« L’année est 2030, un samedi après-midi pluvieux, vous venez juste de finir de miner 30 Obsidian dans Crypto Crush Saga, un match-3 sur mobile », c’est en ces termes que commence un post LinkedIn de Nicolas Vereecke, un des principaux investisseurs de Bitkrafts Ventures, une holding ayant des parts notamment dans Discord, Epic Games et un tas de projets blockchain liés de près ou de loin au jeu vidéo. Dans ce post, Vereecke expose la vision de ce à quoi le gaming pourrait ressembler dans un peu moins d’une décennie si toutes les « promesses » de l’univers crypto étaient tenues. On vous épargne la traduction complète, mais voici le post en question pour ceux qui voudraient s’infliger ça eux-mêmes.
En quelques mots, l’idée ici est de faire comprendre que les univers vidéoludiques dans leur intégralité seront liés par la possibilité de transférer des données, objets, ressources, etc. en NFT et donc de faire en sorte que les jeux soient interdépendants les uns des autres dans une espèce de seul et unique « gamingverse » accessible à tous. Si la faisabilité technique d’un tel projet a déjà été démontée maintes fois par les professionnels du secteur, arguant que si c’est possible en théorie, ce serait surtout incroyablement coûteux pour un résultat médiocre, c’est avant tout le cynisme fantastique qui se dégage du post et de la vision cataclysmique présentée qui inquiète, car M.Vereecke n’est pas un énième crypto-bro sur Twitter, mais bel et bien un parti prenant de l’industrie.
Square Enix vend Tomb Raider et d’autres licences pour financer des projets blockchain.Nous ne ferons pas dans le crypto-bashing de bas étage. Beaucoup de choses ont déjà été dites et ce n’est pas le sujet ici. La technologie présente évidemment un certain intérêt dans beaucoup d’applications différentes, maintenant, lorsqu’il s’agit de jeux vidéo, mais force est de constater que tout est fait pour rendre la chose imbuvable. Tout dans le post de Vereecke parle de « grind », de « collecte » de « pourcentage de drop » afin d’avoir accès dans un jeu A à la ressource nécessaire pour avancer dans un jeu B. Et si ce n’est pas dit explicitement, on comprend bien que tout ça vient avec une volonté de faire de l’argent, et pour le joueur, mais aussi et surtout pour l’éditeur.
Pas un seul mot sur la créativité, l’histoire, de nouvelles mécaniques de gameplay… Non, le futur du jeu vidéo, c’est faire la même chose que dix ans en arrière (en témoignent les noms utilisés, pastichant des licences existantes), mais en payant plus souvent, pour éventuellement grappiller quelques miettes et, pour certains chanceux, le jackpot. La déconnexion des investisseurs avec les réalités de l’industrie est immense.
Lutter contre le crunch et rendre les conditions de travail plus acceptables ? Donnons plutôt aux développeurs plus de travail pour rendre leur jeu compatible dans le « Verse ». Comment faire en sorte que les productions indépendantes tirent leur épingle du jeu ? Rendons les invisibles en uniformisant les grosses productions dans un grand complexe virtuel qui maintiendra le joueur dans un écosystème triple A. Et le plus inquiétant, ce n’est pas qu’un investisseur lobbyiste fasse son job d’investisseur lobbyiste, c’est que des grands studios lui emboîtent le pas.
D’Ubisoft qui ouvre un département crypto à Square Enix qui vend des grosses licences pour financer des projets blockchain, force est de constater que l’industrie va dans cette direction, et ce malgré quelques réserves émises depuis la chute de beaucoup de « coins » le mois dernier. Au joueur de consommer intelligemment afin de sanctionner des pratiques qui iront à l’encontre de l’intérêt du medium. Pour finir, de nombreuses parodies des propos de Vereecke ont vu le jour sur Twitter, mais celle de Rami Ismail est peut-être la plus importante :
» It is the year 2030. I buy a videogame. I boot up the videogame. I play the videogame. I enjoy the videogame. I quit the videogame. «