Chaque année, dans de nombreux pays, des centaines d’oeuvres entrent dans le domaine public. En 2025, en France, les tableaux d’Henri Matisse, de Frida Kahlo et l’oeuvre littéraire de Colette notamment seront concernés. Mais comment fonctionne ce pan complexe du droit de la propriété intellectuelle ? Petite explication de texte, et des retombées que cette loi peut ou pourrait avoir sur notre secteur favori : les jeux vidéo.
Le domaine public, un bac à sable de plus en plus rempli
Pour commencer, il est nécessaire de redonner une définition simple. Le domaine public est l’ensemble des oeuvres et des connaissances dont l’usage n’est plus restreint par la loi, et donc libres de droit, qu’il s’agisse des droits d’auteur ou d’un brevet ayant expiré.
En France, depuis 1995, une oeuvre est protégée 70 ans après le décès de son créateur, sauf à quelques exceptions. En résumé, toutes les oeuvres des artistes décédés en 1954, dont ceux que nous citions en introduction, sont maintenant à disposition de tout un chacun depuis le 1er janvier 2025. En tombant dans le domaine public, elles deviennent exploitables par n’importe qui sans avoir à verser d’argent aux ayant-droits. Mais attention, cela ne signifie pas qu’on peut en faire tout et n’importe quoi, quelques règles subsistent.
En cause, le droit moral, obligeant ceux qui souhaiteraient utiliser des oeuvres à respecter leur intégrité et à correctement citer l’auteur original. Les ayant-droits de Matisse par exemple ne pourront plus s’opposer à ce que les tableaux du maître, des copies ou des interprétations soient utilisées dans divers projets, voire à des fins commerciales, mais ils ont toujours le pouvoir de se défendre contre toute utilisation qui porterait préjudice à l’oeuvre originale ou à son auteur.
Chaque pays dispose d’une législation différente sur la question, bien que des accords soient de plus en plus fréquents, permettant une homogénéisation des pratiques. Ainsi, si tout l’Union Européenne a fixé à 70 ans après le décès de l’auteur l’entrée dans le domaine public, aux États-Unis, elle a lieu 95 ans après la publication de l’oeuvre (jusqu’aux oeuvres de 1978), ce qui constitue une différence non négligeable. Ainsi, si Tintin ne sera libre de droits qu’en 2053 en France, l’album « Tintin au Pays des Soviets », publié en 1929 est lui déjà entré dans le domaine public outre-Atlantique.
Et le jeu vidéo dans tout ça ?
Mais ce qui nous intéresse tout particulièrement, c’est bien évidemment l’impact que peut avoir cette législation sur le marché du jeu vidéo. Et même c’est plutôt léger jusqu’à présent, cela pourrait bien prendre de l’ampleur au fil des années.
Le domaine public est un véritable puits sans fond, et chaque année qui passe continue de le creuser avec de nouvelles oeuvres. Imaginez que chacune d’elle pourrait devenir sujet d’inspiration de jeu vidéo. Les studios n’ont pas à en payer les droits, ce qui constitue une aubaine à l’époque où les économies sont recherchées. Surtout qu’on a pu voir avec quelques récents AAA que grosse licence payée à prix d’or ne rimait pas forcément avec succès commercial. On pourrait donc avoir dans le futur une recrudescence de jeux vidéo basés sur des oeuvres anciennes devenues libres de droits.
À l’heure actuelle, l’oeuvre de Tolkien pourrait tomber dans le domaine public en 2044. Il parait facile d’imaginer de nombreuses réécritures du mythe fleurir à partir de là, que ce soit en jeu vidéo, en livres voire au cinéma. Le risque, c’est bien évidemment que la baisse de la créativité amorcée depuis plusieurs années dans de nombreux domaines du divertissement pourrait bien se prolonger.
Un autre enjeu du marché des ayants droits, c’est que certains d’entre eux se montrent souvent peu scrupuleux à accepter des projets pourtant de piètre qualité contre une belle somme d’argent. Si la Tolkien Estate n’a plus qu’une vingtaine d’années pour capitaliser sur l’oeuvre de l’auteur du Seigneur des Anneaux, elle pourrait réfléchir à vendre les droits sur l’oeuvre à tort et à travers dans les prochaines années, avec à la clé de nombreux jeux, dont certains ne seront sans doute pas meilleur que le récent Gollum… Et ce qui vaut pour Tolkien vaut pour de nombreux autres ayant-droits sentant le couperet de la date butoir approcher.
Le futur du jeu vidéo pourrait-il donc ressembler à ça, des dizaines de jeux issus des mêmes licences devenues libres de droits ou bradées par ceux qui les détiennent ? Bien évidemment, nous forçons le trait, mais c’est une réalité qui pourrait ne pas être alternative. De notre côté, nous préférons voir le verre à moitié plein, espérant que le bac à sable géant qu’est le domaine public puisse servir d’inspiration pour nous offrir le meilleur du jeu vidéo pendant de longues années.
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