Fiche de perso est une rubrique dans laquelle nous tirons le portrait d’acteurs du jeu vidéo, réels ou fictifs, qui pèsent ou ont pesé sur l’industrie. Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur le parcours incroyable de Marc Cerny, qui, d’Atari à la PlayStation 5 en passant par la Mega Drive, réalise un sans-faute bluffant. Génie ?
Du côté de chez Microsoft, le projet Series X/S a été dessiné par Phil Spencer, businessman de premier plan, homme de stratégie d’entreprise et de marketing, témoin privilégié de l’échec du lancement des Xbox One. Si l’homme est peut-être un joueur dans le privé, sa carrière ne s’est pas construite sur cette passion, et son ambition pour la next-gen tient d’abord à changer l’industrie en tant que telle (modèle économique, habitudes de consommation…) plutôt que le jeu vidéo en lui-même.
Dans le coin opposé, pour PlayStation, la prochaine génération est l’œuvre d’un artisan d’une tout autre nature, d’abord et avant tout joueur passionné, qui aura à cœur de concevoir une machine capable de livrer ce qui se fera de mieux en termes d’expérience gaming, quitte à ce que les nouveautés ainsi apportées aient plus le goût de l’évolution que d’une véritable révolution…
C’est en tout cas le projet de Marc Cerny, architecte principal de la PlayStation 5, déjà responsable du succès de la PlayStation 4, et auteur génial, mais incompris de la non moins géniale mais incomprise PS Vita.
Marc Cerny est une espèce de protogeek qui a tout pour être LA rockstar du monde du jeu vidéo, mais qui, fidèle à la représentation qu’on se fait du nerd, restera discret à bosser dans son coin… Le bonhomme possède en effet le CV probablement le plus impressionnant de toute l’industrie, et un parcours que les fans de jeux vidéo ne peuvent qu’admirer et envier.
Né en 1964, Cerny tombe très vite amoureux du média. Il a ainsi 8 ans quand sort Pong dans les salles d’arcade, 13 quand les Atari 2600 commencent à arriver dans les foyers. Il vit cette révolution naissante en direct.
À 17 ans, sa passion le mène chez Atari, et à à peine 20 ans, il sort son premier projet qui deviendra un instant classic : Marble Madness. À partir de là, sa carrière ne sera faite que d’un enchaînement ininterrompu de coups magistraux. En 1985, il part chez SEGA où, après avoir réalisé quelques portages, il sera programmeur sur les classiques Kid Chameleon et Sonic 2 (excusez du peu !). Dans les années 90, on le retrouve (déjà !) chez PlayStation, comme producteur exécutif sur Crash Bandicoot et ses suites, designer sur Spyro ou Ratchet and Clank, programmeur sur Jak & Daxter…
Tous les jeux sur lesquels il a pu travailler pour PlayStation sont restés comme des grands classiques (Resistance, Uncharted, God of War III, The Last Guardian, jusqu’à Death Stranding pour lequel il était producteur technique). Son nom figure d’ailleurs depuis 2010 à l’Academy of Interactive Arts and Sciences Hall of Fame.
C’est donc bien à un joueur et faiseur de jeux que Sony confie la tâche de concevoir ses PlayStation 4 et PS Vita. S’il n’est nul besoin de revenir sur le succès écrasant de la première, la seconde est un échec commercial ; cependant, les joueurs la saluent encore aujourd’hui, entre autres pour des propositions assez avant-gardistes comme le remote play, permettant « d’emmener » sa PS4 partout avec soi bien avant la Switch et la démocratisation du cloud gaming…
Tout naturellement, c’est à lui qu’incombe la responsabilité d’imaginer l’héritière de la PlayStation 4. Et on le disait, Marc Cerny réfléchit à cette prochaine machine non pas en termes de business, mais comme un moyen d’améliorer encore les expériences de jeu. C’est ainsi que lui viendra l’envie d’installer un SSD conçu spécifiquement pour la console, pour éliminer au maximum les temps de chargement. Mais pas pour une question d’ergonomie, ou pour faire démarrer un jeu plus rapidement : sa motivation principale est le gameplay lui-même.
Ainsi, comme il l’expliquait au magazine Wired dès le printemps 2019, si Marc Cerny veut un SSD pour la PS5, c’est pour offrir de nouvelles possibilités en jeu. Devant une partie du Marvel’s Spider-Man PS4, faisant évoluer son personnage de toile en toile, Cerny explique donc aux journalistes que peu importe la puissance du héros, il n’ira jamais plus vite que ce qu’on voit à ce moment-là à l’écran, parce que ce sont là les limites de la console. Il évoque ici le temps nécessaire à la machine pour charger décors, textures et objets.
Avec cet exemple, Marc Cerny nous montre que ce qu’il veut avec son SSD custom n’est pas tant éliminer les écrans de chargement qu’offrir aux créateurs de jeux comme aux joueurs plus de libertés, de nouvelles possibilités d’histoires et de gameplay. Il ne veut pas nécessairement transformer le jeu vidéo, mais simplement le rendre meilleur.
Bien entendu, du rêve d’un joueur passionné, aussi talentueux soit-il, aux réalités de l’industrie, il y a quelques étapes en forme d’embûches à franchir, et tant que nous n’aurons pas mis les mains sur la DualSense, il sera difficile de dire si la PlayStation nouvelle génération tiendra les promesses de Marc Cerny. Une chose est cependant certaine, la machine aura reçu sa dose de passion lors de sa conception !