Mauvaise nouvelle pour les fans : l’extension et la version Director’s Cut d’Hogwarts Legacy auraient été annulées par Warner Bros. Games. Une décision qui, au-delà de la simple suppression de contenu additionnel, met en lumière une tendance plus large au sein de l’industrie du jeu vidéo : l’incapacité chronique des grands éditeurs à capitaliser durablement sur leurs succès.
Un potentiel certain sacrifié sur l’autel de la rentabilité
Selon Bloomberg, l’annulation de cette extension, qui était développée par Avalanche avec le soutien de Rocksteady, résulte principalement d’une évaluation coûts/bénéfices jugée insuffisante. Autrement dit, le contenu prévu n’aurait pas justifié le prix auquel il aurait été proposé.

C’est un argument qui en dit long sur la vision de Warner Bros. Games, qui, malgré le succès commercial écrasant du jeu (34 millions d’exemplaires vendus), semble plus focalisé sur l’optimisation financière que sur l’enrichissement de l’expérience ludique. Une décision qui tranche avec la tendance actuelle du marché où d’autres studios misent sur des extensions massives pour entretenir l’engagement de leur audience (Cyberpunk 2077 avec Phantom Liberty, Horizon Forbidden West avec Burning Shores ou encore Elden Ring avec Shadow of the Erdtree).
L’extension annulée aurait notamment réintégré un arc narratif supprimé du jeu original, sans que l’on en sache davantage. Cette décision laissera sans doute un goût amer aux fans, qui espéraient certainement voir le jeu continuer à évoluer, notamment après le succès colossal qu’il a rencontré. Cette annulation soulève également des interrogations sur la stratégie de Warner Bros. : pourquoi refuser de capitaliser sur un jeu acclamé et d’enrichir son contenu ?
Ce nouvel épisode n’est évidemment pas un cas isolé. Warner Bros. Games a multiplié ces derniers temps les décisions brutales ces derniers mois : fermeture de Monolith Productions, annulation du jeu Wonder Woman à 100 millions de dollars, licenciements chez Rocksteady et échec cuisant de Suicide Squad: Kill the Justice League. L’éditeur semble naviguer à vue, incapable de construire une stratégie cohérente, si ce n’est celle de s’accrocher à ses licences les plus lucratives (Harry Potter, Mortal Kombat, DC et Game of Thrones, l’eldorado de l’éditeur si on se fie à ses déclarations récentes pour tenter de justifier le fiasco en interne).
Un modèle économique à bout de souffle
Au-delà du cas Warner, cette annulation révèle une véritable crise de gestion chez les grands éditeurs. On investit des millions dans des productions pharaoniques, mais sans stratégie sur le long terme. On lance des projets trop ambitieux (ou mal pensés), pour ensuite les saborder face à des attentes de rentabilité absurdes.
L’exemple de Suicide Squad: Kill the Justice League illustre parfaitement cette tendance. Développé par Rocksteady, un studio autrefois acclamé pour la saga Batman Arkham, le jeu s’est enlisé dans une vision live-service anachronique, dictée par une volonté de capter un marché déjà saturé. Résultat : des années de développement et des millions investis pour un titre qui s’est effondré à la sortie, entraînant des licenciements et des incertitudes sur l’avenir du studio qui avait pourtant enchainé les succès la décénnie précédente.
Ubisoft a également subi les conséquences de cette logique avec Skull & Bones, un projet qui a englouti plus de 120 millions de dollars sur une décennie entière. Affublé du label prétentieux de « AAAA », souvent utilisé comme une tentative désespérée des équipes marketing pour embellir un développement infernal et hors de contrôle, le jeu a finalement vu le jour dans une indifférence quasi totale, loin du super blockbuster tant espéré. Conçu comme un titre de pirates multijoueur inspiré d’Assassin’s Creed IV: Black Flag, il a été constamment réorienté en interne, faute d’une vision claire, illustrant l’incapacité de certains éditeurs à fixer des objectifs cohérents.
Même Square Enix n’échappe pas à cette dérive. L’échec cuisant de Marvel’s Avengers a révélé à quel point une licence surpuissante ne garantit pas le succès si l’approche ludique ne suit pas. Le jeu a été abandonné après seulement deux ans, incapable de fidéliser un public malgré l’énorme budget alloué. Pire encore, l’éditeur a vendu des studios entiers, dont Crystal Dynamics et Eidos Montréal, pour compenser ses pertes, alors que le potentiel semblait infini.
À l’époque, le succès colossal d’Infinity War et Endgame au cinéma prouvait l’engouement du public pour la super équipe, offrant une opportunité en or. Avec une direction forte et un gameplay soigné, Square Enix avait tous les outils pour créer un véritable mastodonte. Pourtant, Marvel’s Avengers est devenu l’exemple parfait de l’échec d’un projet vidéoludique conçu avant tout comme un produit commercial sans âme, trahi par un manque total de vision.
Les éditeurs sabotent leurs propres chances de succès
Dans ce contexte, l’annulation de l’extension de Hogwarts Legacy ne fait que confirmer une tendance inquiétante : les décisions des grands éditeurs ne sont plus dictées par la créativité ou le plaisir de jeu, mais par des impératifs financiers court-termistes qui finissent par les plomber eux-mêmes.
En choisissant de ne pas proposer d’extension, Warner Bros. semble privilégier le développement actif d’une suite aux aventures à Poudlard. Cette approche pose une question fondamentale : est-il plus rentable et durable de soutenir un jeu sur la durée ou de précipiter son remplacement par une suite ? Les éditeurs semblent de plus en plus abandonner leurs jeux après leur sortie, à l’instar de Spider-Man 2, qui, malgré des indices dans le scénario et les attentes des joueurs, ne recevra apparemment aucun DLC. Une tendance qui pourrait, à terme, nuire peut-être à l’engagement des joueurs.
Dans ce contexte, la disparition du DLC d’Hogwarts Legacy n’est pas juste une « occasion manquée » pour les fans, mais plutôt une illustration supplémentaire d’un modèle à bout de souffle. L’industrie du jeu vidéo ne peut pas reposer éternellement sur des coups financiers à court terme : à force de tuer dans l’œuf toute tentative de valoriser ses propres franchises, Warner Bros. pourrait bien se retrouver sans rien de solide à offrir dans les années à venir.
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