Le SELL (Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir), l’un des deux syndicats de l’industrie des jeux vidéo en France, revient tordre les clichés qui collent à la peau du jeu vidéo avec son enquête annuelle sur les jeux et les joueurs intitulée “L’Essentiel du Jeu Vidéo”. Le jeu vidéo est bien entendu un truc de gosse, confié aux enfants par des parents irresponsables, un loisir violent qui renferme ses utilisateurs sur eux-mêmes. En tous cas à en croire André, dit Dédé-Verre-Vide, du PMU du coin, et les chaînes d’info en continu. Et si en vérité c’était tout le contraire ?
Les jeux vidéo, un truc de gosses
71 % des Français jouent au moins occasionnellement, et la moitié d’entre nous joue régulièrement. Si à peu près tous les enfants jouent (96% des 10-17 ans, un chiffre impressionnant !), 69% des adultes (18 ans et plus) sont joueurs, et un adulte sur trois joue tous les jours ! Autre chiffre surprenant : 55% des séniors (55 ans et plus) jouent au jeux vidéo. La moyenne d’âge du joueur en France s’établit à 40 ans. Une moyenne qui augmente d’année en année, soulignant que les joueurs ne lâchent pas leur manette en vieillissant.
Les jeux vidéo, un truc de crétins
95 % des joueurs ont au moins un diplôme. Autant dire tout le monde. 79% ont au moins le bac, et pas loin d’un quart des joueurs ont un Bac+5 ou plus. Parmi les classes sociales, les joueurs sont répartis équitablement entre les familles à différents niveaux de revenus. Le jeu concerne ainsi pour 28% des CSP + (à haut revenus) et 28% des CSP – (aux revenus plus modestes). Qui aurait cru que l’égalité, la vraie, passerait par les jeux vidéo ?! Quant à la différence Paris-Province, le nombre de joueurs est plus ou moins proportionnel à la répartition de la population, avec 19% des joueurs situés en région parisienne, et 81% d’entre eux en province.
Côté culture, on voit que les joueurs de jeu vidéo sont légèrement plus ouverts et plus curieux que les autres internautes (mais l’enquête ne fait pas de comparatif avec l’ensemble des Français non-joueurs). Ainsi, les joueurs sont 77% à être allés au cinéma dans les six mois précédant l’enquête, contre 74% pour les internautes non-joueurs ; 38% des joueurs se sont rendus à un concert contre 36% des autres et 58% déclarent pratiquer une activité sportive régulière contre 56% des autres internautes.
Les jeux vidéo, la nounou des parents démissionnaires
On l’a vu plus haut, tous les enfants jouent. Le sujet peut vite devenir un problème dans les familles, et on voit régulièrement ces reportages sur des parents dépassés par leur fils “accro” au jeu en ligne, au bord de la déscolarisation. Pourtant, l’enquête révèle que 71 % des parents sont attentifs à la pratique de jeu de leurs enfants, et 65 % d’entre eux déclarent jouer avec leurs enfants au moins occasionnellement.
91 % des parents connaissent les systèmes de contrôle parental (même s’ils ne sont qu’un tiers à l’utiliser), et 56 % connaissent l’échelle PEGI. Face à cette classification, plus de la moitié des parents (56 %) y sont attentifs, et presque la moitié des enfants (46 %).
Tout va bien pour le marché du jeu vidéo, qui reste la première industrie du divertissement. Avec un chiffre d’affaire de près de 5 milliards d’euros en 2018, le secteur progresse encore (+15 % par rapport à 2017). La console domine toujours le marché, avec plus de la moitié du chiffre d’affaire.
Des excellents résultats économiques qui sont nuancés par les chiffres de l’autre syndicat du secteur, le SNJV, qui montre un léger recul de l’emploi cette année (le nombre d’emplois par studio est légèrement inférieur à celui de l’année précédente), ainsi qu’une précarité un peu plus affirmée, avec un recours plus important au CDD. Le CDI reste toutefois la norme, avec 75% des emplois qui y ont recours. Malgré ces mauvaises nouvelles toutes relatives, le secteur est en excellente santé, mais est aussi au bord de profondes mutations, avec l’accélération du développement du cloud gaming. Et ces deux études ne se sont pas penchées sur les conditions de travail dans les studios, où les crunches semblent être devenus la norme. Le jeu vidéo, un truc de forçats ?