Avec un peu plus de vingt-cinq ans d’existence, le premier roman étant sorti en 1997, Harry Potter est aujourd’hui un nom qui accompagne chacun d’entre nous, que l’on aime ou non l’œuvre de J.K Rowling. Car, à l’instar de grosses franchises tel un Star Wars ou un Seigneur des Anneaux, l’univers du jeune sorcier dépasse le simple cadre littéraire. À la faveur de films, d’objets en tous genres, de jeux vidéo (tel le récent Hogwarts Legacy), etc., la franchise s’est inscrite dans la culture populaire et, plus que cela, elle s’est parfaitement intégrée dans l’imaginaire collectif.
L’anatomie de la grande œuvre…
Un succès démentiel qui peut tout de même interroger : pourquoi un tel engouement vis-à-vis de la saga ? Qu’est-ce qui a créé ce rayonnement particulier et universel qui existe aujourd’hui autour ? C’est ce à quoi le livre de David et Lucas Torres édité par Third Editions, La Saga Harry Potter, la magie de la narration, se propose de répondre. Il décortique la série, en passant notamment par les diverses productions (comme les films ou la pièce de théâtre de 2016) ou en s’intéressant au travail de traduction, et essaie d’éclairer le lecteur sur cette dernière, qui visiblement recèle plus d’un secret.
Et il y a dans l’entreprise menée une sorte de travail comparatif. Pour cause, dans le but de mettre en avant la recette qui a conduit au succès, on convoque des auteurs issus de domaines bien variés dont la psychanalyse (Jung par exemple), d’autres œuvres littéraires, etc.
Et le parcours est assez passionnant. De fait, on ressent parfaitement, dans le travail des auteurs, une authentique attache vis-à-vis de cet univers magique. On peut le dire, il s’agit de véritables amoureux de l’œuvre. Un vif intérêt qui se manifeste sans mal et qui concerne, par là, le lecteur sans la moindre difficulté. En véhiculant leur passion, les auteurs servent leur propos sous un aspect séduisant. La tournure est légère et empreinte d’une douce fantaisie, histoire de coller parfaitement à l’atmosphère des romans.
La lecture est donc simple et ouverte à tous, aux fans comme aux autres, aux amateurs comme aux néophytes, même si, bien entendu, il n’est que trop conseillé d’avoir déjà lu les sept romans. Si cela n’est pas le cas, le lecteur ne se retrouvera pas perdu pour autant, David et Lucas Torres réalisant un travail de « vulgarisation » pour le moins louable. Le véritable problème de la démarche, pour les nouveaux arrivants, réside plutôt dans de potentiels spoilers. L’ouvrage se donne pour but d’analyser les éléments (souvent clés) qui font la richesse de la saga.
… de l’autrice nommée Rowling
Et quel est le meilleur moyen d’amorcer l’exposé sur une œuvre si ce n’est par l’introduction de son créateur lui-même ? Et ici, c’est exactement le chemin que l’on est invité à suivre. La démarche est logique. Avant Harry Potter, il y a eu J.K.Rowling, dont la vie a sans aucun doute fourni la matière à sa création. Son parcours, le cercle familial, etc. sont autant d’éléments qui ont servi à habiller le récit. Cependant, il faut bien avouer qu’il ne s’agit que de détails, assez amusants, mais nullement nécessaires à la compréhension de la saga. Toutefois, dire que ce ne serait que de l’ordre de la simple anecdote serait une affirmation quelque peu faussée.
En explorant quelques points de sa vie, il y a aussi une volonté d’attirer le regard sur la mise en place du processus créatif. Tout ce qui naît de l’esprit d’un auteur, ou d’un artiste plus généralement, ne naît pas ex nihilo ; il trouve forcément écho dans la vie propre de ce dernier.
Ainsi, à n’en pas douter, l’imagination trouve sa part dans notre réalité tangible. Et Harry Potter n’échappe pas à la règle. Les exemples donnés sont nombreux. L’architecture de Poudlard, du moins pour certains éléments, trouve dès lors sa source dans le passé même de son auteur (jalonné par des événements plus ou moins marquants) et du domicile familial. Il en est de même pour l’un des lieux indissociables de la saga : la fameuse gare, qui renvoie quant à elle aux parents de l’autrice et, en quelque sorte, à son identité même.
Rien de plus normal : Harry Potter est donc forcément l’expression d’une individualité et l’agrégat d’expériences personnelles. Ainsi, la création est le reflet du parcours de Rowling et de son érudition. Passer par là, par rapporter ce cheminement, permet en quelque sorte de retracer la genèse de l’œuvre.
Cependant, dans une certaine manière, cette démarche pourrait poser problème et conforter les détracteurs mêmes de l’autrice, lesquels reprochent à cette dernière sa prise de position assez hostile vis-à-vis de la communauté trans. Car oui, si Harry Potter est indissociable de l’autrice, on ne peut que difficilement s’éloigner de la théorie qui vaut qu’une création doit être distinguée de son créateur… Mais, rien n’est si simple, n’est-ce pas ?
