Fiche de perso est une rubrique dans laquelle nous tirons le portrait d’acteurs du jeu vidéo, réels ou fictifs, qui pèsent ou ont pesé sur l’industrie. Aujourd’hui, à l’occasion de l’arrivée prochaine de Uma Musume: Pretty Derby, on retourne sur l’histoire de Cygames, studio derrière les licences Grandblue Fantasy et Uma Musume, un gros poisson du jeu japonais qui tend à progressivement s’exporter à l’international.
Lors de cette Japan Expo, il était possible d’essayer Granblue Fantasy: Relink, le dernier titre en date de Cygames. Cela s’inscrit dans une stratégie d’internationalisation récente du studio, qui ouvre progressivement des branches dans différents pays. Une stratégie qui paie, puisque le succès de Relink, qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, est au moins autant dû au public japonais qu’au public occidental.
Aujourd’hui, Cygames n’est pas connu uniquement pour son RPG mobile phare : bandes-dessinées, séries d’animation, jeux de cartes, Cygames est bien entendu un studio de jeu vidéo, mais il ne s’arrête pas à cela. Koichi Watanabe, president du studio, a la main sur différents médias. Cela permet aux licences développées de se retrouver sous différentes formes, le nerf de la guerre dans une industrie du divertissement toujours plus complexe.
Pourtant, rien ne pouvait laisser présager, lors de la fondation du studio en 2011, qu’il atteindrait une telle place dans l’industrie du divertissement japonais. Ça n’était, à l’origine, que le projet de deux développeurs, se destinant plus à la production de jeux mobiles dans un marché de plus en plus favorable à ce format. Alors, comment Cygames a-t-il réussi à se faire une place dans différentes parties de l’industrie ?
Cygames pose les fondations d’un modèle solide…
En 2011, le studio publie son premier titre : Rage of Bahamut. Ce jeu de cartes virtuelles, disponible sur mobile et PC à l’époque, permet d’entrevoir ce que deviendra non seulement Cygames mais aussi le jeu de cartes virtuelles en général. Publié par DeNA avant même que Blizzard ne développe Hearthstone (2014), le jeu reçoit un accueil globalement positif.
Avec 20 millions d’utilisateurs, Rage of Bahamut démontre le potentiel du studio, d’autant que ce n’est pas le seul jeu mobile à succès sur lequel travaille le studio. Dans un genre plutôt différent, Cygames se cache derrière l’éditeur Bandai Namco en développant Idolm@ster Cinderella Girls, un autre jeu à succès. C’est peut être là que les responsables du studio remarquent la force du média mix, une stratégie déjà maîtrisée par la licence d’idols très populaire au Japon.
Les personnages présents dans le jeu se retrouvent déclinées dans des séries, dans des mangas, en drama audio… Autant de portes d’entrées pour fidéliser un public. Une information qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd lorsque Cygames commence à sérieusement développer ses licences.
Granblue Fantasy, le saut dans le grand bain
En 2014, Cygames publie au Japon la première pierre à l’édifice de sa licence phare, Granblue Fantasy. Un J-RPG mobile, avec un système de gacha, c’est à dire que les joueurs doivent faire des invocations en espérant débloquer le dernier personnage fort, généralement mis en valeur dans le scénario. Problème : le taux d’apparition des dits personnages est très bas, et il n’y a jamais aucune garantie de pouvoir obtenir le prix convoité.
Si, quand décrit de cette manière, cela ressemble fortement à un jeu de hasard, c’est que, derrière les différents vernis que représentent les personnages, les jeux à gachas en reprennent les codes addictifs, et sans forcément en donner les avertissements. Ça fonctionne : aujourd’hui, c’est l’un des modèles de jeu mobile les plus courants. Granblue Fantasy en applique les codes à la lettre, sans s’y arrêter.
Cygames, c’est avant tout le projet de deux développeurs voulant faire des jeux attractifs et engageants, c’est pourquoi l’équipe se fait plaisir en réunissant deux grandes figures du J-RPG pour créer son univers, le directeur artistique Hideo Minaba et le compositeur Nobuo Uematsu, qui ont travaillé ensemble sur plusieurs Final Fantasy. Cela permet à Granblue Fantasy d’avoir une patte visuelle et sonore authentique pour les fans du genre.
De plus, le studio entérine le succès de la licence en appliquant à la lettre ce que les équipes avaient pu observer dans la promotion d’Idolm@ster par Bandai Namco : l’équipe fait appel à des studios reconnus pour développer la série d’animation Granblue Fantasy. En se déclinant sur de nouveaux supports, la licence entre dans un cercle vertueux, rapidement, les millions de joueurs sur les seuls serveurs japonais s’accumulent, jusqu’à atteindre 25 millions en 2019.
