeux semblent bénéficier d’un blanc-seing, et quoi que les studios ou éditeurs annoncent, ils échapperont au bad buzz et les joueurs applaudiront. C’est le cas par exemple des jeux de la licence Zelda. Si on en revient aux reproches qui ont été faits aux deux jeux précédemment cités, on peut s’étonner que ces mêmes reproches ne s’appliquent pas à The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom.
Parce qu’il y a tout de même très, très peu de chances que le titre tourne en 60 FPS constants, alors même qu’il ne sera pas affiché en 4K. Et personne n’attend qu’un mode « performances » arrive, même plus tard. On le sait, TOTK – comme l’appelle les aficionados – sera à la bourre techniquement. Mais ce n’est pas grave, ce n’est pas ce qu’on attend du titre : ce qu’on veut, c’est qu’ils nous permette de nous évader, qu’il nous redonne un peu de cette magie de Breath of the Wild qui nous avait fait appréhender la carte d’une façon presque toute nouvelle… Bizarre (ou pas), Redfall n’a pas eu le droit à la même indulgence dans les commentaires publiés à son égard.
Malgré ce retard-technique-mais-c’est-pas-grave, les précommandes de Zelda TOTK vont bon train, au plein tarif de 55€. Le projet part pourtant de l’idée originale d’un DLC pour Breath of the Wild, et l’une des timides craintes de certains joueurs est que la carte reste trop identique à celle du premier jeu. Mais parce que c’est Zelda, on s’extasie et on s’impatiente à l’idée de pouvoir visiter les cieux de cette même map, et peu de commentaires accusent Nintendo d’avoir transformé un DLC en jeu complet « pour soutirer toujours plus d’argent aux joueurs ».
On ne dit pas ici que TOTK n’aura pas l’envergure d’un vrai gros jeu, et même avec toute la mauvaise foi du monde, on connaît le savoir-faire de Nintendo, et l’on reste convaincu que les joueurs en auront pour leur argent. Cependant, il faut bien remarquer que les critiques acerbes portées contre certains jeux pourraient tout aussi bien en cibler d’autres, pour exactement les mêmes raisons, mais que ceux-ci, par la grâce de leur cote d’amour, échappent au courroux des commentateurs. À moins que ce ne soit le bad buzz, qui, quel que soit le titre concerné, n’est pas toujours justifié, et que beaucoup d’entre nous aiment simplement, par principe, râler…
Redfall en 30 FPS – Une sortie déjà compromise
Team NG+
The Lord of the Rings: Gollum – Un échec programmé ?
Al
The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom – On analyse le trailer
Poulet