Le PDG de The LEGO group, Niels B. Christiansen, a récemment déclaré que la marque allait renforcer son engagement dans le domaine du jeu vidéo. Une annonce majeure pour les célèbres briques danoises, qui sont loin d’en être à leur première incursion vidéoludique. Cependant, elle survient à un moment charnière, alors que les récents titres LEGO ont déçu et que la marque traverse une période de transition.
« Nous pouvons dire que, tant que nous opérons sous la marque LEGO, nous pouvons proposer des expériences pour les enfants de tous âges, qu’elles soient numériques ou physiques. Le développement de jeux vidéos en interne est un domaine que nous sommes en train de renforcer » – Niels Christiansen, au Financial Times.
Après avoir longtemps externalisé cette activité, notamment avec son partenaire historique TT Games, Lego souhaite désormais investir dans ses propres expériences numériques, en parallèle de ses célèbres briques et mini-figurines plastiques. Cette décision s’inscrit dans un contexte de forte croissance pour le groupe, dont les revenus ont doublé depuis 2019 pour atteindre 10,1 milliards de dollars en 2024. Une évolution qui témoigne de la solidité du géant du jouet, mais aussi de sa volonté de se diversifier face à une concurrence accrue sur le marché du divertissement pour enfants, de plus en plus tournée vers le numérique plutôt que le plastique.
L’âge d’or des jeux LEGO
Pendant des années, TT Games a donc été le principal studio derrière les jeux Lego, développant des titres à succès basés sur de grandes franchises du cinéma. De Lego Star Wars : La Saga Complète à Lego Harry Potter, en passant par Lego Indiana Jones : la Trilogie originale, la formule était simple mais efficace : un gameplay accessible mêlant puzzle game, exploration, coopération et humour décalé, le tout avec une fidélité aux œuvres originales qui séduisait aussi bien les petits que les grands.
Ainsi, en collaboration avec TT Games, la célèbre marque de briques a su imposer son propre genre vidéoludique, en créant une formule lui étant propre : celle du jeu LEGO. Cette approche unique a défini l’âge d’or des titres des années 2000, parsemé d’opus qui ont marqué des générations entières de joueurs. La recette d’un jeu LEGO réussi résidait dans l’art de mêler habilement parodie et hommage aux œuvres adaptées. L’humour, souvent purement visuel, tirait parti de situations absurdes et de mises en scène inventives, sublimé par des personnages muets s’exprimant à travers des onomatopées charmantes et expressives. Cette approche donnait une identité forte aux divers adaptations, renforçant leur accessibilité et leur universalité. Le level design, lui, s’articulait autour de puzzles ingénieux nécessitant l’assemblage de briques et encourageant l’entraide entre les joueurs.
Chaque niveau offrait une exploration savoureuse des univers cinématographiques, réinterprétés avec malice et créativité, transformant chaque adaptation en une aventure à la fois fidèle et décalée. Cependant, la multiplication des licences et des spin-offs a fini par diluer cette recette, pourtant bien rodée.
Une perte de cohésion progressive
L’un des tournants majeurs a eu lieu en 2012 avec LEGO Batman 2 : DC Super Heroes, premier jeu où les personnages ont commencé à parler, brisant ainsi une partie de la magie qui faisait le charme de la série. Bien que cette évolution ait été motivée par un désir de modernisation, elle a également contribué à affaiblir l’identité visuelle et l’humour des jeux LEGO. En parallèle, les niveaux, autrefois courts et rythmés, sont devenus plus longs et moins dynamiques. De plus, les jeux LEGO ont progressivement délaissé les parodies pour se concentrer sur des histoires originales, comme LEGO Marvel Super Heroes, LEGO City : Undercover ou LEGO Batman 3 : Au delà de Gotham. Si cette direction permettait de proposer de nouvelles intrigues, elle a aussi dilué l’essence même des jeux d’avant, qui excellaient dans leur capacité à revisiter des films cultes avec humour et un ton parodique singulier.
C’est également la sélection des licences adaptées qui a suscité de nombreux questionnements. Alors que les premiers jeux Lego adaptaient des sagas cinématographiques majeures comme Star Wars, Indiana Jones, Le Seigneur des Anneaux ou Pirates des Caraïbes, la stratégie s’est progressivement fragmentée. Certains choix, comme l’adaptation des deux films Les Indestructibles, ou un opus basé uniquement sur les méchants de l’univers DC avec LEGO DC Super-Villains, ont paru surprenants, surtout quand on les compare aux adaptations précédentes qui couvraient des trilogies ou des sagas entières.