Que doit-on penser ? L’auteur aurait-il une quelconque responsabilité à l’endroit de son lectorat – surtout s’il s’agit d’un jeune public –, devant irrémédiablement donner le bon exemple ? C’est ce que l’on aurait tendance à croire. Mais, dès lors, quid de sa liberté de pensée et d’expression ? Si accéder à la renommée pousse à la contrainte, il y aurait là une parfaite ironie qui est celle d’être devenu prisonnier de sa propre création, de sa propre imagination et donc de son droit à l’expression.
Toujours est-il que l’ouvrage ne verse pas dans ces considérations, même s’il évoque ce point justement, pour justement souligner l’ambiguïté de la personnalité qu’est J.K.Rowling. C’est un peu un passage obligé. Or, La Magie de la Narration ne se veut pas critique, mais analytique, et tend ainsi à mettre en avant les clés du succès de l’immense saga que sont devenues les aventures du jeune sorcier. Et, dans cela, il y a plusieurs éléments à prendre en compte, comprenant évidemment la structure même de l’œuvre, que ce soit en considérant les romans dans leur unité ou dans l’économie même de la saga.
Harry Potter : les secrets d’une saga pour tous
L’ouvrage nous rappelle ce que l’on ne pourrait totalement oublier : la saga Harry Potter est, par excellence, initiatique. À juste titre, puisque cette dernière donne à suivre les aventures d’un héros et de ses fidèles compagnons (Ron et Hermione, entre autres) qui, au fil des romans, acquièrent de l’âge et surtout de l’expérience. Par leurs yeux, le monde évolue ou plutôt la conscience de la réalité du monde qui l’entoure se fait de plus en plus sensible. Et ces héros ont une résonance particulière avec le public visé par l’autrice. Pour cause, il est directement concerné : l’enfant qui est mis en scène est d’une certaine manière une sorte de projection.
En substance, le lecteur/enfant est en quelque sorte accompagné dans son évolution personnelle. Il est fait en sorte que la série s’actualise en fonction des sujets qui deviennent de plus en plus prégnants dans le quotidien du lecteur, invitant ainsi le récit vers la voie de la maturité : le concept d’injustice, la mort, la notion d’identité… telles sont, par exemple, les thématiques abordées et rappelées par l’ouvrage.
Ainsi, pour éviter de sombrer, l’univers se doit d’évoluer. C’est vers ce point que semblent tout particulièrement se diriger David et Lucas Torres : ils tendent à nous montrer comment la maestria de Rowling opère pour accomplir cet objectif particulier.
C’est alors dans cette optique entre autres que l’on s’intéresse à ce qui fait la richesse de l’œuvre – cette richesse-là qui donne à la série sa complexité. Et, dans un premier temps, il est question de la physionomie même de l’œuvre, de sa construction. Car oui, avant le but édificateur, il y a la question de l’intéressement. Comment faire en effet pour susciter l’intérêt des lecteurs et le faire perdurer des années durant ? Plus qu’une autrice à destination de la jeunesse, Rowling est un véritable écrivain. Et c’est ce génie, cette ingéniosité que mettent en surface David et Lucas Torres, en détaillant les différents procédés mis à l’honneur pour écrire les romans.
Sur plusieurs plans, Rowling excelle. Elle joue avec ses lecteurs et son univers, tord les schémas narratifs maintes fois utilisés, et renverse les valeurs qu’elle a elle-même instaurées. Ce qui, de cette manière, permet d’instiller de la surprise et de bouleverser les attentes… Et en même temps, la structure de son œuvre est extrêmement solide. Cette cohérence-ci sera souvent évoquée et appuyée au cours de notre lecture : principe de symétrie entre les romans, foreshadowing, etc. sont autant d’éléments mis en valeur.
Richesse sur la forme, donc, mais aussi dans le fond. En fait, si l’on devait résumer ce que l’on nous dit, Harry Potter se veut être comme une sorte de synthèse canalisant toute sorte de savoir… Ou du moins, on peut l’analyser à l’aune de diverses études et connaissances. Quoi qu’il en soit, les nombreuses citations et références que l’on observe sont signe d’au moins deux choses. La première, c’est qu’elles témoignent d’une certaine érudition. Et, de l’autre, elles permettent de (re)découvrir l’œuvre sous un autre jour.
Dès lors, il apparaît que cet ouvrage, La Magie de la Narration par David et Lucas Torres, est ce que l’on peut considérer comme un indispensable pour l’amateur de l’univers magique d’Harry Potter. Non seulement on nous fournit une analyse de la fameuse série, des éléments intéressants (à l’instar de la « fabrication » de la version française), mais on nous apporte également des éléments de culture générale.
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