Après le succès, les grands projets
Une chose est sûre : le studio voit les choses en grand, et collaborer ne lui suffit pas. Cygames doit devenir plus qu’un studio de jeu vidéo si les équipes veulent s’assurer un contrôle total sur leurs licences. C’est pourquoi, relativement rapidement, Cygames ouvre ses propres studios d’animation et d’édition de bandes-dessinées. Si ces studios ne serviront pas pour Granblue Fantasy, ils permettent le développement d’autres licences très connues au Japon, comme Uma Musume.
Cygames voit grand. Ses titres sont à l’étroit sur mobile et débordent ; sur d’autres médias, d’abord, avec les séries d’animation. Cependant, le grand amour de Koichi Watanabe reste le jeu vidéo. Granblue Fantasy ne peut plus se cantonner au jeu mobile, et c’est pourquoi la licence se fait une place sur les consoles de Sony, sur un modèle complètement différent, en délaissant la structure du RPG à la faveur de celle du Versus Fighting, puis, enfin, en 2024, sous la forme d’un action RPG avec Granblue Fantasy: Relink.
Cet élargissement, tant dans l’échelle des jeux que des médias sur lesquels la licence est disponible, fonctionne surtout car il n’y a pas de délégation : les développeurs ont tout à faire, du game design aux bruitages. Les équipes de Koichi Watanabe disposent d’un espace adapté à chacune de ces étapes de production, l’art étant placé au cœur du processus créatif. Les studios de Cygames à Tokyo et Osaka, sont réputés pour être grands, et abritent notamment le plus grand espace dédié à la motion capture au monde.
Un enjeu d’écoute : Cygames proche de son public
Enfin, ce qui semble laisser une place à Cygames parmi les grands, c’est sa capacité de remise en question : c’est ce qui a permis au studio de marquer l’histoire du modèle gacha. C’est à Granblue Fantasy que l’on doit la démocratisation du modèle de « pity », ce système qui, à un certain point, garantie l’obtention d’un personnage désiré au sein d’un jeu gacha. Nne fonctionnalité qui fit suite à une erreur du studio, celui-ci avait donné des taux d’apparition trop faibles à un personnage par rapport à ceux annoncés.
Face aux critiques acerbes des joueurs qui ont dépensé beaucoup d’argent , le studio prend alors une décision drastique : mettre en place une garantie d’obtention du personnage après un certain nombre d’invocations. Ce système de garantie devient une réelle force pour le jeu : d’une part, cela encourage le fait de faire des dépenses, puisque les joueurs sont certains d’avoir ce qu’ils souhaitent, d’autre part, cela place Cygames comme un studio proche de son public, prêt à se remettre en question.
Cela confirme également ce qu’alors beaucoup commençaient à remarquer avec le succès de Granblue Fantasy : Cygames est un studio qui a marqué, très tôt, le paysage des jeux pour mobile à gacha. Si ce n’est pas la première fois qu’un système de garantie a été instauré dans un jeu gacha, l’incident de Granblue Fantasy souligne sa viabilité et la manière dont il peut fidéliser une audience. Depuis cette époque, les systèmes de garanties sont devenus courants dans les jeux mobiles à gacha.
L’efficacité avec laquelle Cygames a pu lire les enjeux se trouvant dans la controverse du personnage de Granblue Fantasy n’est pas limitée au seul marché du jeu mobile. Dans chaque industrie dans laquelle le studio souhaite s’implanter, les équipes travaillent d’arrache-pied pour proposer un travail le plus à la pointe possible afin de trouver comment s’inscrire durablement dans chaque environnement ciblé. C’est de cette manière que Cygames est devenu un empire au Japon. Désormais il ne reste alors plus qu’une chose à faire : convaincre le monde entier…
La dernière tâche à laquelle le studio fait face est prise à bras le corps. D’abord en Occident, avec des antennes ouvertes à Londres et aux États-Unis, jusque dans le reste de Asie avec un nouveau siège à Singapour, tout juste ouvert cette année. Ces nouveaux centres de direction permettent la mise en place d’événements ciblant le public précis des différentes zones où ils sont implantés. Pour nous européens, nous regarderons bien sûr avec attention le travail de la branche européenne : à voir si le challenge, celui d’attirer le plus grand nombre vers ces licences typiquement japonaises, sera réussi.
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