Une autre tentative controversée fut LEGO Dimensions, qui a voulu se lancer dans la course aux jeux vidéo mêlant jouets et gameplay, à la manière des Skylanders. Bien que les fans aient pu se réjouir de l’arrivée de figurines inédites très réussisses, comme celles d’E.T., des Gremlins ou encore de Beetlejuice, il est important de souligner les limites de ce système. L’expérience, certes amusante sur le papier, devenait rapidement coûteuse et, à bien des égards, inacceptable. Pour profiter pleinement du jeu, il était souvent nécessaire d’acheter des figurines physiques, parfois presque indispensables, pour accéder à certains contenus importants. Pire encore, LEGO Dimensions est aujourd’hui un titre pratiquement impossible à reconstituer dans sa version complète, la plupart des figurines étant désormais extrêmement rares et cotées, avec un coût total de plus de 2000 euros pour ceux qui souhaiteraient réunir l’intégralité des personnages et profiter de l’expérience dans sa totalité. Un véritable cauchemar pour les collectionneurs, et fort heureusement, un vestige de la mode des jeux toys-to-life, aujourd’hui bien éteinte.
Des adaptations bâclées
Un autre facteur marquant de cette période de transition a été l’accélération des jeux développés en urgence pour coïncider avec les sorties cinématographiques des films LEGO. Autrefois, TT games avait justement su tirer son épingle du jeu en proposant des adaptations vidéoludiques de licences filmiques avec une créativité et une originalité rares, devenant l’un des seuls studios à réussir cet exploit dans les années 2000. Cependant, avec le temps, cette approche s’est retournée contre lui, les jeux se transformant peu à peu en simples adaptations sans âme, destinées à capitaliser sur les sorties de films directement adaptés de la firme danoise. Les productions se sont ainsi réduites à des versions presque mécaniques des films, sans la fraîcheur et l’inventivité des premiers titres, devenant ce qui avait toujours été évité : de simples produits dérivés. Un véritable retour en arrière, en somme.
LEGO Ninjago : Le Film – Le Jeu Vidéo (un titre qui est à lui seul presque une œuvre d’art d’absurdité) ainsi que La Grande Aventure LEGO 1 & 2 ont souffert d’une production précipitée, donnant naissance à des expériences qui faisaient pâle figure par rapport aux standards de qualité établis par TT Games. Après cette dilution et ces succès en demi-teinte, la firme a décidé depuis peu de diversifier les titres LEGO vers d’autres genres, parfois avec succès… parfois non.
Un retour aux sources décevant, une diversification étrange
Avec LEGO Star Wars: La Saga Skywalker, TT Games a tenté de renouer avec la formule initiale qui avait fait son succès d’antan. Le retour de la licence de la Guerre des étoiles, premier grand succès des jeux Lego en 2005, laissait espérer une véritable renaissance. Pourtant, malgré une ambition louable, le titre s’est révélé être une expérience en demi-teinte, entre hommage sincère et concessions discutables. Nous avons d’ailleurs récemment testé le jeu ! Ce qu’il en ressort, c’est que bien que le projet ait semblé prometteur sur le papier, il laisse un goût amer, marqué par un manque de finition et des mécaniques parfois répétitives. Le gameplay et la structure ont clairement cherché à retrouver la formule d’antan, avec des niveaux plus ciselés, mais certains éléments de la magie d’autrefois semblent bel et bien perdus.
En parallèle, la firme danoise a élargi ses collaborations avec des studios et éditeurs comme Epic Games, 2K ou Guerrilla, ce qui a conduit à une certaine dilution de son identité vidéoludique. Bien que des projets annexes comme LEGO Rock Band ou LEGO Worlds aient déjà existé par le passé, il semble que l’essence des jeux en briques se soit peu à peu complètement effacée. Des titres comme LEGO 2K Drive ou LEGO Horizon Adventures ne sont plus véritablement des jeux Lego, mais plutôt des expériences simplement habillées du branding danois et d’un skin en briques. Ce qui était autrefois un genre singulier devient désormais un simple vernis appliqué sur des concepts déjà existants (jeu d’aventure, jeu de course), soulevant la question : à qui étaient vraiment destinés ces projets ? Des jeux improbables et sortis de nul part qui n’ont pas su séduire le public.
Entre expérimentation et nostalgie, quel avenir pour les briques danoises ?
Malgré ces errances, certaines collaborations ont rencontré un succès indéniable. LEGO Fortnite, par exemple, a su séduire un large public et prouver que la licence de construction pouvait encore innover. Cette dualité entre tentatives novatrices et nostalgie illustre bien la période trouble que traverse actuellement la franchise.
La déclaration de Niels B. Christiansen, en ce sens, marque une volonté de relancer l’intérêt pour les jeux LEGO. TT Games, bien que fragilisé, reste un pilier central de cette stratégie, étant l’un des rares studios encore maintenus par Warner Bros. alors que d’autres, comme Monolith, ont récemment fermé leurs portes. Le studio plancherait actuellement sur un nouveau jeu LEGO en secret, et l’on peut se demander s’il s’agira d’une nouvelle tentative de retour aux sources à la manière de LEGO Star Wars : La Saga Skywalker ou plutôt d’une expérimentation.
L’avenir des jeux en briques se trouve ainsi à la croisée des chemins ; entre le désir de renouer avec une formule qui a su conquérir des millions de joueurs et l’envie d’innover pour s’adapter aux nouvelles tendances vidéoludiques, LEGO devra trouver un équilibre subtil. En tout cas, l’engagement renouvelé de la marque dans le jeu vidéo laisse présager des projets intéressants pour les années à venir !
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